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Docteur de l'Université de Cervera et simple professeur de mathématiques à Vich, Balmės vit la guerre civile ensanglanter l'Espagne et surtout la Catalogne. « Plus d'une fois, écrivait-il lui-même dans sa Vindicacion personal, plus d'une fois il est arrivé que le tocsin ou la générale venait interrompre nos calculs s'il était possible de continuer, on continuait; sinon, nous nous levions tranquillement et nous nous retirions... » Mais Balmės suivait sur la carte tous les mouvements de la guerre; il en lisait avidement tous les bulletins. Il ne pouvait rester longtemps dans sa cage de Vich, comme il l'appelait : il eut alors le désir de faire une éducation particulière dans quelque grande famille; toutefois ses amis, nos vrais amis sont à nousmêmes nos révélateurs, ses amis lui assurèrent qu'il ne pouvait être que professeur à l'Université ou publiciste.

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l'augmentation factice de toutes les forces de l'État, les croyances religieuses se détruisent, les idées morales s'égarent, les esprits s'énervent dans les voluptueuses jouissances, l'orgueil s'exalte, la vanité se propage, tous les liens sociaux et domestiques se relâchent à la fois, et le culte des intérêts matériels vient remplacer la vertu par l'égoïsme, les sentiments élevés par les passions astucieuses et basses. >>

Comme moraliste, Balmės publia plusieurs ouvrages importants: le Protestantisme comparé au Catholicisme dans ses rapports avec la civilisation européenne, les Lettres à un sceptique, la Philosophie fondamentale, et le Criterio, ou l'Art d'arriver au vrai, recueil de pensées et de portraits où se trouvent de charmants récits, comme Un seul jour de la vie :

>>

On était en 1840. La guerre venait de finir laissant toutes Voyez cet homme; il s'est levé heureux et content. C'équestions en suspens; la régente Marie-Christine et le gé- tait une belle matinée d'avril; l'air était pur, le ciel nuancé néral Espartero allaient lutter d'intrigues et d'habileté. des plus vives couleurs; tout parlait d'une Providence bienBalmés, qui s'était déjà fait connaître par un mémoire sur faisante; il est riche, ses serviteurs et ses amis l'entourent. le Celibat ecclésiastique, publia les Observations sociales, Son regard tombe sur un livre de quelque génie méconnu politiques et économiques sur les biens du clergé, et les qui maudit le monde, la société, les hommes, Dieu luiConsiderations politiques sur la situation de l'Espagne. même. « Absurde exagération! dit-il; non, la vertu et le De 1840 à 1848, il rédigea successivement plusieurs jour-bonheur ne sont point bannis de la terre. » Voici cepennaux, entre autres la Civilizacion et la Sociedad à Barcelone, le Pensamiento de la Nacion à Madrid, et il ne mit jamais en doute la légitimité d'Isabelle II. Il ne fut étranger à aucun des pas que fit le fils de don Carlos vers la fille de Christine; un mariage entre eux était son plus grand désir; il y voyait de sérieuses garanties pour l'avenir. Il serait difficile d'énumérer tous les articles remarquables qu'il publia dans ces conjonctures; détachons-en au hasard un fragment on y trouvera sûrement un principe général; car c'est le propre du talent d'écrire pour tous les pays et pour tous les temps, même lorsqu'il ne semble préoccupé que d'un seul pays et d'une époque particulière.

IL Y A DES TEMPS PIRES QUE LES RÉVOLUTIONS.

« Ce n'est pas le plus grand malheur pour une nation que le sang de ses enfants coule sur les champs de bataille. Après les guerres formidables qui ont décimé la jeunesse, il arrive parfois que les peuples se retrouvent plus virils et plus forts, comme le guerrier qui manie plus fièrement l'épée d'une main cicatrisée par les blessures. Ce n'est pas non plus le plus grand malheur qu'un système politique tombe en ruines, et que l'ancienne machine de l'État, en se disloquant, laisse la place à quelque organisation nouvelle mieux adaptée aux circonstances. Dieu n'a pas fait la société si inféconde qu'elle ne puisse se gouverner que d'une manière et par un système unique. La raison, l'histoire, l'expérience, prouvent que, sauf les principes tutélaires dont, en aucune situation, les sociétés ne se départissent impunément, les combinaisons de gouvernement peuvent varier. Le malheur le plus grand encore, ce n'est point qu'au milieu des bouleversements et des hasards d'une époque tourmentée, des intérêts matériels respectables aient été atteints, ni même que quelques-uns aient été détruits en totalité. Dans la vie des nations, les intérêts matériels entrent certainement pour beaucoup; mais rarement il arrive que la perte ou la disparition de quelques-uns d'entre eux. précipite la ruine de la société... Tous ces malheurs sont graves, sans doute; ils entraînent avec eux d'irritantes injustices, de tristes et répugnants scandales, de honteuses immoralités. Au-dessus d'eux cependant il y a des désastres plus grands encore; au-dessus de ces maux terribles, il y a un mal plus terrible : c'est quand la vie morale et intellectuelle des peuples est attaquée dans la racine même; lorsqu'au milieu des délices de la paix, de la prospérité des intérêts matériels, des illusions trompeuses produites par

dant l'heure des affaires. Le sol s'est déjà terni, la pluie est tombée à torrents. Notre homme heureux a été éclaboussé par un cavalier au passage; il rentre, et se trouve en face d'un malheur imprévu : il est ruiné. Il se rend auprès d'un ami, mais il est reçu avec froideur. Son regard rencontre de nouveau par hasard le livre qu'il lisait le matin, et il trouve que le génie méconnu pourrait bien n'avoir pas tort, que la société est bizarrement organisée, que l'amitié et le désintéressement ne sont que des mots sonores. Sa douce et judicieuse philosophie est en train de s'envoler, lorsqu'un autre ami vient pour le consoler, le secourir, mettre des fonds à sa disposition. Oh! alors, tout change. encore une fois. Qui donc avait osé croire que le désintéressement et l'amitié n'étaient que des mots sonores? Le sol reprend son éclat, la Providence a des sourires, la vie est pleine d'espérances. Un seul jour a suffi pour faire décrire à la philosophie d'un homme un cercle complet. » (*)

Balmės, avant tout, est un philosophe pratique. « La mission de la philosophie n'est pas d'entasser des ruines, nous dit-il. L'astronomie scrute les profondeurs des cieux ; elle y découvre les lois qui régissent les mondes, et ne cherche point à troubler l'ordre administratif de l'univers. Non, le doute ne vivifie point la philosophie, il l'anéantit. Pour étudier les phénomènes de la vie, un insensé ouvre sa poitrine et plonge le fer dans son cœur palpitant, voilà le sceptique.

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Quoi qu'il écrive, il possède au plus haut degré une clarté de méthode, une rigueur de principe, une vigueur de pensée, une lucidité d'esprit, un entrainement de raisonnement, et quelquefois une beauté de style, vraiment remarquables.

Il a étudié tous les philosophes, et ce n'est donc pas par ignorance ou par faiblesse d'intelligence qu'il est resté catholique en devenant philosophe lui-même.

Balmés avait salué les tentatives de réformes de Pie IX, en 1847, et cela lui valut beaucoup d'attaques; il avait vécu huit ans d'une vie dévorante, travaillant quatorze heures par jour, et de quel travail! Au commencement de 1848, il quittait Madrid pour les montagnes natales, « tel qu'un pauvre oiseau qui cherche inutilement à se débarrasser des grains de plomb qui l'ont blessé », disait-il poétiquement. Son organisation frèle et délicate était usée. Atteint d'une phthisie, il s'éteignit peu à peu, et, selon l'expression de l'un de ses critiques, «il acheva de mourir le 9 juillet 1848.» (*) Nous empruntons cette analyse à M. de Mazade.

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Comme chaque station doit pouvoir faire des réponses en même temps que des questions, elle est munie d'un récepteur aussi bien que d'un manipulateur; de sorte que pour communiquer d'un point à un autre, il faut toujours quatre appareils télégraphiques.

Il est indispensable de pouvoir correspondre à volonté, non-seulement entre les deux gares extrêmes, mais encore d'une station quelconque à une autre. Pour les dispositions adoptées dans ce but, nous renvoyons le lecteur à l'article inséré dans le tome XXIII, page 39, où nous avons donné un spécimen de conversation télégraphique entre deux stations quelconques, Ablon et Choisy, sur la ligne d'Orléans. Dans ce même article, on trouvera la description du commutateur représenté figure 5 (page 384).

Quant au mécanisme de la sonnerie servant à avertir l'employé qu'on veut lui transmettre une dépêche, il consiste en un mouvement d'horlogerie qu'on remonte comme celui d'une pendule; un marteau, mû par ce mécanisme d'horlogerie, viendrait frapper constamment sur un timbre si ce mécanisme n'était retenu par un arrêt.

Aussitôt que le courant électrique vient å passer, cet arrêt se dégage, le mouvement d'horlogerie peut agir librement, et le marteau frappe sur le timbre pendant plusieurs minutes. Au bout de ce temps, il faudrait remonter ce mécanisme comme une pendule pour que le mouvement continuat.

Pour faire comprendre comment le courant électrique peut dégager l'arrêt de la sonnerie, nous ferons remarquer que cet arrêt porte une pièce de fer semblable au contact G du récepteur, et placée, comme lui, en regard d'un électroaimant. Aussitôt que le courant passe, l'électro-aimant devient un aimant et attire la pièce de fer que porte l'arrêt. Ce dernier se déplaçant aussitôt, le mouvement d'horlogerie devient libre et fait mouvoir le marteau.

Il peut arriver que l'employé soit absent et qu'il n'entende pas la sonnerie; mais, en revenant à son bureau, il voit le mot RÉPONDEZ en regard d'une petite fenêtre que porte la boîte de la sonnerie.

C'est encore l'arrêt du mouvement d'horlogerie qui, en se déplaçant, fait mouvoir une tige portant un petit écriteau avec le mot RÉPONDEZ, et l'amène devant la fenêtre. L'employé est ainsi averti qu'on lui a parlé pendant son absence, et il fait aussitôt faire un tour à son manipulateur, ce qui est une manière convenue de répondre PRÉSENT. On lui transmet alors la dépêche, à la manière ordinaire. Nous donnons, page 384, des figures exactes du télégraphe à cadran de M. Bréguet, mais nous n'entrerons pas dans la description détaillée du mécanisme. Il suffit que nos lecteurs aient compris le principe du télégraphe à cadran en suivant la figure simplifiée que nous avons donnée plus haut.

Les fils télégraphiques disposés le long de nos lignes de chemins de fer sont galvanisés, c'est-à-dire étamés avec du zinc qui les préserve de la rouille. Ils s'appuient sur de petits supports de porcelaine qui forment toit, de manière que les eaux de pluie ruisselant le long des poteaux ne mouillent pas le crochet qui soutient le fil. Sans ces supports, il y aurait ainsi grande perte d'électricité par le sol.

De distance en distance se trouvent les poteaux tenseurs; ce sont les piliers qui portent un petit appareil destiné à tendre le fil. Mais les fils télégraphiques fléchissent tou

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jours un peu sous l'action de leur propre poids; et quand le voyageur passe rapidement devant ces fils courbés comme les câbles d'un pont suspendu, il croit les voir s'élever et s'abaisser alternativement, bien qu'ils soient parfaitement immobiles.

Quelques personnes, par trop naïves, disent alors: Voilà le télégraphe qui marche! Mais s'il est bon, en général, de ne s'en rapporter qu'à ses yeux, il y a des cas où il faut savoir s'en méfier.

La plupart de nos lecteurs ne seront pas dupes d'une illusion d'optique aussi grossière. Peut-être quelques-uns seraient-ils embarrassés de répondre à la question suivante :

Les oiseaux qui viennent s'abattre sur les fils du télégraphie tombent-ils foudroyés au premier passage du courant électrique ?

Si le fait est faux, comment se fait-il que l'on trouve des oiseaux morts au-dessous des fils?

Si le fait est vrai, comment se fait-il que l'on voie des nuées d'oiseaux s'abattre sur ces fils, s'y trouver très à l'aise, et paraître si peu incommodés par le passage du courant électrique, que nous avons entendu les hirondelles y donner, dans leur concert d'adieu, leurs gracieux chœurs à bouche fermée, et les pierrots y jouer les bruyantes fanfares dont cette race de voleurs hardis et criards salue d'ordinaire le coucher du soleil?

Et cependant il n'y a pas contradiction.

Les oiseaux tombent étourdis et quelquefois morts parce qu'en volant à tire d'aile ils viennent se heurter contre ces fils minces et souvent assez élevés qui ne se détachent pas toujours très-bien sur le fond du ciel (1). Mais ils ne sont jamais tués par le courant électrique, parce que ce courant ne voudrait pas leur entrer par une patte et sortir par l'autre, quand il a un chemin bien plus commode et surtout plus court, à savoir le fil métallique. Pour tuer un oiseau par l'électricité, il faudrait forcer le courant à lui traverser le corps, et pour cela couper le fil entre les deux pattes.

Nous avons attiré l'attention du lecteur sur ce point pour avoir occasion de rappeler les deux principes suivants :

1o L'électricité traverse de préférence tel ou tel corps. On sait que celui qu'elle parcourt le plus aisément est dit meilleur conducteur; on dit qu'un corps conduit plus ou moins bien l'électricité (*). (Les meilleurs conducteurs. sont les métaux, et surtout le cuivre rouge.)

2o La nature marche toujours à son but par le chemin le plus court, le plus facile; c'est ce qu'on appelle le principe de la moindre action.

Si les oiseaux ne peuvent être foudroyés par le courant électrique qui traverse le fil du télégraphe, en revanche, ce fil aussi bien que les appareils télégraphiques et même les employés peuvent être frappés par la foudre pendant les orages.

En effet, on sait que tous les corps conducteurs, les métaux, par exemple, s'électrisent facilement sous l'influence des nuages orageux, et sont foudroyés de préfé– rence aux autres corps.

Dans la figure 3 (page 372), on peut voir une disposition adoptée pour préserver de la foudre les appareils télégraphiques. C'est le parafoudre de M. Bianchi, qui consiste en une série de pointes aiguës communiquant avec le sol et disposées autour d'une boule métallique montée sur le fil du télégraphe. Le tout est contenu dans un globe de verre.

Lorsque le fil de la ligne se charge d'électricité sous l'influence des nuages orageux, cette électricité s'écoule dans (1) Une volée de perdreaux étant passée à travers les fils, nous en avons vu trois tomber étourdis, puis reprendre leur vol.

(*) Les mêmes termes s'emploient pour la chaleur,

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La chapelle funéraire des rois Sigismond, construite | restaurée et ornée dans le style de la renaissance par l'ardans la cathédrale de Cracovie en 1340, est dédiée à la chitecte Bartolomeo Florentini. Sigismond II et sa sœur Vierge. Sous le règne de Sigismond Ier, en 1520, elle fut Anne, femme du roi Étienne, consacrèrent des sommes

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considérables à l'ornementation de cette chapelle. Elle est carrée et bâtie en pierres de taille. L'élégante coupole qui la surmonte est couverte en cuivre doré et découpé en écailles de poisson. A l'intérieur, une grille de bronze richement ciselée en ferme l'entrée. L'aigle de Pologne et le cavalier de Lithuanie ornent cette balustrade; un serpent, emblème adopté par la famille Sforza de Milan, s'est glissé au milieu des écussons comme un emblème de l'éternité. Les murs sont couverts d'une espèce de ciment d'un gris verdâtre sur lequel sont appliqués des ornements d'une grande élégance. Plusieurs colonnes, formant trois compartiments qui encadrent des statues de saints, sont surmontées de médaillons représentant les Évangélistes. Du côté gauche de l'entrée est un autel en argent massif d'un prix inestimable, et dont les portes sont enrichies de peintures; l'extérieur représente en quinze sujets la Passion de Notre-Seigneur et l'Entrée à Jérusalem. Ces peintures sont de l'école florentine du seizième siècle. A l'intérieur sont douze tableaux en argent doré, chefsd'œuvre d'Albert Glim de Nuremberg. Ils représentent la Naissance du Christ, les Mages, la Purification, la Révé– lation, la Circoncision, l'Histoire de Zacharie et de sainte Élisabeth, l'Annonciation, la Présentation, et l'Histoire de saint Albert. Sur les deux côtés du fond sont des aigles jagelloniennes. La base, richement travaillée, porte une inscription et deux médaillons, l'un de Sigismond Ier, l'autre de Sigismond II. En face de l'autel, on voit les tombeaux en marbre rouge de ces deux rois, revêtus de leurs armures et appuyés sur leur bras droit. Un autre tombeau de même style est consacré à la mémoire de la reine Anne.

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Il ne tarda pas à se présenter une occasion toute naturelle de recommencer les hostilités. Mile Tournson possédait un chat que par système d'économie elle se dispensait à peu près de nourrir, pensant que toute bête intelligente trouve suffisamment sa subsistance dans le jardin, la rue ou le grenier aussi le pauvre animal, affamé la plupart du temps, était-il d'humeur peu sociable. De son côté, Mme Maubray avait un petit chien bien nourri, gras, petillant, toujours disposé à livrer une guerre simulée. Sans prétexte plausible, il prit, dès la première vue, le pauvre Trot en telle aversion que tous les raisonnements et les efforts de sa maitresse pour réconcilier les deux voisins échouérent devant l'obstination de Tulip.

Le chat ne pouvait avancer la patte sur le domaine de son ennemi sans être repoussé par un grognement, et pour peu qu'il persistât dans son idée, le chien s'élançait à sa rencontre avec un aboiement qui l'envoyait au loin si rempli de terreur que ses poils s'en dressaient sur son dos. La tante Betty, très en colère, jura qu'à la première occasion elle échauderait Tulip. « C'était une honte, disait-elle, que des gens, et encore les derniers venus,, gardassent un chien si mauvais et si hargneux que les honnêtes voisins avaient sans cesse à craindre pour la vie de leurs ani

maux. >>

Mine Maubray fit de nouvelles tentatives pour amener les deux ennemis à des rapports plus pacifiques. Elle invita Trot à dîner, essaya de persuader Tulip de manger dans la même assiette. Tout fut inutile. Tulip, à ce qu'il paraît, avait résolu d'être échaudé auparavant. Mile Tournson, qui ne voulait pas qu'on empiétât sur son privilége de faire le malheur de son chat, entra un jour dans la chambre de Mme Maubray, et, un poing sur la hanche, de l'autre gesticulant avec chaleur, elle s'écria d'une voix tremblante d'indignation :

----Je vous préviens, Madame, que j'empoisonnerai votre chien, et vous verrez si je ne tiens pas parole; c'est vraiment pour le plaisir de tourmenter les voisins qu'on s'obstine à garder une peste comme cette bête.

-Je suis bien fachée que cela vous importune si fort, répliqua avec douceur Mme Maubray, et je vous assure que je plains beaucoup ce pauvre Trot.

Pauvre Trot! reprit Mile Tournson avec un redoublement de véhémence, et pourquoi pauvre, s'il vous plaît? Voulez-vous insinuer qu'il n'ait pas de quoi manger?

Non certainement, répondit tranquillement Mme Maubray; je le plains seulement parce que Tulip ne lui laisse pas un moment de repos, et je conviens avec vous qu'il n'est pas juste de garder un animal qui trouble tout le voisinage. Je tiens à Tulip parce qu'il appartient à mon fils qui est sur mer; mais s'il ne veut pas vivre en bonne intelligence avec Trot, je m'en déferai, rien de plus naturel. Sally, apportez quelques-uns des pâtés que nous avons faits ce matin; je voudrais les faire goûter à ma voisine Tournson.

Tandis que la tante Betty, évidemment calmée, savourait les petits pâtés de la confection de Mme Maubray, celleci lui faisait compliment sur la bonne grâce et l'heureux naturel de la jeune Amy.

-Je suis bien aise que vous ayez d'elle une si bonne opinion; mais j'obtiendrais bien peu de chose si je ne faisais de temps en temps jouer la verge.

Pour moi, répartit Me Maubray, je dirige les enfants un peu comme on nous raconte qu'un certain homme traitait son âne. L'animal n'aurait pas bougé d'un pouce tant qu'on le battait et le brusquait; mais lorsqu'on lui mettait des navets devant le nez, il avançait et trottait jusqu'à ce qu'il les eût attrapés.

Cela est bon pour les gens qui ont beaucoup de navets; la verge revient à meilleur compte.

- Mais elle n'a pas d'aussi heureux résultats. Ce qu'on fait avec plaisir va toujours mieux que ce qu'on accomplit par crainte. Eh bien, voisine Tournson, puisque ces pâtisseries sont de votre goût, prenez-en que vous emporterez chez vous; je crains qu'elles ne vaillent plus rien avant que nous les ayons toutes mangées.

Et la tante Betty, qui était venue pour se quereller, fut tout étonnée de s'en retourner avec des petits pâtés.

Merci, voisine, dit-elle en s'en allant; mille remerciments, madame Maubray; vous êtes une « bonne » voisine.

Et lorsqu'elle eut atteint sa porte, elle hésita un moment, puis, tournant sur ses talons, revint pâtés en main jusqu'à Mme Maubray.

-Voisine, reprit-elle d'un ton déterminé, ne vous faites pas de souci au sujet de Trot, je le retiendrai dans la chambre autant que possible; ne renvoyez pas votre chien à cause de moi; c'est celui de votre fils, vous devez y tenir, c'est tout naturel.

Et disant cela, elle ferma la porte sur elle, surprise ellemême, à coup sûr, d'une harangue si nouvelle dans sa bouche.

-Eh bien, dit Sally en souriant, c'est plus que je n'au

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