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quoi n'en feroit-il pas de même de beaucoup de patrons eccléfiaftiques qui ont des droits à la préfentation de certains bénéfices, auffi bien fondés que ceux des chapitres, à la collation de leurs prébendes ?

Il paroît que ces motifs de juftice ont prévalu dans l'ufage fur la jurifprudence qu'on a voulu établir depuis 1638. Il paroît que la volonté du roi eft de rétablir les patrons eccléfiaftiques dans l'exercice de leurs patronages pendant que la régale eft ouverte, puifque fa majefté veut bien recevoir leurs préfentations, & fait expédier en conféquence des brevets en régale à leurs préfentés. Les mémoires du clergé rapportent des modèles de ces provifions.

La question n'a pas fouffert tant de difficultés quant aux patrons laïques. On a toujours regardé leur droit de présentation, comme jus patrimoniale quod facit partem dominii, non ex merá gratiâ laicis conceffum, & comme lex & conditio appofita à patrono in traditione rei fua: M. Briquet, avocatgénéral, réfumoit ainfi les principes, lors d'une caufe jugée en 1642 : « toute la question eft de » favoir fi, par l'ouverture de la régale, le roi » peut prévenir le patron laïque & pourvoir fans » fa préfentation; difficulté qui n'eft pas confidé» rable, attendu que le roi n'a que le pouvoir » qu'auroit l'ordinaire auquel il fuccède; de forte » qu'il n'eft pas vrai de dire abfolument, que la pro. » vifion du roi foit nulle abfolument, mais bien que » venit annullanda conquerente patrono laico. Et bien » que le droit de régale foit augufte & éminent, il » n'ôte pas pourtant le droit qui appartient aux pa"trons par le titre de la fondation des bénéfices, » ainfi eftime qu'il y a lieu de maintenir & garder » le défendeur en la poffeffion de la chapelle con»tentieuse ». La cour, fans s'arrêter à la demande en régale, a maintenu & gardé le défendeur au bénéfice dont eft queftion & fans dépens.

Ainfi, en partant du principe de M. Briquet, les bénéfices à patronage, foit laïque, foit eccléfiaftique, tombent en régale. Si le roi y pourvoit fans la présentation du patron, fes provisions ne font pas nulles. Mais elles font annullables, fi le patron fe plaint & confère en temps utile. Cette maxime paroît certaine pour les patrons laïques. Le parlement de Paris ne l'admettroit probablement pas pour les patrons eccléfiaftiques. Il eft donc de leur plus grand intérêt, de ne pas fe laiffer prévenir par le roi, & de fe hâter de lui faire leur préfentation, fur laquelle il ne refuse point de donner des provifions.

Mais les uns & les autres doivent présenter au roi; le bénéfice une fois tombé en régale, ne peut plus être conféré que par fa majefté. Si le patron, quel qu'il fût, foit laïque, foit eccléfiaf tique, préfentoit au chapitre ou même à l'évêque, fa préfentation feroit radicalemeet nulle, ainfi que la collation qui en feroit la fuite, & le roi confereroit jure devoluto. Cela a été jugé plusieurs

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fois, & notamment au mois de février 1701 fur les conclufions de M. Joly de Fleury, avocat-général. Dans cette efpèce, un bénéfice à patronage laïque avoit vaqué pendant que la régale étoit ouverte le patron préfenta à l'évêque, après la clôture de la régale, & l'évêque donna des provifions. Les fix mois du patron eccléfiaftique étant écoulés, un particulier obtint du roi des provifions en régale, foutenant que le patron étoit toujours tenu de préfenter au roi; que la provifion donnée par l'évêque étoit nulle, & que le roi ayant été collateur, fon droit de conférer ne paffe point à l'évêque.

On ajouta que fi le roi veut bien conferver au patron le droit de préfenter, ce n'eft pas pour anéantir fon droit de collation en régule. Ce droit du roi ne fait point de préjudice au patron; il doit lui être indifférent de préfenter au roi ou à l'évêque; fur ces fondemens, on a foutenu qu'il n'y avoit point de raifon de transférer à l'évêque ce droit acquis au roi, non plus que les autres droits de la régale, & le parlement l'a ainfi jugé.

Plufieurs auteurs ont prétendu que le droit de régale devoit s'exercer, non-feulement fur les archevêchés & évêchés, mais encore fur les abbayes. Me François Pinfon a fait un mémoire pour établir ce point de do&trine, & il a été inféré dans le nouveau commentaire des libertés de l'églife gallicane de M. Durand de Maillane. Mais ce jurif confulte n'a point fait changer l'ufage, qui eft que le roi ne confère point les bénéfices dépendans des abbayes pendant la vacance du fiège abbatial. De tous les titres rapportés en faveur de l'opinion de Pinfon, il n'en eft pas un qui parle de la collation des bénéfices dépendans des abbayes. On y voit feulement que leurs revenus étoient mis en la garde du roi, pour être enfuite remis aux abbés fucceffeurs. Ce droit de garde ne doit pas être confondu avec ce qu'on appelle aujourd'hui régale. Il faut encore obferver que dans aucune des pièces rapportées pour établir la régale fur les abbayes, il n'eft point fait mention de la difpofition des bénéfices qui en dépendent.

Mais fi le roi n'exerce point, quant à la difpo fition des bénéfices, directement la régale fur les abbayes, on ne lui contefte point le droit de l'exercer indirectement dans deux cas. Le premier, c'eft lorsque l'abbé ou les religieux ont laiffé écouler fix mois fans préfenter ou conférer. Alors, fi la régale s'ouvre ou eft ouverte, le roi confère par droit de dévolution, comme l'évêque auroit eu droit de le faire.

Le fecond cas où le roi exerce indirectement la régale fur les bénéfices dépendans des abbayes, a été réglé par la déclaration du 30 août 1735. Le législateur, après avoir décidé par les articles 1, 2 & 3, que les archevêques & évêques n'auroient droit de conférer pendant la vacance des abbayes, que les bénéfices qui font à la collation. de l'abbé feul, ajoute dans l'article 4: « pendant

la vacance des archevêchés & évêchés, les bé» néfices dont la collation doit appartenir aux archevêques ou évêques, fuivant ce qui eft porté » par les articles premier & fecond des préfentes, » tomberont en régale, & il y fera par nous pourvu » en la manière accoutumée ».

Suivant cet article de la déclaration de 1735; les bénéfices à la collation des abbayes, c'est-àdire, des prieurs & religieux, ne peuvent point tomber en régale pendant les fix premiers mois de la vacance, parce que, dans quelque hypothèse que ce foit, ils ne font point, pendant les fix mois, à la collation de l'évêque diocéfain. Quant à ceux qui font à la collation de l'abbé feul, il faut la réunion de deux circonftances pour qu'ils tombent en régale : il faut que la vacance du fiège abbatial concoure avec la vacance du fiège épifcopal. C'eft la difpofition de l'article de la déclaration de 1735, rapporté ci-dessus. Le feul cas où ce concours de vacances ne foit pas néceffaire, eft celui de la dévolution, comme nous venons de le dire.

Drapier, qui a écrit avant la déclaration de 1735, s'exprime ainfi dans fes décifions fur les matières bénéficiales, tome 2, pag. 126 de l'édition de 1732 : « le roi confère les bénéfices dépendans » d'une abbaye pendant la vacance du fiège abba» tial, fi l'abbaye fe trouve vacante en même » temps que l'évêché. Arrêts du 14 juillet 1713, » du 29 avril 1716, & du 19 janvier 1725; d'où

il fuit que le roi a une régale indirecte fur les » abbayes. En effet, comme nous venons de le dire, fi une abbaye vient à vaquer pendant que le fiège épifcopal eft vacant, & qu'un prieuré dépendant de cette abbaye vienne à vaquer, le roi le confère, quand même il vaqueroit en »commende, ce que l'évêque n'auroit pu faire; » il auroit feulement pu le conférer en titre. » Mais fi l'abbaye n'eft pas vacante en même temps l'évêché, le roi ne confère pas les béné» que fices dépendans de l'abbaye pendant la vacance » du fiège abbatial ».

La déclaration de 1735 a confacré ces principes en les reftreignant aux bénéfices qui font à la collation de l'abbé feul: d'Héricourt, dans fes loix eccléfiaftiques, pag. 481 de l'édition de 1771, dit : « le

droit de régale refte, aux termes des édits & dé» clarations, renfermé dans les églifes cathédrales, fans que le roi pretende conférer les bénéfices "dépendans d'une abbaye, pendant la vacance du » fiège abbatial, à moins que l'abbaye ne fe tronve " vacante en même temps que l'évêché; car en ce » cas, le roi qui eft à la place de l'évêque, peut, » en vertu du droit de régale, difpofer des béné

fices non cures, de la même manière que » l'évêque pourroit en disposer fi le fiège épif» copal étoit rempli ».

Gohard, tome 2, p. 618, décide de même les que bénéfices dépendans des abbayes ne font fujets à La régale que quand l'abbaye vaque en même temps

que l'évêché, dans le territoire duquel efle eff fituée, parce que le roi tenant alors lieu de l'évêque, il fait ce vêque, il fait ce qu'il auroit dû faire fi le fiège avoit été rempli. Cet auteur cite à l'appui de fes principes, deux arrêts de 1713 & 1715, & finir par dire qu'il ne refte plus de difficulté fur ce point depuis la déclaration du 30 août 1735.

Le droit de régale ne fe borne point à la collation des bénéfices qui y font fujets. Plufieurs jurifconfultes, d'accord avec les cours féculières, difent que pour le temporel, elle eft proprement une main-mife féodale, en vertu de laquelle fa majesté jouit de l'évêché vacant, jufqu'à ce que le nouveau prélat lui ait fait la foi & hommage, & en ait fait les fruits fiens.

Dans l'état actuel des chofes, les fruits des évêchés qui viennent à vaquer, fe partagent pour l'année dans laquelle ils vaquent, entre les héritiers du dernier titulaire & les collecteurs de la régale ou économes, pro rata temporis. On en délivre aux héritiers pro eâ anni que parte le dernier titulaire a deffervi. Voyez FRUITS DES BÉNÉFICES, Mais il eft affez rare que la fucceffion des évêques, comme celle des autres titulaires des bénéfices confiftoriaux, foit profitable à leurs héritiers. Nous fommes bien éloignés de dire par-là qu'ils meurent infolvables. Il fuffit prefque toujours des procédures & des frais des économats, pour abforber ce qu'ils laiffent de plus liquide à leur décès. Il est bien à defirer que le gouvernement veuille s'occuper efficacement de cette partie effentielle de l'administration des biens de l'églife. Il y a long-temps qu'on fe plaint que les économats inftitués pour leur confervation, opèrent fouvent un effet contraire à leur destination.

Il y a, pour la régale, des procédures partico lières qui font tracées par le titre 15 de l'ordonnance de 1667. (M. l'abbé BERTOLIO, avocat au parlement.)

RÉGALE, (Droit féodal.) ce mot fignifie litté ralement royale. Il défigne un droit dépendant de la fouveraineté. C'eft ce qu'on appelle auffi drons régaliens.

On peut néanmoins obferver que plufieurs des droits auxquels on donne ce nom, dérivent plutôt de la conftitution féodale que de la nature de la royauté. La plupart ont même effectivement été concédés à des feigneurs. C'eft ce qui a fait introduire la diftinction des grandes & des petites ré gales, majora & minora regalia.

Les premières font tellement réputées un attri but de la fouveraineté, qu'on les tient pour incommunicables. Tels font les droits de faire des loix, de rendre ou faire rendre la juftice en dernier reffort, de créer de nouveaux offices, de faire la guerre ou la paix, de traiter par des ambaffadeurs, de donner des faufs-conduits & des lettres de marque ou repréfaille, de battre monnoie, d'établir des impôts, de donner des graces ou des lettres d'abolition pour crime, & génér

lement de difpenfer de la rigueur des loix, de naturalifer des étrangers, d'annoblir, de légitimer les bâtards, de donner des lettres de grace, d'amortir des héritages tombés en main - morte, de fonder des corporations, d'ériger des foires & marchés.

Les petites régales font communicables; tels font les grands chemins, les bords de la mer, les grandes rivières, les péages, les droits de leyde, les falines, les tréfors, les confiscations, le droit d'avoir chateau avec creneaux, fortereffes, & divers autres attributs des jurifdictions, &c.

Mais ces diftinctions ont varié, & varient encore, fuivant les temps & les lieux, même dans les royaumes où l'autorité royale eft la mieux affermie. Les grands vaffaux de France jouiffoient autrefois de toutes, ou prefque toutes les régales majeures ou mineures.

Un des derniers exemples des conceffions les plus étendues de cette forte, eft rapporté par Paf quier, dans fes recherches, liv. 6, chap. 2.

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« Le duc de Berry, dit-il, fut lieutenant pour » le roi, dans les provinces de Berry, Auvergne, » Poitiers & Guienne, avec pouvoir d'inftituer » & deftituer tous officiers, de quelque qualité » qu'ils fuffent, donner lettres de grace, de juf» tice, d'état, de répi, fauve-garde, fauf-conduit » aux ennemis, lettres d'abolition, même pour » crime de lèfe-majefté, créer des notaires royaux, » les deftituer, amortir lettres des églifes, conferer » les bénéfices étant à patronage royal, permettre » aux roturiers de poffèder des fiefs, mettre oblats » & autres perfonnes aux abbayes, ordonner des "hôpitaux-maladreries, avec pouvoir tel que le n roin. Mais on voit que cette conceffion n'étoit qu'à temps.

Les lettres d'établissement de plufieurs compa gnies de commerce leur ont auffi attribué un grand nombre de ces droits de fouveraineté dans nos colonies.

Plufieurs des feigneuries qui jouiffoient d'une partie de ces régales dans ce fiècle même, ont été acquifes par le roi. Telle eft la vicomté de Turenne, vendue au roi en 1738. Mais, indépendamment de la ville d'Avignon, du Comtat Venaiffin & de la république de Mulhaufen, qui font de véritables fouverainetés enclavées dans le royaume, il reste encore de grandes feigneuries fur-tout dans nos provinces les plus reculées, qui jouiffent de plufieurs des régales majeures.

En Franche-Comté, il y a auffi des juftices appartenantes aux eccléfiaftiques qui ont la connoiffance des cas royaux. On peut voir plus de détails à ce sujet dans Loifeau, Bodin, les autres publiciftes, dans la jurisprudence de la Touloubre, tome 1, tit. 1, 5 & fuiv., & dans le chapitre 2 des obfervations de Dunod, fur la coutume de Bourgogne. (G. D. C.)

REGALE SEIGNEURIALE, (Droit féodal.) c'eft un droit très - rigoureux & particulier à la cou

tume d'Artois, en vertu duquel le feigneur peut s'approprier les fruits des héritages fitués dans fa mouvance, lorfqu'ils n'ont pas été relevés dans le temps prefcrit.

Dans notre droit féodal, le feigneur conferve le domaine direct du fief, dont le vaffal ou le cenfitaire n'a que le domaine utile. On tenoit autrefois affez généralement que l'acquéreur ou l'hé ritier ne pouvoit avoir de poffeffion qu'après avoir été invefti ou enfaifiné par le feigneur.

La maxime, le mort faifit le vif, a depuis géné ralement prévalu, même contre le feigneur. Elle ne fouffre d'exception que dans les coutumes où les fiefs font de danger, & dans celle d'Artois.

Suivant l'article 71 de cette dernière coutume, pour acquérir un droit réel dans les héritages, quelque titre que ce foit, il faut en faire appre henfion de fait. Si on les acquiert à titre de fucceffion, il faut les relever des feigneurs dont ils font mouvans. Si c'eft à un autre titre, par exemple, à titre d'achat, d'échange, de don, &c. il faut, en évoquant ceux que cela regarde, les appréhender « par deffaifine & faifine faite devant » les hommes & en la cour du feigneur, dont » les héritages font tenus, ou par mise de fait » par la justice du feigneur, ou autre fouveraine » & coinpétente, tenue & décrétée de droit; » autrement, fans appréhenfion par relief, mifé » de fait, ou par deffaifine & laifine, nul ne » peut valablement par fucceffion ni autrement » transmettre ni transporter héritage de fon chef » en autre perfonne ».

On a parlé de la deffaifine-faifine & de la mife de fait dans des articles particuliers de ce dictionnaire. La néceffité de relever du feigneur les héritages auxquels on fuccède, eft le fondement du droit de régale, qui eft établi par l'article 20 de la coutume d'Artois. Il y eft dit : « que fi las » héritages ne font relevez & droiturez en dedans » les jours pour ce introduits, à favoir le fief en » dedans 40 jours, & les cotteries & mains-fermes » en dedans fept jours, ils reviennent, deplein droit, » à la table du feigneur dont ils font tenus, qui » a droit de régaler, prendre & appliquer à fon » profit, les profits d'iceux ».

On pourroit conclure de ces mots de plein droit, que les fruits de l'héritage non relevé appartiennent tellement au feigneur, qu'il n'a pas même befoin de les faire recueillir à fon profit, pour acquérir la propriété de ceux qui feront perçus avant le relief. Mais cette interprétation étoit trop rigoureufe pour être admife relativement à un droit auffi peu favorable.

On a même voulu foutenir que le feigneur no pouvoit pas plus en Artois que dans le droit commun, appliquer les fruits à fon profit, fans une faifie préalable. Il eft certain que la coutume de Saint-Pol, locale d'Artois, le décide ainfi dans l'article 4 du titre 1, ainfi que celle de Senlis, Voyez la fin du préfent article.

On voit dans Brunel, qu'on avoit voulu faire de cette coutume locale de Saint-Pol, le droit commun de la province, & que cet ufage avoit même été confirmé par un jugement du confeil d'Artois, & attefté par des actes de notoriété. Mais il étoit trop manifeftement contraire au texte de la coutume pour être foutenu, & Brunel nous apprend encore que la fentence du confeil d'Artois fut confirmée au parlement.

Indépendamment de ces mots de plein droit, dont fe fert l'article 20, on peut fonder cette prérogative exorbitante fur l'article 23, qui n'impofe au feigneur la néceffité de la faifie que dans le cas particulier où il a laiffé l'héritier jouir par an & jour des héritages non relevés. Dans ce cas, « pour duement procéder à la régale d'iceux, il con» vient & eft requis qu'il les faififfe préalablement, " & icelle faifine fignifier à l'occupeur des hérin tages ».

Quelle eft donc la manière dont le feigneur doit s'y prendre pour ufer du droit de régale dans le cas ordinaire? Eft-il néceffaire qu'il fe faffe autorifer par la justice, ou du moins qu'il notifie fes intentions à celui qui occupe les lieux? ou fuffitil qu'il envoie des gens de fa part, pour faire la récolte, fans aucune espèce de formalités?

Toutes ces opinions ont eu leurs partifans. Mais il faut avouer que la dernière eft la plus conforme au texte de la coutume, quoiqu'elle puiffe entraîner de très-grands inconvéniens. La loi est mauvaise. Mais il faut la fuivre, tant qu'elle ne fera pas changée.

Auffi le confeil d'Artois l'a-t-il jugé de cette manière, par une fentence rendue en forme d'arrêté, le 17 janvier 1710, les deux chambres affemblées, & fur l'appel qui en a été interjetté au parlement, elle y a été confirmée par arrêt du 6 avril 1716.

Cependant la fentence n'avoit pas paffé tout d'une voix, & la queftion s'étant représentée au confeil d'Artois un an avant l'arrêt, il fut jugé & réfołu le 22 mai 1715, dit Brunel, que pour parvenir au droit de régale, il faut que le feigneur faffe fignifier fa volonté par quelque acte fignifié à l'occupant ou à l'héritier du défunt.

Brunel propofe une diftinction. Il penfe que la fignification de la volonté du feigneur eft néceffaire dans le cas où les héritages foumis à la régale font affermés, mais non pas lorfque l'héritier les occupe par lui-même. Quelque équitable que puifle paroître cette diftinction, elle peut fouffrir des difficultés d'après le peu d'ambiguité du texte de la coutume; Brunel cite néanmoins un jugement du confeil d'Artois du 31 juillet 1595, qui l'a adoptée.

On allègue auffi pour cette opinion, un arrêt du 2 avril 1718, qui a décidé « que la régale n'at» tribuoit pas au feigneur, les fruits échus avant » la notification de la régale au fermier, dont la poffeffion fervoit au propriétaire ou héritier ».

*

par

Mais cet arrêt, qui eft ainfi indiqué par Maillard, n'a probablement jugé rien autre chofe, fi ce n'eft que le feigneur qui a laiffè récolter les fruits l'héritier ou par fon fermier, ne peut pas les redemander en vertu du droit de régale. Tel pouvoit être l'efprit de l'article 23 de la coutume; & c'eft d'ailleurs une fuite de la maxime, tant que le feigneur dort le vassal veille. (Goffon, fur l'article 22, n. 5; Maillart, art. 20, n. 11).

Lorfque le temps fixé par la coutume pour le relief eft expiré, fi l'héritier se mer en poffeffion de l'héritage, le feigneur peut, avant la récolte, intenter complainte contre l'héritier. Maillart obferve dans fes notes fur Goffon, art. 20, n. 11, qu'un arrêt du 21 août 1674 a déclaré la complainte valable en pareil cas, quoiqu'il ne s'agit que d'une rente foncière, parce que les rentes foncières font de véritables immeubles coutumiers fujets au relief.

Un jugement du 25 avril 1706 a même jugé que les fruits étoient acquis au feigneur de plein droit pour toute l'année, après une déclaration extraor dinaire, fignifiée à l'occupeur de la part du feigneur, à la veille de la récolte, & que le vaffal n'étoit pas recevable à purger fa demeure, en faifant des offres réelles, & même la confignation du droit de relief. Mais ce jugement, contraire au droit commun, a excité beaucoup de réclamations.

Goffon dit, en effet, fur l'article 20, n. 5, qu'on doit fous-entendre dans cet article, la clause fuivante : jufqu'à ce que l'héritier fe représente pour faire le relief.

Le même auteur enfeigne que le délai pour relever ne court qu'à compter du jour où l'heritier a eu ou dû avoir connoiffance du décès de fon auteur, & qu'il ne court point contre celui qui eft arrêté par quelque légitime empêchement. On peut argumenter pour cette opinion de l'article 161 de la coutume, qui dit que le délai de 40 jours pour renoncer à la communauté, ne court contre la femme qu'à compter du jour du décès ou de la fceute, c'est-à-dire, de la connoiffance qu'elle a eure de la mort du mari.

Au refte, la néceffité où l'article 23 met le feigneur d'ufer de faifie féodale pour profiter du droit de régale, après l'an & jour, n'a lieu qu'autant que l'héritier a effectivement poffédé pendant cet an & jour, foit par lui, foit par fon fermier; fi l'héritier n'a pas cette poffeffion, le feigneur peut ufer de la régale après an & jour, comme auparavant, parce que c'eft cette poffeffion qui peut feule porter atteinte à la faifine légale que la coutume lui attribue.

La coutume n'accorde le droit de régale au fei gneur que dans le cas où les héritages ne font releves & droitures en dedans les jours pour ce introduits. Bauduin conclut de-là que ce droit qu'il appelle une perception affez barbare & incivile, doit être reftreint au défaut de paiement des feuls droits de relief & devoir qui font de la nature du fiet,

fels que les reliefs ordinaires, tellement que s'il étoit dû au feigneur quelque autre chofe, comme une rente annuelle, il n'y auroit pas lieu d'ufer de régale ou faifie à défaut de paiement, quand bien même cette rente auroit été établie par le contrat d'inféodation.

Au refte, le droit de régale n'étant introduit qu'au profit du feigneur, aucun autre ne peut s'en prévaloir, & l'héritier peut fe dire faifi envers & contre tous de l'héritage qu'il n'a pas relevé. Si la fucceffion eft abandonnée, le curateur nommé à la requête des créanciers peut & doit relever le fief & « faire, au lieu de l'héritier, tous devoirs » vers le feigneur; & fi ledit curateur différoit "ee faire, ou qu'il ne fût encore créé, le créann cier du défunt, pour éviter la régale, pourra » faire lefdits devoirs vers ledit feigneur, & de » ce qu'il aura débourfé, il aura fon recouvrier, » (c'eft-à-dire, fon recours ou la répétition) » préalablement fur les biens de la curatelle ». (Art. 25.)

On doit enfin ajouter que le droit de régale fubfiftoit auffi pour les fiefs, 40 jours après le décès du vaffal, dans l'ancienne coutume de Valois, & que le feigneur y pouvoit même faifir le fief avec perte de fruits, incontinent après la mutation, toutes les fois qu'elle avoit lieu autrement que par mort, comme on le voit par le procèsverbal de la coutume actuelle, qui abolit ces droits rigoureux.

Encore aujourd'hui, le mot de régaler fe trouve auffi employé dans les articles 159, 205, 245 & 253 de la coutume de Senlis, pour jouir, de la part du feigneur, du fief de fon vaffal, par faute d'homme, droits & devoirs non faits dans les 40 jours. Mais la coutume elle-même n'afsure au feigneur ce droit de régale, qu'autant qu'il y a eu une faifie féodale, que le feigneur peut faire à toutes fins incontinent après le décès du vaffal. L'article 245 permet néanmoins au feigneur d'affeoir en fa main & régaler fimplement les fiefs dans la prévôté de Compiegne, en cas de vente, 40 jours après la deffaifine, fans faifie préalable. (M. GARRAN DE COULON, avocat au parlement.)

RÉGALEMENT, f. m. en terme de Pratique, fignifie ce que l'on fait pour égaler des perfonnes qui fe trouvoient partagées inégalement. Ce réga lement a licu fur-tout dans les fucceffions lorfque des enfans ont reçu des dots inégales, ou que les uns ont été dotés, & que les autres ne l'ont pas été. Voyez DOT, PARTAGE, SUCCESSION. (A) RÉGALER. Voyez RÉGALE SEIGNEURIALE. RÉGALES, au pluriel, ou droits régaliens, font tous les droits qui appartiennent au roi à caufe de fa fouveraineté.

On diftingue deux fortes de régales, les grandes & les petites.

Les grandes régales, majora regalia, font celles qui appartiennent au roi, jure fingulari & proprio, & qui font incommunicables à autrui, attendu

qu'elles ne peuvent être féparées du fceptre, étant des attributs de la fouveraineté, comme de fe qualifier par la puiflance de Dieu, de faire des loix, de les interpréter ou changer, de connoître en dernier reffort des jugemens de tous magiftrats, de créer des offices, faire la guerre & la paix, traiter par ambaffadeurs, faire battre monnoie, en hauffer ou baiffer le titre ou la valeur, mettre des impofitions fur les fujets, les ôter ou en exempter certaines perfonnes, donner des graces & abolitions pour crimes, accorder d'autres difpenfes de la rigueur des loix, naturalifer les étrangers, faire des nobles, ériger des ordres de chevalier & autres titres d'honneur, légitimer les bâtards, donner des lettres d'état, amortir les héritages tombés en main-morte, fonder des univerfités, ériger des foires & marchés publics, inftituer des poftes & couriers publics, affembler les états-généraux ou provinciaux, &c.

Les petites régales, minora regalia, font celles qui, n'étant point néceffairement inhérentes à la couronne, peuvent en être féparées, au moyen de quoi elles font communicables & ceffibles; telles font les grands chemins, les grandes rivières, les péages & autres droits femblables. (A)

REGARD ou REGARS (Droit féodal) c'est une redevance annuelle, qui a été principalement connue dans la Normandie, & dont il eft queftion dans les gloffaires de du Cange & de dom Carpentier, aux mots Regardum & Reguardium.

Ces auteurs ne difent point quelle eft la nature. de cette redevance & l'origine de fa dénomination. Il paroît, en comparant les textes qu'ils citent, que c'eft ce qu'on appelle aujourd'hui dans la même province des faifances & ailleurs des menus fuffra ges, c'eft-à-dire, des redevances en volailles, ou menues denrées, dues outre le prix annuel du bail à ficffe, ou autre bail.

Un cartulaire de l'abbaye de la Sainte Trinité de Caen porte: fumma regardorum eccclxxxiv, tam capones quam gallina.

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Un autre cartulaire du prieuré de Saint-Fromond porte également vendidi & conceffi conventui S. Fromondi j boiffel. Frumenti.... j gallinam ad natale domini & xova ad pafcha..... Ego verò prædictus Henricus & hæredes mei tenemur dictum boiffellum fru menti cum regardis antè dictis præfatis religiofis annuatim reddere, garantizare &c.

On lit plus bas dans le même cartulaire ; vendidi & dimifi..... conventui S. Fromondi iij. boiff. frum. capiendos ad feftum S. Michaelis in feptembri & ij. panes & ij. gallinas ad natale domini & xx ova ad pafcha, quod frumentum & regarda debebat mihi annuatim, feodaliter & per homagium Gaufridus dictus Bailleul de quadam pecia terræ.

Une autre chartre de l'an 1340 porte : « Item » jjc. de regars deus à Noël, tant en capons que » en gelines ».

Enfin on lit dans des lettres de grace de l'an 1409: «Une pièce de terre où eft affis un quare

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