Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][graphic][ocr errors]

La Fille de Théotocopuli, dit el Greco. - Dessin de J.-B. Laurens, d'après Théotocopuli, dit el Greco. bien authentiques. Celui que nous reproduisons ici a été décrit et apprécié de la manière suivante dans le KunstBlatt, journal allemand très-estimable: « La galerie espagnole du Louvre possède huit peintures d'el Greco, parmi lesquelles se trouvent son propre portrait et celui de sa fille; ce dernier est hautement remarquable. Ses yeux noirs, perçants, la finesse des traits, la pâleur maladive de la face, trahissent le trouble fiévreux d'un cœur féminin et indiquent une nature capable d'une passion profonde et d'une grande irritabilité nerveuse. La manière avec laquelle le peintre a jeté sur cette figure un accessoire d'un ton clair est très-digne d'attention. »

tableaux peints en Espagne. On dit aussi que sa vie privée fut très-étrange. Il mourut en 1625, dans un âge trèsavancé, à Tolède, où il avait fait construire le palais de l'Ayuntamento.

Il paraît que, sous prétexte que ses tableaux étaient confondus avec ceux du Titien, Théotocopuli voulut chercher une nouvelle manière, et il commit dès lors des extravagances inouïes en fait de peinture; c'est du moins ce qu'affirment tous les critiques qui ont vu ses nombreux

CATA-BRANCA

ET LA PROVINCE DE MINAS-GERAES (BRÉSIL).

Les monts aurifères de Cata-Branca sont situés dans la province de Minas-Geraes, la plus riche et la plus peuplée du Brésil, et qui doit son nom (Mines - Générales) à la grande variété de terrains métallifères qu'on y trouve; car, outre l'or, elle produit des diamants, du fer, du cuivre, du platine, du mercure, et de l'antimoine. Le sol y est creusé d'une multitude de cavernes profondes d'où l'on tire le

[merged small][merged small][graphic][merged small][subsumed]

Mines d'or de Cata-Branca, au Brésil. - Dessin de Freeman, d'après la Flora Brasiliensis.

Ce fut vers le milieu du dix-septième siècle que des cieuses, surtout d'émeraudes. L'exemple des Espagnols aventuriers, venus de l'intérieur du Brésil, apportérent tenta les Portugais, qui se mirent en quête de ces trésors à leurs compatriotes et aux Européens qui habitaient les cachés. Un certain S.-F. Toucinho trouva, dit-on, la pre-" côtes la nouvelle de l'existence en ce pays de pierres pré-mière émeraude et d'autres pierres précieuses, dans la

serra do Frio, en visitant le rio Doce et le rio dos Ca- | vallos. Un arrêt royal du 27 septembre 1664 vint l'autoriser à continuer ses recherches. Mais la mort d'un de ses compagnons arrêta l'entreprise.

Geraës; car en y comprenant le produit des autres provinces, la somme s'élève, selon M. d'Eschwege (Pluto Brasiliensis), à 130000 000 de mille-reis.

Aujourd'hui, les mines ne sont plus d'un aussi bon rapport qu'autrefois. Mais la province de Minas, qui compte deux millions d'habitants, a d'autres sources de revenus, principalement, dans le nord, la culture du coton, qui fait de jour en jour de plus grands progrès. On cultive aussi le café, le sucre, le tabac, et, sur les frontières de SaintPaul, le thé (il y en a deux cent mille plants à la Fazenda Selladono). L'élève du bétail est encore une branche considérable de revenus.

Un autre aventurier, un vieillard d'une santé et d'une volonté de fer, Fernando Dias Paes, se présenta l'année suivante et visita le territoire avoisinant le rio San-Francisco; il y recueillit quelques émeraudes, si tant est que ce fussent des pierres de cette espèce, et, d'après les recherches modernes, on doit en douter. Après sept années d'absence, il fut joint par son gendre Manoël, qui, le pre-de mier, découvrit l'or au Brésil. Le bruit s'en étant répandu, le gouverneur de Saint-Paul voulut obliger l'heureux explorateur à lui livrer ses instruments, afin d'entreprendre les fouilles au nom du roi. Il s'ensuivit une lutte le gouverneur fut massacré; Manoël, avec ses compagnons, se sauva dans les déserts du rio Doce.

[ocr errors]

De leur existence dorée d'autrefois, les Mineiros (habitants de Minas-Geraes) ont conservé le goût du jeu. Les hommes sont passionnés pour les cartes. Un voyageur allemand, qui a visité dans ces dernières années la province dont nous parlons ('), donne à ce sujet les détails suivants : Les Paulistes, ou habitants de la province de Saint-« Le matin, dès dix heures, quelquefois même plus tôt, on Paul, firent d'inutiles tentatives pour découvrir l'empla-se met au jeu; à midi, on fait seulement une petite pause, cement des mines dont ils étaient les plus proches voisins. puis on continue à jouer tout l'après-midi, jusque fort Enfin, après treize années de fouilles infructueuses de leur tard dans la nuit. Ce sont toujours des jeux de hasard les part, Manoël obtint sa grâce à condition qu'il indiquerait cartes sont mêlées, posées en tas au milieu de la table; l'endroit de sa trouvaille; il fut même nommé dans la suite chacun des joueurs en prend une; le paquet épuisé, celu gouverneur d'un fort à Rio-Janeiro, et il exploita les mines qui a les cartes les plus élevées gagne la partie. D'ordiqu'il avait découvertes. naire il n'y a que deux personnes au jeu, les autres regardent attentivement; d'autres fois, quatre ou cinq joueurs sont à la partie, jamais davantage. L'enjeu est rarement moins d'un mille-reis. L'auberge où je logeais, à Congonhas, était le rendez-vous de tous les joueurs de l'endroit, et j'eus occasion de les bien observer. Mon hôte gagnait le plus souvent, mais perdait aussi quelquefois 50 à 60 mille - reis en un jour. Il ne se faisait pas scrupule d'avouer qu'à ses yeux le jeu était moins une distraction qu'un moyen de revenu, citant toujours pour modèle un hôtelier voisin qui avait acquis de cette manière et sa maison et les terres environnantes... >>

A partir de ce moment commença la chasse à l'or. Rodriguez Arzao de Taubaté, sur le haut Parahiba, est mentionné, en 1693, comme le premier qui rapporta dans cette ville de l'or extrait des mines. Une troupe partit, en 1695, du même endroit pour chercher de l'or; celui qui en recueillit le plus céda sa part, en échange d'un fusil, à un colonel, qui la troqua, contre deux filles esclaves, à un de ses compagnons, lequel en fut dépouillé par un autre, qui la porta chez le gouverneur comme sa propre trouvaille, et fut, en récompense, nommé inspecteur général de la première Monnaie royale créée à Taubaté.

SELECTION NATURELLE.

CHOIX DE LA NATURE.

L'origine des espèces, ce mystère des mystères, comme l'appelle un de nos plus savants philosophes modernes, a donné lieu à une foule d'hypothèses.

La rivalité de cette ville et d'une cité voisine amena une scission entre les bandes de travailleurs, et dès lors les découvertes se succédèrent rapidement. Antonio Diaz trouva les riches mines d'Ouro-Preto, en 1699. Cette localité devint un centre tellement fréquenté, que le 8 juillet 1711 elle fut élevée au rang de ville. A 8 kilomètres d'Ouro-Preto, un faible établissement devenait en la même année la ville de Marianne; Sabara - Bussu se métamorphosait en la cité de Sabara; trois ans plus tard (29 janvier 1714) la découverte de mines à 32 kilomètres à l'est de ce dernier endroit nécessitait la création de la ville de Caeté, tandis que plus au nord un descendant de cet Arzao (dont il a été question ci-dessus) fondait la Villa do Principe, contiguë aux gîtes aurifères qu'il avait été assez heu-la question. Réfléchissant aux mutuelles affinités des êtres reux pour découvrir.

Un éminent naturaliste anglais, M. Charles Darwin (*), en a fait le sujet de ses méditations pendant vingt-deux ans. Des faits innombrables, des observations d'histoire naturelle d'un haut intérêt, recueillis par lui pendant un voyage autour du monde, lui ont paru éclairer certaines faces de

organiques, à leurs relations multiples, à leur distribution sur la face du globe, à leur succession géologique, il a été amené à conclure que chaque espèce n'a pas été créée indépendamment, mais est descendue, comme variété, d'autres espèces.

Le flot des chercheurs d'or se dirigeait, comme on voit, principalement vers le nord; mais le midi ne tarda point à avoir son tour. Ici encore on retrouve des Paulistes de Taubaté. C'est l'un d'eux qui jeta les fondements de SanJoao del Rey, baptisé ville en 1718, près de laquelle se fonda bientôt San-José. On traça aussi des routes pour le transport des objets nécessaires à tant d'émigrants; la principale allait de Marianne à Villa do Principe, et donna naissance aux villages de Catas-Altas, Cocaes, etc. Une autre se dirigeait vers le sud, touchant Queluz, Barbacena, etc.; une troisième, Congonhas, Campanha. Ainsi se forma peu à peu la nouvelle province de Minas-Geraës, dont les ressources enrichirent la couronne de Portugal. En effet, tout l'or recueilli était soumis à un impôt, le quinto (cinquième), qui, depuis 1700 jusqu'en 1820, a dù rapporter au Portugal la somme énorme de 72 000 000 de mille-reis (mille-reis, 6 fr. 01 cent.). Nous ne parlons que de Minas-ieuze sous le titre : Amours des plantes.

Ainsi qu'il le dit lui-même, cette conclusion, en admettant qu'elle soit juste, n'aurait de poids qu'autant qu'on pourrait démontrer comment les innombrables espèces habitant ce monde ont pu être modifiées de manière à acquérir cette perfection de structure et cette adaptation d'organes qui excitent à si juste titre notre admiration et notre étonnement.

« Les naturalistes en référent sans cesse aux conditions extérieures, telles que le climat, la nourriture, etc., comme

(1) Burmeister, Reise in Brasilien; Berlin, 1853, in-8 avec carte. (*) Petit-fils du célèbre docteur Darwin, auteur du Jardın botanique,

poëme dont la seconde partie a été traduite en francais par M. De

les seules causes possibles de variation. Cela n'est vrai que dans un sens très-limité. Comment admettre, par exemple, que la structure particulière du pic, avec ses pattes, sa queue, son bec et sa langue si admirablement construite pour dépister et saisir les insectes cachés sous l'écorce des arbres, soit uniquement due aux circonstances extérieures? que l'organisation du gui, qui tire sa nourriture de certains arbres, dont les semences sont transportées au loin par certains oiseaux, dont les fleurs de sexes séparés exigent absolument l'intervention de certains insectes pour faire passer le pollen d'une fleur à l'autre, qui a des relations multiples avec plusieurs êtres organiques, soit également le résultat des conditions extérieures, de l'habitude, ou de la volonté de la plante même ?

» Supposera-t on qu'après un nombre inconnu de générations, quelque oiseau aura donné naissance au pic, quelque plante au gui, et qu'oiseau et plante seront nés aussi parfaits que nous les voyons aujourd'hui? Qui ne comprend que cette supposition est inadmissible et n'explique en rien les relations des êtres organiques entre eux? Il a dù y avoir transformations graduelles. Comment, et d'où? De la domestication pour l'un, de la culture pour l'autre? Non; car le pic n'est point apprivoisé ni élevé par l'homme, pas plus que le gui n'est cultivé dans nos vergers. Quels sont donc les moyens de modification et de coadaptation? Ils sont divers et variés à l'infini. Une étude attentive des animaux domestiques et des plantes cultivées est une des meilleures voies pour arriver à la solution de cet obscur problème. La nature donne les variétés successives, le pouvoir de l'homme les arrête et les fixe par l'accumulation des choix. D'une variété individuelle il fait une race. Il tient la baguette magique qui formera l'animal comme il lui plaira pour répondre à ses besoins ou à ses caprices. »

Lord Somerville, parlant de ce que les éleveurs ont fait pour les moutons, dit : « Il semblerait qu'ils aient tracé à la craie une forme sur un mur et qu'ils l'aient animée. » Un très-habile amateur de pigeons assurait qu'en trois ans il obtiendrait n'importe quelle plume voulue, et il ajoutait qu'il lui en faudrait six pour obtenir telle tête et tel bec. Ce pouvoir est grand assurément et donne d'étonnants résultats. Mais il en est un autre, toujours à l'œuvre, et dont les effets sont aussi supérieurs aux faibles efforts de l'homme que les œuvres de la nature sont supérieures à celles de l'art; c'est ce que M. Darwin appelle la sélection naturelle, le choix ou le triage qu'amènent les circonstances, que transmet le principe d'hérédité et qu'entretient la lutte incessante engagée entre tous les êtres organiques pour vivre et sauvegarder leur progéniture: lutte qui est le résultat inévitable de leur immense faculté d'accroissement. Comme il naît un beaucoup plus grand nombre d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut exister, il s'ensuit que tout être mieux doué, qui varie de quelque façon qui lui soit profitable dans les conditions diverses et complexes où il est placé, aura plus de chances de survivre et se trouvera ainsi naturellement choisi. Le fort principe de la transmission héréditaire fera que toute variété ainsi élue tendra à propager sa forme nouvelle et modifiée; de là une série de transformations progressives. L'homme ne peut agir que sur les caractères extérieurs et visibles; la nature s'inquiète peu des apparences, sauf en ce qui peut être utile à l'individu. Elle agit sur chaque organe intérieur, sur chaque nuance de différence constitutionnelle, sur tout le mécanisme de la vie. L'homme ne choisit que pour son propre bien; la nature n'a en vue que le plus grand bien de l'être qu'elle dirige.

Après ce rapide et incomplet aperçu de quelques-unes des vues ingénieuses développées par M. Darwin dans son récent et important ouvrage sur l'Origine des espèces, nous

lui emprunterons trois ou quatre observations d'histoire naturelle données à l'appui de sa théorie.

« Parmi plusieurs exemples qui montrent combien sont complexes et inattendues les causes de répression et de relations qui s'établissent entre des êtres organiques ayant à lutter ensemble, je n'en citerai qu'un, qui, bien qu'isolé, me semble intéressant. Dans le Staffordshire, sur la propriété d'un de mes parents, il y avait une vaste bruyère extrêmement stérile, et que la main de l'homme n'avait jamais tenté de défricher. Plusieurs centaines d'acres du même sol avaient été enclos, vingt-cinq ans auparavant, et plantés de sapins écossais. Le changement survenu dans la végétation native de la partie plantée et enfermée était extraordinaire et plus frappant que celui qu'on remarque en passant d'un sol à un autre sol tout différent. Non-seulement le nombre proportionnel des bruyères avait complétement changé, mais douze espèces de plantes, qu'on ne trouvait pas sur la bruyère vague, florissaient dans la plantation, sans compter les graminées et les carex. L'effet sur les insectes avait dû être encore plus grand; car six espèces d'oiseaux insectivores, très-communs dans l'enclos, n'avaient jamais été vus sur la bruyère inculte que fréquentaient deux ou trois autres espèces d'oiseaux insectivores tout à fait distincts de ceux-ci. On peut juger par là quel puissant effet a l'introduction d'un seul arbre, rien de plus n'ayant été fait, sinon d'enclore le terrain afin de tenir les bestiaux à distance. Mais l'importance d'une clôture, comme élément, me fut encore plus clairement démontrée près de Farnham, dans le comté de Surrey. Il y a là aussi de vastes bruyères; au loin, sur les cimes des collines, végétent quelques rares goupes de vieux sapins écossais. Depuis dix ans,. on a enclos de grands espaces où surgissent aujourd'hui des multitudes de petits sapins naturellement semés, et qui poussent trop pressés les uns contre les autres pour avoir tous chance de vivre. Quand je me fus assuré que ces jeunes arbres n'avaient été ni semés ni plantés de main d'homme, ma surprise de les voir en pareil nombre fut si grande, que j'allai sur plusieurs points élevés, d'où je pouvais embrasser des centaines d'acres de bruyère inculte, sans qu'il me fût possible d'y découvrir un seul sapin écossais, sauf à l'horizon les maigres bouquets plantés. Mais, en observant de plus près, terre å terre, et entre les tiges de bruyère, je découvris une quantité de jeunes pousses et de petits arbres qui avaient été perpétuellement broutés par le bétail. Dans un espace d'un mètre carré, à quelques centaines de mètres d'un des vieux groupes, je comptai trente-deux de ces avortons, dont l'un, à en juger par ses cercles concentriques, luttait depuis vingt-six ans pour dépasser de la tête les tiges des bruyères environnantes sans avoir jamais pu y réussir. Je ne fus plus étonné que la terre, une fois enclose, se fût couverte d'une vigoureuse végétation de jeunes sapins. Cependant la bruyère en friche était si complétement stérile et si étendue, que personne n'eût pu imaginer que les bestiaux y cherchaient de si près et y trouvaient leur nourriture.

» Ici, c'est la présence ou l'absence du bétail qui décide de l'existence du sapin écossais. Mais, dans plusieurs autres parties du monde, les insectes sont la cause déterminante de l'existence du bétail. Le Paraguay en offre peut-être le plus singulier exemple. Là, ni bestiaux, ni chevaux, ni chiens, ne passent à l'état sauvage, quoique l'on compte par centaines ces animaux errants et libres dans les pays situés au sud et au nord de cette région. Azara et Rengger ont démontré que cette différence tenait à la présence d'une certaine mouche, commune au Paraguay, qui, si ces quadrupedes sont en liberté, dépose ses œufs dans le nombril des petits au moment de leur naissance, et les détruit ainsi. L'accroissement de ces mouches, tout innombrables

qu'elles sont, est probablement réprimé par quelque cause, peut-être par des oiseaux. D'où l'on peut conclure que si certains oiseaux insectivores, dont le nombre est, selon toute apparence, contenu et réglé par les faucons et autres oiseaux de proie, venaient à se multiplier au Paraguay, ces mouches y décroîtraient à proportion; par suite, bestiaux et chevaux passeraient à l'état sauvage: ce qui modifierait certainement beaucoup la végétation, ainsi que je l'ai observé dans plusieurs parties de l'Amérique du Sud. Cette influence s'étendrait aux insectes, et, comme nous l'avons vu dans le Staffordshire, aux oiseaux insectivores, et ainsi de proche en proche dans des cercles de complexité infinis...

» Je suis tenté de montrer encore par un autre exemple comment les plantes et les animaux les plus éloignés dans l'échelle de la nature se relient par une trame de rapports compliquée. La Lobelia fulgens, plante exotique, n'est jamais visitée par les insectes, du moins dans la partie de l'Angleterre que j'habite, et par suite, vu sa structure particulière, ne produit pas une seule graine. Plusieurs de nos plantes du genre orchidée demeureraient stériles sans les papillons de nuit, qui se chargent de transporter d'une fleur à l'autre des masses de pollen. J'ai aussi tout lieu de croire que les bourdons velus sont indispensables à la fertilisation de la pensée sauvage (Viola tricolor); car les autres abeilles ne fréquentent pas cette fleur. Des expériences que j'ai faites récemment m'ont démontré que la visite des abeilles est absolument nécessaire à la fécondation de quelques espèces de trèfle; mais le bourdon seul visite le trèfle rouge (Trifolium pratense), les autres abeilles ne pouvant atteindre au nectaire. J'en conclus que si le genre bourdon s'éteignait ou devenait très-rare en Angleterre, la pensée sauvage et le trêfle rouge décroîtraient à proportion et finiraient par disparaître. Le nombre des bourdons dépend en grande partie dans un canton du nombre de mulots qui détruisent les nids et les rayons. M. H. Newman, qui a longtemps étudié les habitudes des bourdons, croit que plus des deux tiers périssent de la sorte en Angleterre. Or chacun sait que le nombre des souris et mulots est dans une étroite dépendance du nombre des chats, et M. Newman dit : « J'ai toujours trouvé les nids de bourdons plus abon»dants près des villages et des petites villes que partout » ailleurs. Ce que j'attribue au voisinage des chats, qui dé» truisent les mulots. »>

» Il est donc tout à fait présumable que la présence d'un animal de l'espèce féline, très-nombreux dans un canton, peut y déterminer, à travers l'intervention des mulots d'abord, des bourdons ensuite, le plus ou moins de fréquence de certaines floraisons..

» Dans les plantes, le duvet du fruit et la couleur de la pulpe sont considérés par les botanistes comme des caractères à peu près insignifiants, et cependant un excellent horticulteur, Downing, nous apprend qu'aux États-Unis les fruits à peau lisse souffrent beaucoup plus des atteintes d'un scarabée, un Curculio, que les fruits à duvet; que les prunes violettes sont beaucoup plus sujettes à une certaine maladie que les prunes jaunes, tandis qu'un autre mal attaque les pêches à pulpe jaune de préférence à celles dont la pulpe est d'une autre couleur. Si, avec tous les secours de l'art, ces légères différences en amènent une grande dans la culture de diverses variétés, assurément, dans l'état de nature où les arbres ont à lutter avec d'autres arbres et avec des myriades d'ennemis, ces différences mêmes décideraient à la longue de l'extinction ou de l'existence de telle variété, de celle à peau lisse ou à duvet, à pulpe jaune ou à pulpe rosée. »

ANECDOTES SUR KANT.

Le grand philosophe Kant est mort le 12 février 1804, à l'âge de quatre-vingts ans, dans la petite ville prussienne de Koenigsberg, où il était né en 1724, et d'où jamais il n'était sorti. Sa vie avait toujours été simple, laborieuse, et réglée dans les moindres détails. Son domestique, ancien soldat, l'éveillait chaque matin, cinq minutes avant cinq heures, en lui disant : « Il est temps! » et Kant, qu'il eût dormi ou non, se levait aussitôt. Un quart d'heure avant de se coucher, il cessait toute occupation et arrêtait le cours de ses pensées. Le moment où, après être entré dans son lit, il éteignait sa lumière, était pour lui délicieux. Exempt d'inquiétudes, de regrets, en paix avec luimême, il s'endormait presque aussitôt. Vers la fin de sa vie, le café l'agitant un peu, on voulut le dissuader d'en prendre après son dîner; mais il résista, et ce fut peutêtre sa seule faiblesse. Il demandait son café « sur-lechamp. » On cherchait à le distraire; il revenait à la charge. « Le café va venir, lui disait-on. Oui, c'est là le mal, répondait-il; il va venir, il n'est pas venu.» Alors on lui disait : « Il vient à l'instant. Oui, à l'instant; mais il y a une heure que cet instant dure. » A la fin, il se résignait stoïquement : « Ah! dans l'autre monde, je suis bien décidé à ne plus demander de café. » Ou bien il se levait de table, allait à la porte, et criait le plus fort possible: « Du café! du café!» et quand enfin il voyait monter le domestique, il s'écriait plein de joie, comme le matelot du haut de ses hunes: « La terre! la terre! j'aperçois la terre (1)! » Ce fut dans ces dernières années qu'un crayon enjoué le représenta sous une forme un peu grotesque, au moment où il prenait avec volupté « sa noire ambroisie.▸

Kant prenant son café.

Esquisse d'un étudiant.

Il eût souri de cette innocente malice. Sa demi-tasse figure peut-être dans quelque cabinet de curiosités. On montre, à Dresde, une de ses paires de souliers, et une vieille casquette, qu'il avait portée pendant plus de vingt ans, fut achetée à un prix élevé lors de la vente de son mobilier.

(') Cousin, Kant dans les dernières années de sa vie.

« PreviousContinue »