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davantage. Ménédème (Force du peuple). Chrémès, as-tu donc assez de loisir dans tes affaires pour t'occuper de celles d'autrui, de celles qui ne te touchent en rien? Chrémès. Je suis homme, et je crois que rien d'humain ne m'est étranger (1). Suppose que c'est une question, non pas un conseil. Je désire savoir si tu fais bien, afin de faire moimême comme toi; sinon, pour t'en détourner. Ménédème. Pour moi, c'est ainsi que j'en use; pour toi, comme il t'est besoin d'agir, agis. - - Chrémès. Est-ce en user bien que de se supplicier? --- Ménédème. C'est ainsi pour moi. Chrémès. Mais pourquoi te faire ainsi du mal? Pourquoi, je te prie, t'imposer un tel châtiment?» (Héautontimorumenos, act. I, sc. Ire.)

Ménédėme vaincu épanche, en sanglotant, son cœur dans le sein de Chrémès. Lorsqu'on lui vient annoncer que le fils de son voisin est de retour, et, de plus, dans sa propre maison, quelle franche cordialité dans ses paroles! « Tu m'annonces un grand plaisir. Que je voudrais avoir invité Ménédême, pour l'avoir plus tôt avec nous aujourd'hui, pour lui offrir chez moi, le premier, cette joie à Fimproviste!» (Ibid., act. It, sc. m.)

CLITIPHON (Bean luisant). Jeune élégant qui fait la morale aux pères en général, et an sien en particulier, sur le vieux thème irrévérencieux de la sévérité paternelle et de leur facilité à oublier leurs jeunes ans. « Il n'est point de chose si facile, dit-il, qui ne devienne difficile quand on la fait malgré soi. » (Ibid., act. IV, se. Iv.)

GNATON (Mâchoire). Parasite et flatteur de profession, qui a fait de son ventre un dieu, et de son âme l'âme damnée de quiconque le gorge.

Dieux immortels! comment un homme est-il supérieur à un autre homme? Quelle différence y a-t-il entre un homme intelligent et un sot? Voici à quel propos cette réflexion m'est venue à l'esprit. J'ai rencontré aujourd'hui un homme qui arrivait; un homme de mon endroit et de mon rang, un honnête hommie qui, dans sa patrie, avait dévoré son patrimoine je le vois en haillons, crasseux, malade, couvert d'ans et de lambeaux. Quel est, lui dis-je, ce costume? C'est que, malheureux, j'ai perdu ce que j'avais. Voilà où j'en suis réduit. Amis et connaissances, tous m'ont délaissé. Alors je l'ai considéré avec dédain. Eh quoi! lui dis-je, ò le plus lâche des hommes! es-tu dans cet état qu'il ne te reste en toi-même aucune espérance? As-tu perdu l'esprit en même temps que ton bien? Ne vois-tu pas que je suis sorti de même situation? Vois quel teint, quel embonpoint, quel état de santé! J'ai tout, sans rien avoir à moi. Je n'ai rien, et rien ne me manque. Mais moi, je ne sais, répliqua-t-il, être ni malheureux ni ridicule; je ne sais pas recevoir de coups. Quoi! tu crois qu'il en est ainsi pour moi? Tu te trompes du tout au tout. Les gens de mon espèce gagnaient ainsi leur vie jadis, au siècle passé. Aujourd'hui, nouveau système, et c'est moi qui ai su l'inventer. Il y a une espèce de gens qui veulent être les premiers en toute chose, et qui ne le sont pas. Ce sont ceux-là que je cherche; et je m'arrange de manière à ce qu'ils ne rient pas de moi; je commence par rire d'eux, et j'admire avec eux leur génie. Quoi qu'ils disent, j'applaudis; disent-ils le contraire, j'applaudis encore. Si l'on dit non, je dis non; si l'on dit oui, je dis oui. Je me suis commandé à moi-même d'approuver tout: c'est d'un profit bien plus fécond. Tout en parlant de la sorte, nous arrivâmes au marché. Et aussitôt nous voyons accourir à ma rencontre tous les pâtissiers, poissonniers, bouchers, charcutiers et pêcheurs, à qui, dans la bonne et mauvaise for

(') C'est le fameux vers:

Homo sum: humani nihil a me alienum puto.

On le cite d'ordinaire isolément; il est bon de voir comment il est encadré.

tune, j'avais été utile, à qui je le suis souvent. Ils me saluent, m'invitent à souper, me congratulent sur ma venue. Lui, mon malheureux famélique, admirant l'honneur qu'on me faisait et combien ma vie est facile, se mit à me supplier de lui permettre de devenir mon élève. Je lui fais suivre mes leçons, et je veux, si c'est possible, que désormais les parasites sortis de mon école, à l'exemple des disciples des philosophes, prenant le nom de leur maître, s'appellent les gnatoniciens. »

LES COCARDES DES DOMESTIQUES.

Certains domestiques de personnes riches portent des cocardes à leurs chapeaux. En Angleterre, on fait remonter cette mode à l'époque des guerres civiles entre le parti de la Rose blanche et celui de la Rose rouge (York et Lancastre). Depuis, elle s'est maintenue dans la domesticité des officiers de terre et de mer.

UN SAGE.

Il y a plus d'une leçon à tirer de la lecture des Souvenirs et correspondance tires des papiers de Mme Récamier (1). On y voit tourbillonner autour de cette femme célèbre les personnes de son temps les plus élevées par le génie, le rang ou la fortune aucune d'elles n'est heureuse; toutes se lamentent dans leur correspondance; l'ambition, la jalousie, les désenchantements, les regrets, les afflictions de toute sorte les torturent. Mme Récamier elle-même, qui reste comme à demi voilée dans ce tableau où elle entr'ouvre les lèvres à peine, est, malgré toutes les admirations et les affectións extraordinaires qu'elle inspire, à peu près aussi agitée et malheureuse que les autres. Nous pouvons témoigner qu'il n'y a certainement point tant de causes de souffrances morales dans les conditions moyennes de la société. Entre les divers et nombreux amis de Mme Récamier, un seul passe devant les lecteurs le front serein, le cœur doux et paisible: c'est Ballanche. M. Matthien de Montmorency, bien noble caractère, n'est pas assez insensible aux petites disgraces humaines, et peut-être même ne sait-il pas se défendre de quelque peu d'envie. Ballanche, tout entier à la poursuite des hautes vérités qu'il rêve, res cherche avec le calme de la sagesse à travers l'atmosphère fiévreuse où le génie de Chateaubriand se débat, s'irrite et se lamente sans cesse. Ce n'est pas que Ballanche soit indifférent à rien de ce qui est digne des sympathies d'une àme généreuse; mais, personnellement, il ne désire ni puissance, ni honneurs, ni richesses; il aime le vrai, le beau, le bien, pour eux-mêmes; en échange du peu d'influence morale ou politique qu'il lui est possible d'exercer par ses écrits, il ne veut et n'attend aucun retour; il n'aspire, en véritable artiste, qu'à exprimer de son mieux ce qui émeut sa haute intelligence; tout au plus a-t-il un regard vague vers quelqu'une de ces couronnes, incertaines que tient en réserve la postérité. Il ne se pare point de l'avantage que sa sagesse lui donne sur ceux qui l'entourent; il les plaint, mais avec une douce simplicité. Sa plus grande sévérité n'a point de paroles plus amères que celles-ci, par exemple: «La tristesse dont il (2) est ohsédé ne m'étonne point: la chose à laquelle il avait consacré sa vie publique est accomplie; il se survit, et rien n'est plus triste que de se survivre... Votre douce compassion sera encore son meilleur asile... Vous lui ferez comprendre que les plus belles facultés, la plus éclatante renommée, ne

(1) Deux volumes; 1859, (*) Chateaubriand.

sont que de la poussière si elles ne reçoivent la fécondité de la rosée. Vois les vapeurs se former sur le soir, s'édu sentiment moral. »

LOUTHERBOURG.
Voy. p. 43.

Voici encore une des esquisses humoristiques de Loutherbourg; mais cet artiste était surtout appelé à prendre rang parmi les meilleurs paysagistes du dix-huitième siècle. C'est à lui que Diderot adressa, en 1765, cette exhortation: «Courage, jeune homme, tu as été plus loin qu'il ne l'est permis à ton âge. Tu ne dois pas connaître l'indigence, car tu fais vite, et tes compositions sont estimées. Tu as une compagne charmante, qui doit te fixer. Ne quitte ton atelier que pour aller consulter la nature. Habite les champs avec elle. Va voir le soleil se lever et se coucher; le ciel se colorer de nuages. Promène-toi dans la prairie, autour des troupeaux. Vois les herbes brillantes des gouttes

tendre sur la plaine, et te dérober peu à peu la cime des montagnes. Quitte ton lit de grand matin. Devance le retour du soleil. Vois son disque obscurci, les limites de son orbe effacées, et toute la masse de ses rayons perdue, dissipée, étouffée dans l'immense et profond brouillard qui n'en reçoit qu'une teinte faible et rougeâtre. Déjà le volume nébuleux commence à s'affaisser sous son propre poids; il se condense vers la terre; il l'humecte, il la trempe, et le globe amolli va s'attacher à tes pieds. Tourne tes regards vers le sommet des montagnes. Les voilà qui commencent à percer l'océan vaporeux. Précipite tes pas; grimpe vite sur quelque colline élevée, et de là contemple la surface de cet océan qui ondule mollement au-dessus de la terre, et découvre, à mesure qu'il s'abaisse, le haut des clochers, la cime des arbres, les faîtes des maisons, les bourgs, les villages, les forêts entières, toute la scène de la nature éclairée de la lumière de l'astre du jour. Prends le pinceau que tu viens de tremper dans la lumière, dans les eaux,

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Les Amateurs à l'Académie. Dessin de Foulquier, d'après Loutherbourg, dans les nuages; les phénomènes divers dont ta tête est semblent, et l'orage s'apprête. Va voir l'orage se former, remplie ne demandent qu'à s'en échapper et à s'attacher éclater et finir, et que, dans deux ans d'ici, je retrouve au à la toile. Tandis que tu t'occupes, pendant les heures Salon les arbres qu'il aura brisés, les torrents qu'il aura brûlantes du jour, à peindre la fraîcheur des heures du grossis, tout le spectacle de son ravage; et que mon ami matin, le ciel te prépare de nouveaux phénomènes. La lu- et moi, l'un contre l'autre appuyés, les yeux attachés sur mière s'affaiblit; les nuages s'émeuvent, se séparent, s'as-ton ouvrage, nous en soyons encore effrayés. »

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Pauvre petit! fils unique et chéri, bonheur et souci de ta mère ! rien n'est assez doux, assez chaud, assez beau, assez cher pour toi, objet d'un amour idolâtre!... Pauvre petit!

Parents, amis, tous, depuis ta naissance, à tes genoux, ont épié tes besoins, tes désirs, tes caprices; n'étaient-ils pas récompensés par chacun de tes regards parlants, de tes bégayements ingénus, de tes naïfs sourires, de tes mouvements empreints par la nature de tant de séduisantes grâces?... Pauvre petit!

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Si quelque voix prudente s'élève, si le père averti s'inquiète un moment, ébranlé dans l'adoration de cet autre lui-même, il se consulte avec la mère, il contemple son fils endormi dans sa gracieuse quiétude, et s'écrie avec elle : Ah! il aura assez d'occasions de souffrir! qu'au moins nous rendions son enfance heureuse!... Pauvre petit!

- Mais, s'écriera quelque amie grondeuse, si vous ne l'habituez jamais à supporter, à braver aucune de ces épreuves légères qui sont la loi du riche aussi bien que du pauvre, si vous ne l'accoutumez graduellement à aucune

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des rudesses (inévitables un jour ou l'autre) de la tem- | pérature, de la fatigue, à aucune privation du luxe, que deviendra-t-il? Il sera trop susceptible, trop délicat; aux moindres révolutions de l'atmosphère, il sera exposé à quelque atteinte subite et peut-être mortelle...

Trêve aux prédictions sinistres! se récrie la mère; voulez-vous que pour l'élever, comme on dit, « à l'anglaise, nous le privions des soins prudents que nous enseigne la nature elle-même? Ne sait-on pas combien ces engouements pour des modes étrangères ou pour des théories de philosophies qui n'avaient pas d'enfants, font chaque jour de victimes? Eh! l'oisean même, pour garnir son nid, arrache de son sein les plus douces de ses plumes. Il fait, pour ses oisillons, plus que nous ne faisons pour notre fils; son berceau est bien loin d'être ouaté comme le leur!... Pauvre petit!

L'amie persiste. Elle ne conseille aucune exagération. Il ne faut rien d'extrême; c'est la mollesse qui énerve et effemine jusqu'au ridicule qu'il s'agit seulement d'éviter. Paix, donneur d'avis inutiles!

Mais songez que ce que vous lui épargnez maintenant, il le lui faudra subir plus tard...

:

Eh! sait-on seulement s'il vivra? répond la mère d'une voix émue; il en est tant qui meurent jeunes! S'il le fallait perdre un jour, qu'au moins jamais nous n'ayons le remords d'avoir pu lui épargner une larme, une souffrance, et de ne l'avoir pas fait... Pauvre, pauvre petit! Oh! oui, malheureux enfant, de peur qu'il ne meure, condamné à ne point vivre; pour qui tout est prévu, qui, de toutes parts, est étayé, qui ne fera l'essai ni de sa force physique ni de sa force morale, et qui s'étiole au milieu des joujoux et du luxe! Mais ce puissant appel à la vie et au mouvement dont la bonne nature a doué l'enfance va combattre pour lui il veut bouger, il veut sortir; et au détour de l'allée du parc une leçon attend ce benjamin du logis, ce bien-aimé qui ne doit pas souffrir. L'air glacé torture ses membres délicats, l'onglée lui arrache des gémissements. Ce n'est pas pour lui que le soleil brille, que la neige resplendit, que le givre étincelle, c'est pour le fils du fermier, un petit mal vêtu. Ce qui n'est à l'enfant du riche qu'une souffrance fait bondir celui-ci de joie. Il respire à pleins poumons cet air vivifiant qui enfonce des aiguilles dans le visage efféminé du fils de son maître. La neige, qui engourdit les petits pieds enveloppés de bas et de chaussons de cachemire, qui glace les jambes serrées de guêtres bien closes, lui fournit à lui, demi-nu, son tapis et ses jouets. Des milliers de diamants, de pierres précieuses se suspendent aux branches pour le plaisir de ses yeux. Il a lutté dès sa naissance; non, ce n'est pas lui qui est le pauvre petit! Crois-moi, ne dérobe pas ton fils à la règle commune; il te vaudrait presque mieux le pleurer mort que d'avoir à le pleurer vivant; qu'à tout âge il tienne son rang d'homme, qui ne s'élève tant au-dessus de la brute que parce qu'il peut souffrir, lutter et endurer! C'est là sa gloire et son devoir; que ton fils fasse de bonne heure son apprentissage! Combattre ou supporter; la force ou la patience; qu'il ait la fierté de la résistance, ou la douceur de la soumission! Plus fort que le mal physique, plus fort que le mal moral, qu'il sache de bonne heure que vivre c'est lutter! Ah! n'en fais plus, n'en fais jamais un pauvre petit! »

DE QUELQUES PROGRES A FAIRE DANS LES SCIENCES, L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE. Suite. Voy. p. 5.

Physique; Théorie de la chaleur; Electricité. On a de grands progrès à réaliser dans la théorie de la chaleur,

L'étude dont elle a été l'objet est bien moins avancée que celle de la lumière qu'on a depuis longtemps soumise à des calculs rigoureux confirmés par les observations les plus délicates: Et cependant il nous serait bien utile de connaître à fond cet agent de premier ordre pour la plupart des industries.

Les belles recherches de MM. Joule, Clusius, Regnault, etc., permettent d'espérer qu'on pourra bientôt fonder une théorie féconde et complétement satisfaisante sur ce fait remarquable: « Que le travail d'une machine quelconque peut être transformé en chaleur; et, réciproquement, qu'une certaine quantité de chaleur peut se changer en une quantité équivalente de travail. »

La quantité de chaleur nécessaire pour élever la température d'un kilogramme d'eau d'un degré centigrade correspond à un travail de plus de 5 chevaux-vapeur. Ce travail représente un poids de 430 kilogrammes élevé à une hauteur d'un mètre en une seconde.

A ce point de vue, nos machines à vapeur, qui nous semblent si parfaites, ne paraitront à nos neveux que de grossiers instruments, car nous n'utilisons qu'une bien faible partie du combustible pour produire du travail utile. La théorie nouvelle indique un rendement vingt fois plus considérable que le rendement actuel des meilleures machines.

S'il y a beaucoup à faire dans l'étude de la chaleur, il n'y a pas moins à découvrir dans les domaines de l'électricité. Un prix de 50 000 francs doit être décerné par l'Académie des sciences à l'auteur d'une découverte importante sur la pile électrique ou ses applications.

La découverte la plus désirable dans ce genre serait celle d'un système de pile véritablement économique, pouvant donner des courants électriques à bas prix. Nous verrions alors les rues éclairées par la lumière électrique ; les machines électro-magnétiques pourraient être employées comme moteurs dans une foule d'industries, etc. Mais, dans l'état actuel de la science, on ne peut dire si nous sommes près ou loin d'une telle découverte.

L'éclairage à la lumière électrique est actuellement beaucoup trop coûteux. ne revient pas à moins de 5 francs par heure à Paris; on ne l'emploie que pour éclairer d'importants travaux qui doivent être terminés dans un trèscourt délai (pont Notre-Dame, hotel du Louvre, palais de l'Industrie, etc.), ou pour les grands effets de lumière dans les théâtres (le Prophète, le Corsaire, etc.).

Chimie; Production artificielle des substances. En chimie, les faits nouveaux se multiplient d'une manière surprenante.

Il ne s'écoule pas une année sans que les chimistes trouvent le moyen de reproduire artificiellement quelqu'une des substances que l'on trouve dans la nature. Un illustre chimiste allemand, M. Liebig, a réussi tout récemment à reproduire l'acide tartrique qu'on n'avait pu retirer jusqu'alors que des végétaux où il existe naturellement, du raisin, par exemple.

Parmi ces reproductions de composés naturels, on voudrait surtout réaliser celle de la quinine, de la morphine et autres corps employés en médecine. La production artificielle de la matière colorante de la garance est aussi une question de haute importance, qui a été en quelque sorte résolue au point de vue scientifique par le chimiste Laurent; mais tout reste à faire sous le rapport industriel.

Pour la solution de ce dernier problème, la Société industrielle de Mulhouse a proposé un prix consistant en une médaille d'or.

Quand nous parlons de la reproduction de corps naturels, il doit être bien entendu qu'il ne s'agit que de corps composés ; ce qui rentre tout à fait dans le domaine de la

chimie, qui peut actuellement créer, non pas des centaines, mais des centaines de mille corps composés qu'on ne trouve pas dans la nature, et dont quelques-uns ont reçu d'importantes applications.

Quant aux corps simples, c'est-à-dire aux corps que nous n'avons pu jusqu'à présent séparer en plusieurs autres, tels que le fer, l'or, le soufre, le charbon, il est bien probable que les chimistes n'arriveront pas, à l'aide des moyens actuellement connus, à les décomposer et à les reproduire. On serait done mal inspiré de traiter les corps simples en vue de les décomposer, car on ne ferait que tourner dans un cercle déjà parcouru bien souvent. Cette recherche ne serait pas absurde comme celle du mouvement perpétuel; mais les chimistes savent qu'ils peuvent faire un meilleur emploi de leur temps en attendant qu'ils soient pourvus de moyens de décomposition plus énergiques que, ceux que nous possédons.

Sciences naturelles; Acclimatation des animaux et des végétaux. Dans les sciences naturelles, les progrès sont aussi très-rapides. Des efforts persévérants sont tentés en vue d'acclimater des plantes ou des animaux utiles. Il ne faut pas croire qu'il n'y ait plus rien à faire dans cette voie; on peut, en effet, juger de l'avenir par le passé et le présent. Supposons que sur cent essais d'acclimatation un seul réussisse; si le succès porte sur une plante alimentaire comme la pomme de terre, ou un arbre utile comme l'acacia, ou un insecte aussi important que le ver à soie, ne doit-on pas oublier bien vite les quatre-vingt-dix-neuf insuccès ?

Presque toutes les grandes opérations de culture ont pour bases des acclimatations plus ou moins anciennes. C'est ainsi que la pomme de terre couvre toute l'Europe depuis un siècle, que les plantations des cotonniers asiatiques ont envahi tout le sud des États-Unis, et que les cannes à sucre de l'Inde et les caféiers de l'Arabie prosperent dans les Antilles. Ajoutons encore que les céréales cultivées en Amérique sont toutes originaires d'Europe.

Si nous rappelons des faits si connus, c'est qu'on les oublie fort souvent, surtout dans les campagnes. Un cultivateur, fort habile du reste, nous disait dernièrement

Ne me parlez pas de vos plantes nouvelles; elles ne valent pas les anciennes. Pourquoi faire venir l'igname de la Chine? N'avons-nous pas la pomme de terre, sans aller chercher si loin? C'est raisonner d'une étrange manière; c'est justement ce qu'a dit votre bisaïeul quand on lui a proposé de cultiver la pomme de terre, nouvellement arrivée d'Amérique. »

Outre la Société d'acclimatation, les autres sociétés savantes favorisent de tout leur pouvoir les importations de végétaux ou d'animaux. C'est ainsi que la Société industrielle de Mulhouse a proposé une médaille d'or pour l'éleveur qui récoltera (dans le Haut-Rhin) 100 kilogrammes au moins de cocons de ver à soie du ricin (Bombyx cynthia). Dans le règne animal, les plus importants essais d'acclimatation portent sur les espèces suivantes, qui donnent, à divers titres, de belles espérances :

Quadrupedes: Hémiones ('), yacks (boeufs chinois à queue de cheval) (2), lamas (3), chèvres d'Égypte.

:

Insectes Vers à soie du ricin (Bombyx cynthia), du chêne, du vernis du Japon (). On désigne sous ce nom un arbre (Aylanthus glandulosa) depuis longtemps acclimaté sous le climat de Paris.

Dans le règne végétal, la culture de l'igname (5), du

() Voy. t. III, 1835, p. 223 et 264.

(*) Voy. t. XXII, 1854, p. 329.

(3) Voy. t. XVI, 1848, p. 305; et t. XVIII, 1850, p. 45. () Voy. t. XXIV, 1856, p. 317 et 407.

() Voy. t. XXIV, 1856, p. 309.

sorgho sucré, se propage sur une grande échelle, de sorte qu'on pourra bientôt porter un jugement motivé sur l'avenir réservé à ces nouvelles acquisitions de notre agriculture.

Sciences médicales. - Dans les sciences médicales, nous trouvons plusieurs grandes questions depuis longtemps à l'ordre du jour. Certaines maladies des plus graves, le choléra, la fièvre typhoïde, le tétanos, l'hydrophobie, etc., sc montrent le plus souvent rebelles à tous les remèdes connus. Il s'agit de trouver pour chacune de ces maladies un traitement qui réussisse dans la grande majorité des cas; par exemple, qui soit aussi efficace que la vaccine contre la petite vérole, le sulfate de quinine contre les fièvres, etc.

Pour le choléra spécialement, un homme généreux et bien inspiré par l'amour de la science et de l'humanité, M. Bréant, a légué par testament, à l'Académie des sciences, une somme de 100000 francs destinée à l'auteur de la découverte d'un traitement efficace. L'intérêt de cette somme doit être dépensé en encouragements pour les travaux qui auront fait faire quelques progrès à la médication actuelle du choléra.

D'autres fondations de l'Académie des sciences, entre autres celles de M. de Monthyon, sont destinées à récompenser les auteurs de découvertes importantes pour le progrès des sciences. M. de Trémont a donné, par testament, une somme annuelle de 1100 francs destinée à aider dans ses travaux tout savant, ingénieur, artiste ou mécanicien, auquel une assistance sera nécessaire « pour atteindre un but utile et glorieux pour la France. » Ce prix, déjà décerné pour cinq ans, ne sera disponible qu'en 1861.

On voit que si l'Académie repousse obstinément toute communication relative à la quadrature du cercle, au mouvement perpétuel, etc., elle acqueille, au contraire, avec empressement les découvertes utiles.

La suite à une autre livraison.

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CONDORS ATTAQUANT UNE GENISSE. Nous avons déjà plus d'une fois entretenu nos lecteurs du condor, ce vautour géant, dont les habitudes ont été l'objet de mille descriptions, mais auquel on conteste parfois le courage. Dans ses ascensions solitaires au sein des Andes, M. Claude Gay l'a surpris attaquant sa proie, et le dessin fidèle que nous reproduisons aujourd'hui d'après son album est déjà une réfutation de passages nombreux qui, dans certains Voyages, font du condor un être presque inoffensif. Ce dominateur de la Cordillère préfère, il est vrai, les proies faciles; mais la faim le rend parfois très-redoutable, même pour les grands animaux, et les pasteurs de la montagne sont contraints de faire bonne garde. En pareille occasion, les gens qui ont vu sont bien ceux dont le témoignage doit être invoqué, et, sous ce rapport, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici celui de M. Stewenson. Ce voyageur consciencieux offre la confirmation la plus complète qu'on puisse donner au lecteur des habitudes du condor, lorsqu'il s'élance contre un paisible troupeau de vaches.

« On distingue dans les Andes trois espèces de condors; la plus redoutable est désignée sous le nom de moro-moro. Cet oiseau gigantesque renouvelle à chaque instant la surprise du voyageur; car s'il apparait tout à coup dans la

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