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philologique qui n'est pas étrangère à mon sujet, je demanderai à lui présenter une traduction de la première phrase de ce texte, qui diffère de celle qui est généralement reçue, et que je lis même dans l'excellent Lexique français-latin de M. L. Quicherat, qui cite les paroles de Pline et les interprète ainsi :

« Il peignit aussi une figure grotesque à laquelle il donna » le nom plaisant de Gryllus; ce qui fit appeler grylles (cari >> catures) ces sortes de peintures. »>

rendre les derniers devoirs aux frais du trésor public, et, non contents de cet honneur si haut prisé dans l'antiquité, ils lui avaient élevé une statue équestre non loin du théâtre. Les Athéniens n'avaient pas non plus oublié de rendre hommage à ce héros; ils avaient fait peindre par Euphranor la bataille de Mantinée dans le Céramique; et, dans cette peinture, Gryllus était représenté dans l'action de tuer Epaminondas. Les Mantinéens, à tous ces honneurs que je viens de rappeler, ajoutèrent encore celui de faire placer, dans un de leurs temples, une copie de la peinture d'Euphranor; et pourtant, s'ils lui accordaient le prix de la valeur, ils lui contestaient la mort d'Epaminondas, qu'ils attribuaient à un certain Machorion. Certes, voilà un homme dont le nom est à la fois assez ridicule pour prêter

mique d'un caricaturiste. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on ose faire la charge des noms et des choses les plus dignes de respect. Il y aura bientôt deux mille ans qu'llorace disait que « les peintres et les poëtes avaient également le pouvoir de tout faire entendre »>:

Pictoribus atque poetis

Quidlibet audendi semper fuit æqua potestas.

Voici maintenant la traduction que je proposerais si j'avais autorité dans l'école : « Le même peignit en carica»ture Gryllus au nom burlesque; d'où vient le nom de grylles » à ces sortes de peintures. » Si je ne me trompe, les traducteurs de Pline n'ont pas arrêté leur attention sur ce passage, qui n'est important que pour celui qu'intéresse sé-à rire aux sots, et assez illustre pour tenter la veine corieusement ce petit point d'archéologie: aussi se sont-ils contentés du premier sens que les mots de l'écrivain présentent à l'esprit ; ils n'ont pas songé à se demander pourquoi Antiphile, ayant fait une figure grotesque, lui aurait donné le nom de Gryllus plutôt que tel autre; c'est qu'aucun d'eux, au moins de ceux que je connais, n'a songé, er traduisant ce passage, qu'il existât un Gryllus dans l'histoire. Selon moi, au contraire, il est évident qu'Antiphile fit, non pas une figure grotesque qu'il nomma Gryllus, mais bien la caricature de Gryllus, nom célèbre dans l'antiquité, mais oublié aujourd'hui, même des érudits; car enfin la caricature ne prend pas d'habitude ses types dans son cerveau; elle les choisit dans le monde créé, et se contente de leur donner l'aspect ridicule, ridiculum habitum. Surtout, la caricature, pour plaire à la multitude, s'attache volontiers aux noms célèbres et honorés, particulièrement lorsque ces noms prêtent au ridicule. Or est-il rien de plus burlesque qu'un nom propre qui, en grec, sous la forme Gryllos, est à la fois celui de deux animaux, le cochon et le congre, et qui en latin, sous la forme Gryllus, est celui du crieri ou grillon. D'un autre côté, quoi de plus glorieux que le nom de Gryllus au temps d'Antiphile, alors que chacun savait que c'était celui du père de Xénophon, et surtout celui de son fils? Ce second Gryllus fut, en effet, un des

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plus illustres guerriers de la Grèce; non-seulement il accompagna son père dans sa célèbre expédition de Perse, mais encore, au dire des Athéniens et des Thébains, c'est lui qui eut l'honneur, payé de sa vie, de porter le coup mortel à Épaminondas dans la journée de Mantinée (362 ans avant J.-C.). Ses hauts faits lui valurent une telle renommée que Diogène Laerce nous apprend qu'il fut célébré par d'innombrables panégyriques en prose et en vers. On sait, de plus, que les Mantinéens déclarérent que des trois mieux faisants de la journée, Gryllos, Céphisodore de Marathon et Podarès, c'était Gryllos qui devait avoir le premier rang aussi lui avaient-ils fait

Ils osaient tout parodier en effet, les dieux comme les héros, la vertu comme le vice: ne voit-on pas, sur des vases ou des pierres gravées, des caricatures qui ridiculisent aussi bien la piété filiale d'Enée que l'adultère meurtrier de Clytemnestre, la naissance de Minerve et la mort du Sphinx? Je crois done, pour revenir à notre texte de Pline, qu'Antiphile, ce célèbre rival d'Apelles, n'a pas peint, comme l'ont cru les traducteurs de l'encyclopédiste romain grâce à la brièveté obscure de sa phrase, une figure qu'il nomme Gryllus; mais il a peint Gryllus, dont il fut le contemporain, et dont la représentation dans le Céramique d'Athènes était encore dans tout l'éclat de la nouveauté lorsqu'il se divertit à en faire une caricature, et il le peignit sous une forme grotesque, ridiculi habitus. Cette forme grotesque, on peut la deviner sans doute il en avait fait un monstre composé des trois animaux que gryllos et gryllus désignaient en grec et en latin. De là le nom de grylles donné à ces peintures, dit Pline. En effet, dans la série des pierres gravées nommées grylles par les antiquaires, on remarque surtout des figures composées de têtes et de corps d'animaux divers, capricieusement réunis, de manière à former des êtres monstrueux ou chimériques. Pour cette fois, nous n'avons pas reproduit de ces assemblages monstrueux; la cornaline numéro 4 est la seule de ces pierres sur laquelle soit figurée une tête chimérique; encore n'est-il pas bien démontré qu'il faille voir ici une caricature: ce sont deux têtes juvéniles réunies; mais ce sujet pourrait bien être sérieusement mythologique, et avoir trait à un des nombreux mythes où deux divinités se confondent. La cornaline numéro 5 représente un dromadaire conduit par un chien au moyen d'un licou; un second chien, le cernac, est juché sur la croupe du dromadaire. On trouvera peut-être un jour à quel trait de l'histoire ancienne cette plaisanterie fait allusion; mais, dès aujourd'hui, on peut dire que, sous le numéro 7, le coquillage traîné par quatre chevaux et dirigé par un génie qui vole au-dessus de ce singulier véhicule est la caricature du char d'Apollon. Le génie ailé au-dessus duquel on voit une étoile, et qui précède le coquillage, n'est autre que Phosphore, le fils de l'Aurore, qu'on voit toujours avant le Soleil. Les poissons ou monstres marins qu'on distingue en bas symbolisent l'Océan, dont le Soleil parcourt les espaces immenses.

Sous le numéro 6, on a reproduit une agate rubanée qui représente un masque d'homme barbu, dont la forme est d'une longueur démesurée.

La fin à une autre livraison.

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Les bergeries deviennent rares.

On suppose assez généralement qu'un berger n'a pas autre chose à faire que de conduire ses bêtes aux champs, et de veiller à ce qu'aucune brebis ne s'écarte du troupeau. Le métier de berger est plus difficile, et on ne l'exerce bien qu'à la condition d'unir une grande expérience à une probité à toute épreuve.

Il y a deux sortes de bergers, selon les pays : les bergers voyageurs et les bergers sédentaires.

Dans plusieurs parties du midi de la France, en Espagne, en Italie, on a l'habitude de conduire tous les ans, pendant l'été, les troupeaux dans la montagne; c'est ce qu'on appelle la transhumance. Le changement de nourriture et de climat est excellent pour les bêtes, et en même temps économise la nourriture dans les pays pauvres en fourrages. Ces troupeaux sont conduits par les bergers voyageurs. Les bergers sédentaires ne conduisent les troupeaux qu'aux pâturages de la ferme, mais, comme les voyageurs, ils sont occupés de mille soins qui exigent autant de prudence que d'habitude.

C'est le berger qui distribue la nourriture sèche aux animaux lorsqu'ils reviennent des champs; c'est lui qui veille à l'agnelage, et délivre les brebis lorsque le part est difficile. C'est le vétérinaire du troupeau; il doit connaître les principales maladies qui attaquent l'espèce ovine, et savoir les guérir. Il tond les moutons lorsque les tondeurs sont absents, ou lorsqu'une bête vient à périr. C'est lui qui lave les toisons dans les contrées où le commerce exige que la laine soit ce qu'on appelle lavée à dos, c'est-à-dire lavée sur le dos de la bête vivante, immédiatement avant la tonte. Enfin le berger, veillant pour ainsi dire nuit et jour, conche dans la bergerie en hiver, et se réfugie, en été, dans une cabane protectrice que l'on roule au milieu des pares. Il protége ses apimaux non-seulement contre la maladie, mais aussi contre les voleurs et contre les loups. Le parcage a pour but de fumer les champs en laissant les troupeaux passer la nuit sur un espace déterminé, entouré de claies mobiles. C'est au berger de juger la dose de fumure à donner au champ, en laissant plus ou moins longtemps le parc à la même place.

L'équipement d'un berger se compose d'une houlette, d'un fouet et d'un bâton. Dans les pays fréquentés par les loups, on y ajoute un fusil. La houlette ressemble un peu aux houlettes des trumeaux; seulement elle n'a point de rubans. Elle se compose d'un long manche en bois léger, terminé à une extrémité par un petit fer de bêche, et à l'autre par un crochet en fer. Le fer de bêche sert à lancer des mottes de terre aux moutons pour les détourner. A l'aide du crochet, on peut arrêter instantanément une bête qui fuit en la saisissant par une jambe de derrière.

Le fouet est surtout nécessaire, en temps de parcage, pour réveiller les animaux pendant la nuit. Le bâton est une arme de défense ordinaire.

Quand pleut, le berger n'a qu'à tourner son dos ainsi protégé à la pluie et au vent. Pendant l'hiver, la plupart des bergers sont vêtus de peaux de biques avec leurs poils. Les chiens de berger sont de deux sortes. Les uns, énormes, vigoureux, pleins de courage, et dont le cou est armé d'un collier garni de pointes d'acier, servent, dans la montagne, à défendre le troupeau contre les loups et même contre les ours. Les autres, petits, vifs, ardents et pleins d'intelligence, mais assez laids d'aspect, ont pour devoir d'obéir à la voix ou plutôt à la pensée du maître, de rallier le troupeau qui s'éparpille; et de garder les récoltes voisines des pâturages.

Ces chiens, élevés avec soin, aimés de leur maître, se tiennent ordinairement entre ses jambes, lorsqu'il est assis, ou sur ses talons, quand il est en marche. Un signe, un cri, suffisent pour qu'ils partent au galop et ramènent une brebis vagabonde sans lui faire le moindre mal.

On sait que les chiens de berger aboient beaucoup et net mordent jamais; c'est là une de leurs qualités indispensables.

La garde et l'entretien des troupeaux sont d'une telle importance, que les agriculteurs réclament, depuis beaucoup d'années, qu'une école de bergers soit annexée à chacune des bergeries impériales.

INTELLIGENCES ENGOURDIES.

En général, sans amour pour son métier, et ne se sentant point incité à la recherche de meilleurs procédés, l'ouvrier ne voit dans le travail qu'une corvée. Il semble qu'il se soit posé ce problème :

Dépenser le moins possible de force intelligente, pour le meilleur salaire possible.

Et les faits résolvent le problème dans un autre sens :
A petit ouvrier, petit salaire.

En un mot, l'ouvrier est trop souvent si avare de ses ressources intellectuelles, ou plutôt si paresseux d'esprit,

et c'est le grand défaut de l'homme en général, qu'il est fort loin de savoir tout ce qui concerne son état » ; si loin, qu'on aurait peine à croire exactes les preuves que je pourrais donner à l'appui de mon dire.

Prenons dans les professions qui supposent ou qui exigent un certain apport d'intelligence, l'imprimerie, par exemple, et, dans l'imprimerie, la spécialité du compositeur. On sait, ou l'on doit comprendre, que les pages composées se mettent en forme (en planche), dans un ordre combiné de telle sorte que, la feuille de papier ayant reçu l'impression, et étant pliée en quatre, ou en huit, ou en seize, etc., les pages se suivent exactement pour le lecteur. Dépliez cette feuille avant de la couper, et vous verrez l'ordre dans lequel se placent les pages. C'est la chose du monde la plus simple. Eh bien, cette chose si élémentaire, les compositeurs l'ignoIl faut ajouter à ces instruments une vaste panetière où rent dans la proportion de six au moins sur dix. Et cepenle berger enferme la nourriture de sa journée, et une poche dant le compositeur est appelé tous les jours, pour toutes en toile où il abrite les, agneaux qui naissent accidentel- les portions qu'il a composées, à les corriger, lorsqu'elles lement en plein champ. Dans un compartiment particulier seront mises en pages. Il faut alors qu'il cherche sur la de la panetière se trouvent une flamme, ou lancette, pour forme la page qui contient sa composition, comme un lecsaigner un animal atteint du coup de sang; un bistouri, teur chercherait un passage dans l'une des pages d'une pour ouvrir un abcès; un trocart qui sert à percer le flanc feuille de papier dépliée. Eh bien, malgré cette nécessité de des animaux météorisés, c'est-à-dire gonflés par le gaz tous les jours, le grand nombre des ouvriers compositeurs qu'engendre quelquefois la nourriture verte prise avec ex-n'a pas souci de se mettre au courant de cette facile comcès; un grattoir pour détruire les boutons de la gale; et enfin du fil et du linge pour panser les blessures.

Dans la Normandie, aux environs de la mer, où les averses subites sont fréquentes, le berger porte derrière lui une espèce de couvercle en bois léger retenu par des bretelles et sur lequel sont attachées de longues pailles de seigle,

binaison du placement des pages. Et, certes, ce n'est pas l'intelligence qui est insuffisante. Il en faut si peu pour ce travail, qu'en y appliquant la dose convenable, les typographes, Dieu merci! en auraient encore à revendre.

Mais là, comme partout, la volonté fait faux bond au travail des mains.

La profession de menuisier est l'une de celles qui exigent | le plus de connaissances préparatoires. Combien, dans un atelier de vingt ouvriers, croiriez-vous en trouver qui seraient capables de comprendre un plan d'architecte, et de conduire à bien un travail de quelque importance? Vous n'en trouveriez pas quatre.

En un mot, dans chaque profession le non-savoir est la règle et le savoir l'exception. Ainsi, le peintre de lettres ne sait pas l'orthographe; le ciseleur enlaidit les figures en bronze qu'il doit réparer, faute de connaissances artistiques; le sculpteur d'ornements ne sait pas dessiner, le tailleur de pierres ne sait pas la coupe des pierres, l'horloger ne saurait pas faire une montre, le mécanicien ne connaît pas la mécanique, etc.; et les produits ne sont pas sables, quand ils sont passables, que parce qu'ils ont reçu, avant d'arriver au public, la façon ou la correction d'un ouvrier véritable.

Il ne faut donc pas juger des ouvriers sur les produits qui sortent des ateliers. Si inférieurs que soient parfois ces produits, ils sont encore l'expression d'une capacité supérieure à la capacité moyenne dépensée pour leur confection; ils témoignent d'un niveau plus élevé qu'il ne l'est réelle

ment.

Au reste, quand je constate comment l'ouvrier est généralement avare de sa capacité spirituelle, je dois ajouter que c'est là le grand défaut de l'homme; et si je m'avisais de m'enquérir de l'emploi que fait de sa capacité l'homme de la classe aisée, j'aurais bel à censurer!...

Mais, soit qu'il s'agisse de fournir la preuve de capacité, soit qu'il faille montrer le pauvre emploi de la force intelligente, je veux demeurer sur le terrain du travail des mains, et je fais remarquer de nouveau qu'on n'y pèche pas par défaut d'une capacité virtuelle, mais par l'effet de l'engourdissement de l'esprit ou par l'anormal emploi de sa puissance.

Pénétrez, en effet, dans un atelier quelconque; prenez le premier venu des ouvriers médiocres qu'on vous désignera; soumettez-le, avec un certain tact, à des expériences variées, et vous finirez par vous convaincre, et par le convaincre lui-même, qu'il possède un trésor de capacité dont il ne sait tirer que la moindre valeur pour son travail quotidien. En prenant des nombres pour mieux préciser ma pensée, je dis que si l'ouvrier peut comme dia, il dépense comme deux. J'entends parler, bien entendu, de la puissance intellectuelle et morale, et je crois pouvoir affirmer que les quatre cinquièmes au moins de cette puissance demeurent inemployés, ou sont gaspillés sans profit et pour le sujet et pour la société.

Que les proportions énoncées ici soient d'une exactitude discutable, je l'accorde; mais il n'en reste pas moins acquis pour quiconque peut connaître le terrain comme je le connais, et a pu faire les expériences que j'ai faites, que la plus grosse part de la puissance morale et intellectuelle des travailleurs est improductive, soit parce qu'elle est engourdie, soit parce qu'elle se dépense d'une manière anormale.

Je répète donc que le fait propre à l'immense majorité, ce n'est pas le défaut, c'est l'engourdissement des plus précieuses facultés. Quant à la minorité, chez laquelle les facultés sont actives, il faut la diviser en deux catégories: dans l'une on rangera les travailleurs, et il en est, Dieu merci! dont la valeur intellectuelle et morale est suffisamment développée et fructueusement employée; dans l'autre, il faudra ranger ceux dont la puissance active se dépense en dehors des nécessités professionnelles comme en deliors des nécessités de la vie, par conséquent au détriment du travail comme de l'existence matérielle.

Les ouvriers de cette seconde catégorie forment une classe qui appelle sur elle, d'une manière particulière, toute

l'attention et toute la sollicitude de quiconque a souci d'arrêter le gaspillage immense de forces précieuses, et de remédier à des misères profondes. (')

LETTRES IMPRIMÉES.

M. de Velaver, qui obtint sous Louis XIV, en 1658, l'autorisation d'établir à Paris une petite poste aux lettres avec des boîtes aux coins des rues, comme on les voit aujourd'hui, avait aussi imaginé de vendre des lettres tout imprimées où étaient traités un grand nombre de sujets généraux de correspondances ordinaires, de telle sorte qu'on n'avait plus qu'à ajouter à la main ce qu'on pouvait avoir à dire de plus particulier à ses correspondants. Ce projet fut repris, il y a quelques années, par un pauvre homme nommé Lepied. Il offrait de fournir, par exemple, aux maitresses de maison une telle variété de formules imprimées pour les fournisseurs, blanchisseurs, etc., qu'en effet on aurait été bien moins souvent obligé d'écrire. Mais Lepied n'eut pas de succès; on lui objecta, avec raison, que les lettres imprimées, sauf celles qui font part d'événements de famille ou les invitations, n'ont pas de crédit : on ne les lit pas.

Les pensées sont des tapisseries roulées; la conversation les déploie et les expose au grand jour. THEMISTOCLE.

PROJETS DE BAS-RELIEFS

PAR RAYMOND GAYRARD.

Raymond Gayrard, mort le 4 mai 1858, était né, le 25 octobre 1777, à Rodez. Ses concitoyens lui avaient demandé de décorer la façade de leur Palais de justice, construit sur les plans de M. Boissonade, architecte du département de l'Aveyron. Gayrard avait conçu et dessiné le plan général de cette décoration; mais on n'accepta de ce projet que le fronton, qui a été exécuté en pierre et fait regretter que les ressources financières n'aient pas permis à Gayrard d'exprimer sa pensée tout entière.

Les six bas-reliefs dont nous publions les dessins inédits auraient été placés sous les six fenêtres de la façade. Ils s'expliquent d'eux-mêmes : ils auraient montré, d'un côté, que la fortune et les honneurs viennent récompenser ceux qui se préparent aux devoirs sociaux par l'étude et le travail, et payent au pays la dette de l'impôt et celle du recrutement; de l'autre côté, que la paresse et la dissipation conduisent au vol et à l'assassinat, et finissent par l'emprisonnement et la décapitation. L'intention était morale, et convenait assurément à la destination de l'édifice; nous n'avons de doute qu'au sujet de quelques parties de ce petit drame ingénieux: il nous semble que l'imagination. éprouve quelque répugnance à associer les idées d'innocence et de faiblesse, inséparables du premier âge de la vie, à celles de crime et d'échafaud; le goût en est froissé, et la raison, même peut trouver que l'allégorie a, cette fois, tenu trop peu de compte de la vraisemblance. On pourrait encore se demander si l'art ne tente pas plus qu'il ne lui est donné de faire en cherchant à poétiser, sinon le recrutement, du moins l'impôt. Toutefois, l'ensemble de ces six compositions offre de l'intérêt, et nous avons pensé qu'il était bon que toute trace n'en fût point perdue. Gayrard se proposait en outre de placer dans les niches du vestibule des statues qui auraient personnifié les vertus du soldat, du prêtre et du paysan. Il aurait donné au paysan les traits.

(1) A. Corbon, De l'Enseignement professionnel.

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La Vie bonne. - Projets de bas-reliefs par feu Raymond Gayrard. - Dessins de Chevignard.

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