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fier son idée. Décidément la pluie est-elle uniquement chose fâcheuse et haïssable, et lui donnera-t-il pour seul attribut cet incommode et disgracieux instrument qui, sous prétexte d'abriter l'homme, le défigure et le parodie? Une ondée opportune n'a-t-elle pas, comme toutes les œuvres de la nature, son utilité et sa poésie? Quand les plantes, épuisées par la sécheresse, laissent pendre tristement leur feuillage flétri; quand les animaux, haletants sous le soleil, demandent en vain au sol brûlant, à l'atmosphère embrasée, la fraîcheur d'un atome liquide, avec quel plaisir ne voit-on pas se former à l'horizon, dans l'azur sombre du ciel, une nuée aux flancs chargés de pluie! Quel bienêtre, quel soulagement, quand tombent, larges et retentissantes, les premières gouttes du bienfaisant élément!... Et l'impression de l'artiste se modifiant, son crayon s'égaye en de plus riants contours; puisqu'il n'a pas mis, à l'exemple des anciens, le faisceau des humides rayons de la pluie dans la main paternelle d'un dieu, puisque son caprice l'a poussé à traiter la terre comme une plate-bande et à l'exposer, ainsi que ses habitants, au jet d'une pompe dont un malin génie tourne la roue, il ne s'en dédira pas; mais en même temps il y mêlera les enlacements des folles herbes, filles de la rosée, et les élégantes volutes des lianes en fleur; il n'oubliera pas ces amis passionnés des eaux, ces cygnes familiers des modestes demeures, qui se contentent de la plus humble mare et n'ont pas besoin des vastes bassins de marbre pour se livrer à leurs joyeux ébats; de ses personnages, que trop de malice ou de dépit eût enlaidis, il fera d'aimables enfants, ailés comme de bons génies, les uns souriant sous le voile liquide qui les enveloppe et les aveugle, heureux de se presser sous le même abri, l'autre personnifiant dans sa grâce de chérubin | une loi bienfaisante du Créateur.

JOSUÉ HEILMANN,

INVENTEUR DE LA MACHINE A PEIGNER LE COTON.

Dans la longue liste des inventeurs qui, aux dépens de leur repos, de leur avoir, quelquefois de leur vie, ont contribué au perfectionnement des machines à filer, carder et tisser le coton, et qui ont ainsi doté l'Angleterre d'incalculables richesses (pour un Arkwright, combien d'hommes aussi observateurs, aussi persévérants, sont morts à la peine!), nous remarquons le nom d'un Français auquel est due la plus ingénieuse invention moderne introduite dans la filature. Josué Heilmann, né à Mulhouse, l'un des principaux centres des fabriques d'Alsace, avait, tant de son patrimoine que de la dot de sa femme, une fortune d'environ cinq cent mille francs, et passait à bon droit pour riche. Les grands fabricants de la ville promirent un prix de cinq mille francs à l'inventeur d'une machine à peigner le coton; la machine à carder, alors en usage, était nonseulement impropre à préparer le coton en laine pour le filage des plus belles sortes, mais entraînait un déchet considérable. Heilmann résolut de concourir. Il s'occupait en même temps de plusieurs inventions, entre autres d'une machine à broder qu'il perfectionna avant d'avoir pu venir à bout de la machine à peigner, qui déjoua longtemps tous ses efforts. Quand il croyait toucher au but, quelque rouage imparfait remettait tout en question, et il recommençait sur nouveaux frais. Plusieurs années s'écoulèrent en infructueuses tentatives; et les dépenses furent telles qu'il se vit réduit à la pauvreté. Il avait perdu cinq cent mille francs à la poursuite d'un prix de cinq mille. Sa femme était morte dans l'intervalle. Accablé par des difficultés sans nombre, il passa en Angleterre avec son fils et s'établit à Manchester. Là, il se fit des amis qui, ayant confiance en son génie, lui

avancèrent de l'argent, et il s'appliqua de nouveau à l'exécution de sa machine. Il en fit construire par d'habiles ingénieurs un modèle qui, à l'essai, trompa encore une fois son attente. Peu s'en fallut alors qu'il ne renonçât à son projet, et il est probable qu'il l'eût abandonné s'il ne se fût senti lié d'honneur envers ses créanciers. Il revint en France visiter ses proches. Toujours poursuivi de l'idée qui s'était emparée de son esprit, il la méditait un soir au coin du feu, tandis que ses filles, assises en face de lui, démêlaient leurs longs cheveux, les divisant et les effilant entre leurs doigts: il fut frappé de la pensée que s'il pouvait réussir à imiter ce procédé avec une machine démêlant et divisant les longs filaments et séparant les courts en faisant agir le peigne en sens inverse, il trouverait peut-être une issue à ses perplexités. Il se mit à l'œuvre, et inventa le mécanisme, simple en apparence, mais très-compliqué en réalité, de la machine à peigner. Ce ne fut cependant qu'après plu-. sieurs années de tâtonnements et de travaux qu'il atteignit à la perfection. La singulière beauté de cette machine ne peut être appréciée qu'en la voyant agir. On saisit alors facilement l'analogie qui existe entre le mécanisme et l'action qui l'a suggéré. Elle peigne la mèche de coton des deux bouts, place les filaments exactement parallèles l'un à l'autre, sépare les longs des courts et les réunit en deux faisceaux ou rubans distincts. La principale valeur commerciale de l'invention consiste à rendre les sortes de coton les plus communes propres au filé le plus fin. Ainsi, on tire maintenant une égale quantité de fil du coton brut coûtant soixante centimes de moins que celui qu'on employait autrefois. Les filateurs de Manchester comprirent bien vite le mérite de cette machine. L'un des principaux d'entre eux l'adopta; six fabriques se réunirent et achetèrent le privilége trente mille livres sterling. Les filateurs de laine donnèrent la même somme pour l'appliquer à la laine, et des fabricants de Leeds payèrent vingt mille guinées l'autorisation de s'en servir pour peigner le lin. Les richesses affluèrent ainsi subitement au pauvre Heilmann; mais il ne lui fut pas donné d'en jouir. A peine avait-il vu ses longs travaux couronnés de succès qu'il mourut, et son fils, qui avait partagé toutes ses privations, le suivit de près.

A dater de la machine à peigner, le fil de coton le plus fin ne fut plus une production exceptionnelle. Il s'exporta en grande quantité pour la fabrication des belles mousselines étrangères. On peut se faire une idée de sa finesse en apprenant que 240 écheveaux, chacun de 800 mètres de long, se tirent d'une seule livre de coton; et ce n'est pas le dernier mot des machines anglaises. A la grande Exposition de 1851, on voyait des spécimens de fil fabriqué à Bolton atteignant le numéro 700, égal à 334 milles de long, également tiré d'une livre de coton. Ainsi, la valeur intrinsèque du fil qui sert à la fabrication des plus fines dentelles peut, avant de passer aux mains du consommateur, monter d'un schelling, prix de la matière première, jusqu'au taux fabuleux de 3 à 400 cents livres sterling, c'est-à-dire de 1 fr. 25 c. à 10000 francs.

LES DEUX FOSCARI. Voy. p. 161.

La composition de M. Goupil lui a sans doute été inspirée par le cinquième acte des Deux Foscari de Byron. Jacopo Foscari, condamné à retourner en exil, vient de mourir au moment de franchir la porte du palais ducal; on l'a transporté dans sa chambre et couché dans le lit nuptial. Francisco Foscari, son père, et Marina, sa femme, ont voulu le voir encore une fois; tous deux s'abandonnent à leur douleur. Marina laisse couler ses pleurs, et ne songe

plus à la vengeance; elle ne s'écrie plus : « Ah! si je pouvais obtenir de justes représailles!» Le vieux doge lui-même laisse voir son cœur paternel; il n'est plus en présence des Dix; il ne sent plus le poids de son anneau ducal; et la cloche lugubre, qui sonne sa déchéance et l'élection de son successeur, n'est pour lui que « le son des funérailles de son pauvre enfant. »

LE PASSAGE DU FLEUVE.

PAR UHLAND.

Une fois déjà je passai ce fleuve, il y a des années; voici le bourg dans la lueur du crépuscule, et là-bas résonne la digue.

Sur cette barque, à mes côtés, j'avais deux compagnons. Hélas! un vieil ami qui semblait mon père; un jeune, riche d'espérances.

Le premier s'est éteint doucement; l'autre, emporté par son ardeur, est tombé dans la mêlée du combat.

Ainsi, quand je viens à songer aux jours du passé, ma pensée revoit toujours les deux chers compagnons que la mort a séparés de moi.

Mais les liens de l'amitié vont de l'âme à l'âme, ses heures sont les heures de l'âme, et d'âme nous sommes encore unis.

Prends donc, batelier, prends triple salaire; deux compagnons étaient avec moi, deux compagnons invisibles.

LES FENÊTRES VITRÉES AU SEIZIÈME SIÈCLE.

Sous le règne d'Élisabeth d'Angleterre, lorsque les comtes de Northumberland s'absentaient de leur château d'Alnwick, ils faisaient enlever et serrer avec de grandes précautions les fenêtres à vitraux. On cite ce fait comme une preuve de la rareté et du haut prix des vitres à fenêtres en Angleterre au seizième siècle. Le secret de leur fabrication à bon marché avait sans doute été perdu pendant le moyen âge; on sait, en effet, que l'usage du verre pour clore les fenêtres était parfaitement connu des anciens. On a trouvé des débris de vitraux dans les ruines d'anciennes villas en Angleterre, notamment à Camalodunum (Colchester), à Bath, etc.

EL SAMAN OU ZAMANG DE GÜERE,
ARBRE GÉANT DU VENEZUELA.

Le lecteur qui connaît les Voyages de Humboldt doit se rappeller avec quel enthousiasme l'illustre écrivain avait décrit ce géant des forêts américaines dès le début du siècle ('). D'accord, par la science, avec la tradition des Indiens, il assignait alors à ce bel arbre plus de mille ans d'existence. Grâce à une photographie (2), l'arbre géant qu'avait admiré le jeune voyageur put être encore contemplé par le vieillard peu de mois avant sa mort. Les yeux du poëte (car Humboldt n'était pas seulement un savant illustre) s'humectèrent de quelques larmes à l'aspect de ce témoin de ses premières espérances, et il dit doucement d'une voix résignée : Voyez ce que je suis maintenant, et lui, ce

(') Voyage aux régions équinoxiales, fait en 1799 et ann. suiv. Paris, 1814, 1819 et 1825, édit. in-folio, t. II, p. 58. Humboldt écrit Zamang del Guayre; mais le géographe par excellence de ces contrées, Codazzi, adopte l'orthographe reproduite en tête de notre article. (2) Au mois de novembre 1858, M. Paul de Rosti, dont on publie en ce moment, à Pesth, les intéressants Voyages en Amérique, fit hommage à Humboldt d'une collection de photographies qu'il avait exécutées lui-même et dont il avait formé deux albums magnifiques, l'un pour sa ville natale, l'autre pour le savant vénéré.

bel arbre, il est ce que je l'ai vu il y a soixante ans; nul de ses grands rameaux n'a fléchi: c'est bien lui tout entier comme je l'ai contemplé avec Bonpland, lorsque nous étions jeunes, forts, pleins d'allégresse, et quand le premier élan de notre enthousiasme juvénile embellissait nos plus sérieuses études. » (')

L'arbre géant de Güere porte déjà le surnom d'Arbre de Humboldt.

Dans la langue que parlaient jadis les Indiens de Venezuela, le mot saman servait à désigner les arbres de dimension colossale qui font partie de la famille des légumineuses (genres Mimosa, Desmanthus et Acacia). Le Saman Acacia de Güere est le plus grand de tous. On le rencontre dans la fertile vallée d'Aragua, sur la grande route de la Victoria, et il ombrage, non loin du village de Turmero, une de ces auberges qu'on désigne dans le pays sous le nom de pulperias. Un géographe récemment enlevé à la science, Augustin Codazzi, affirme qu'un bataillon formé en colonne pouvait reposer à son ombre. Le tronc robuste du saman acacia se fait remarquer par sa rondeur; ses branches, parfois tordues, affectent la disposition de celles du chêne de nos climats; son feuillage est mince, délicat, et se détache agréablement sur l'azur du ciel. Celui dont nous donnons la reproduction fidèle présente une cime hémisphérique de 187 mètres de circonférence environ. Tout le monde est frappé de la disproportion qui existe entre ce dôme immense de verdure et le tronc robuste, mais comparativement grêle, qui lui sert de soutien; cette circonstance n'entre pas pour peu de chose dans l'élégance de ce bel arbre.

Humboldt suppose que le zamang de Güere peut être tout au moins le contemporain du dragonnier de l'Orotava; le fait est que depuis que l'immense végétal est soumis à une observation attentive, il n'a changé ni en grosseur ni en ce qui regarde la disposition générale de ses maîtresses branches; c'est toujours le même aspect : il est aujourd'hui, à bien peu de chose près, ce qu'il était lorsque, dans la première année du seizième siècle, Alonso Niño et Christobal Guerro découvrirent la région magnifique où il a grandi. Aussi est-il l'objet d'une sorte de vénération qui, de la part de Indiens, pourrait bien tenir à une tradition religieuse. Humboldt affirme qu'au moment où on l'aperçoit à une lieue de distance, il se présente comme un tertre arrondi, comme un tumulus couvert de végétation. Son tronc cependant n'a pas plus de soixante pieds d'élévation sur un diamètre de neuf pieds.

Ce qui contribue singulièrement à donner un caractère d'agréable variété à cet acacia dont les dimensions étonnent d'abord les regards, c'est qu'il recèle, au sein de sa masse de verdure si finement découpée, une sorte de jardin aérien. Des Tillandsia, des loranthées, des Caladium, glissent leurs tiges sarmenteuses entre ses robustes rameaux, tandis que les raquettes, les bromélias, les tunas, se dres

(') Fragment d'une lettre adressée au docteur Ferdinand Hofer, directeur de la Biographie générale. — Quelques mois après, Humboldt, appréciant à sa juste valeur ce que vaut la plus haute renommée, écrivait à l'un de ses admirateurs qui occupe un rang distingué dans science, et dont il voulait modérer les justes éloges, ces paroles

la

mémorables:

«L'amitié a aussi ses mythes; mais cette mythologie ne trouve ses croyants que dans un cercle étroit d'amis qui aiment à confondre l'ardeur constante au travail, le désir d'atteindre le but, avec la réussite même. La longue patience de vivre augmente la renommée qui n'est pas de la gloire; je ne suis heureusement pas aveuglé sur moi-même... » Ma vie a été utile aux sciences, moins à cause du peu que j'ai pu produire moi-même que par le zèle que j'ai déployé pour profiter des avantages de ma position. J'ai toujours été un juste appréciateur du talent d'autrui; j'ai eu même quelque sagacité à découvrir le mérite naissant: il m'est doux de penser qu'ayant traversé, qu'ayant eu le tort de traverser une trop grande diversité d'intérêts scientifiques, j'ai laissé quelques traces de mon passage là où j'ai passé. »

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sent immobiles à l'intersection des branches. Ces belles

au géant de Venezuela, elles lui apportent une parure que plantes sont des parasites; mais en demandant l'hospitalité la nature, prodigue à tant d'égards, lui a cependant refusée.

Dessin de Freeman, d'après une photographie de M. de Rosti.

Le Zamang de Güere, surnommé « l'arbre de Humboldt », à Venezuela.

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Estampe du temps. (Collection de M. Hennin) ()

1, M. le duc d'Orléans.-2, M. le duc. 3, M. le prince de Charolais. -4, M. le prince de Conti. -5, M. le duc du Mayne. 6, M. le comte de Thoulouse. -A, M. le premier président. B, MM. les présidents. C, MM. les gens du Roy. -D, M. de Dreux lisant le testament. - E, conseillers.

hui succéder, et lui dit : « Mon cher enfant, vous allez être » le plus grand roi du monde. N'oubliez jamais les obliga» tions que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les

(') Estampe empruntée au tome II de l'Histoire de France depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours, d'après les documents originaux et les monuments de l'art de chaque époque, par MM. Henri

Bordier et Éd. Charton.

» guerres; tâchez de maintenir toujours la paix avec vos » voisins, de soulager votre peuple autant que vous pourrez, » ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire, par les » nécessités de l'État.... >>

Il rendit l'âme le 1er septembre 1715 au matin, âgé « Paris, las de soixante-dix-sept ans moins trois jours.

» d'une dépendance qui avoit tout assujetti, respira dans

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