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soreau. Était-ce une hyperbole de reconnaissance envers le fondateur et le bienfaiteur plutôt qu'une qualification légitime? Quoi qu'il en soit, l'histoire nous montre des Montsoreau en Palestine, à lacour de France et à Angers. Un autre Gautier, fils de Guillaume, expédie de Mespha en Apulie des franchises aux couvents de sa baronnie, pour son âme, celles de ses parents et celle de sa femme Griscie. C'est une comtesse de Montsoreau qui est empoisonnée, avec le duc de Guyenne, par Louis XI. Un GuilJaume de Montsoreau soutient, dans sa forteresse, un long siége contre Henri Plantagenet, comte de Touraine et d'Anjou, plus tard roi d'Angleterre. La forteresse était réputée imprenable; elle fut prise avec son noble défenseur, et détruite. Quelques années après, un convoi funèbre passait auprès de ces ruines à peine relevées : c'était celui de Plantagenet qu'on allait enterrer à son abbaye de Fontevrault. Le château, reconstruit au quinzième siècle, avait une façade percée d'une multitude de portes et de croisées; des tours hautes et crénelées le défendaient, et ses toits en pyramide semblaient défier les plus hautes crues de la Loire, qui envoyait parfois ses flots turbulents jusque dans la cour d'honneur. Au mois d'août 1572, deux messagers du roi Charles se rendirent, l'un à Angers, l'autre à Montsoreau: il s'agissait de préparer, dans les provinces, la Saint-Barthélemy. L'un des deux messagers alla trouver Louis Thomasseau de Cursay, un ancien soldat du roi, que ses blessures avaient condamné à la vie seigneuriale. Voici la réponse écrite par M. de Cursay au duc de Guise.

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« Je porte d'honorables marques de mon zèle et de ma » fidélité pour le service de mon roi. Je chéris plus ces » blessures que les marques d'honneur dont Votre Altesse » veut me décorer, parce que je les ai acquises par des >> actions nobles. Vous me dénigreriez dans votre cœur, » Monseigneur, si je les acceptais en vous obéissant dans » un office qui ne convient qu'aux ennemis du roi et de » de son État. Il n'y a pas ici un seul homme dans les >> citoyens ni dans la raffetaille qui ne soit prêt à sacri>> fier son bien et sa vie pour le service du roi; mais » il n'y en a pas un seul, dans ces différents états, qui » voulut exercer un office aussi odieux et si contraire à » l'humanité. »

L'autre messager trouva M. de Montsoreau plus traitable. Le massacre s'accomplit à Montsoreau, à Saumur, qui en est à trois lieues; à Angers, les magistrats vinrent courageusement s'opposer à la prolongation du meurtre ils disaient qu'il valait mieux convertir que tuer. M. de Montsoreau joignit, dans cette circonstance, une intègre probité aux excès du fanatisme il empêcha le pillage. Les biens des huguenots avaient été donnés par le roi au duc d'Alençon. La baronnie de Montsoreau fut élevée en comté en faveur de M. de Chambes, dont la famille était alliée aux Chateaubriant. Un manoir d'aspect antique, avec tourelles et créneaux, à ornements de style divers, attire encore l'attention du voyageur qui visite cette contrée si pittoresque.

LA VENTE DU NOIR A NOIRCIR.

Maître André Thevet, auquel on doit l'introduction du tabac en France, est l'homme des petits détails oubliés, et, n'en déplaise au rigide de Thou, c'est par cela qu'il vaut quelque chose. Voici une origine que nous trouvons dans un de ses manuscrits inédits : « Et pour autant que je parle icy de noir à noircir, que l'on voit crier à Paris et à d'autres endroits de la France, je veux bien icy advertir le liseur

qu'il n'y a pas longtemps qu'il a esté inventé par un prestre auvergnat, nommé Pierre de la Malthière, lequel avoit demouré quelque temps auparavant au pays d'Allemagne, où il apprist cet estat de noircisseur, qui fust l'an 1523, et ainsy que m'en a fait le récit celui qui lui succéda, qui est mort l'an 1583, au faubourg et près la porte Saint-Jacques de Paris, nommé Nicolas Gayant, dit le Poissart. (Voy. le Grand Insulaire, d'André Thevet, manuscrit conservé à la Bibliothèque impériale, p. 216.)

LA VIE D'UN ÉTUDIANT

AU SEIZIÈME SIÈCLE.

Extraits des Mémoires de Thomas Platter, profes-eur et imprimeur à Bàle, père du célèbre médecin Félix Platter (1). Mon cher fils Félix (*), tu m'as souvent prié, et plusieurs hommes illustres et savants qui ont été autrefois mes disciples m'ont aussi demandé d'écrire ma vie depuis ma jeunesse; car, eux et toi, vous aviez plus d'une fois entendu parler de l'extrême pauvreté dans laquelle je suis né, des dangers que j'ai courus, d'abord lorsque je servais dans nos rudes montagnes, puis lorsque j'ai suivi les écoles; enfin, de mon mariage, et de la manière dont je suis parvenu à nourrir et à élever ma famille, à grande peine et travail.

Pour que le tout puisse te servir, pour que tu considères combien Dieu m'a plus d'une fois miraculeusement gardé, et pour que tu remercies le Seigneur dans le ciel de t'avoir fait naître dans une position meilleure et préservé de la misère, je veux satisfaire ton désir, et rassembler mes souvenirs aussi bien que possible. Et d'abord, ce que je sais le moins, c'est l'époque à laquelle chaque chose est arrivée. D'après ce qu'on m'a dit et mes propres calculs, lorsque je suis venu au monde, on comptait 4499. C'était le mercredi des Cendres, au moment même où l'on sonnait la messe, et, à cause de cela, toute la famille se réjouit et se promit que je serais un jour prêtre. Mon père se nommait Anthoni Platter, du nom de notre famille, qui vient d'une maison bâtie sur le plateau d'un rocher sur une très-haute montagne, auprès d'un village appelé Grenchen, lequel dépend de la paroisse de Visp, bourg considérable du Valais. Ma mère était une Summermatter: son père a vécu jusqu'à l'âge de cent vingt-six ans. Moi-même je lui ai parlé six ans avant sa mort, et il m'a dit qu'il connaissait, dans le domaine de Visp, dix hommes plus àgés que lui. A l'âge de cent ans, il avait épousé une fille qui en avait trente, et il en avait eu un fils: il avait vu blanchir les cheveux de ses enfants quand il mournt. La maison où je suis né à Grenchen s'appello An den Graben (Près du Fossé). Ma mère eut mal au sein après m'avoir mis au monde; elle ne put m'allaiter; je n'ai jamais sucé le lait de femme, et ma mère disait que mes peines avaient commencé dès ce temps-là. On me nourrit avec du lait de vache, qu'on me faisait sucer dans une petite corne, comme lorqu'on veut sevrer un enfant; car, dans notre pays, on ne donne aux enfants que du lait pour toute nour

(') Ces Mémoires ont été écrits par Thomas Platter en dialecte suisse. Toute la première partie, qui se rapporte à l'enfance et à la jeunesse de l'auteur, a été traduite par M. Flocon et publiée dans une Revue française qui parait à l'étranger (la Libre Recherche), avec une introduction par M. V. Chauffour-Kestner, auteur des Etudes sur les réformateurs du seizième siècle. Nous avons été autorisé à reproduire ici quelques pages de cette traduction : elles nous paraissent peindre avec un relief saisissant la condition misérable des panà acquérir un peu d'instruction. vres enfants du nord de l'Europe qui cherchaient, au seizième siècle,

() Voy., sur Félix Platter, la Biographie universelle des frères Michaud.

riture, et cela quelquefois jusqu'à l'âge de quatre ou cinq sortir; mes souliers y restaient, et je revenais à la maison ans. Mon père mourut jeune, et je ne l'ai jamais vu. C'est pieds nus, grelottant de froid. Mon maître avait plus de la coutume chez nous que toutes les femmes sachent filer quatre-vingts chèvres, que je dus garder pendant sept à et coudre, et, avant l'hiver, les hommes vont ordinaire-huit ans ; et j'étais encore si petit que, quand j'ouvrais l'ément dans le pays de Berne acheter de la laine que les femmes filent et dont elles font des habits pour les gens de la campagne. Mon père était donc allé à Thoune pour acheter de la laine; mais il y fut atteint de la peste, et il mourut. Ma mère se remaria bientôt après, à un homme appelé Heintzman am Grund, d'une maison située entre Visp et Stalden. J'avais deux sœurs, dont l'une est morte de la peste dans l'Entlibuch; trois frères, dont deux sont morts à la guerre le troisième est mort dans le pays de Berne. Les usuriers avaient tellement ruiné mon père, que tous ses enfants durent se mettre en service aussitôt qu'ils le pouvaient. Comme j'étais le plus jeune, mes tantes, les sœurs de mon père, m'ont gardé près d'elles, chacune à leur tour, pendant quelque temps.

Je me rappelle très-bien avoir été auprès d'une d'elles qui s'appelait Marguerite; elle me porta dans une maison nommée Dans le Désert, chez une de ses sœurs qui travaillait alors avec d'autres femmes: elle prit une petite botte de paille qui se trouvait par hasard dans la chambre, la posa sur la table, me mit dessus, et s'en alla avec les autres. Un soir, mes tantes, après m'avoir couché, étaient allées à la veillée. Je me levai et je courus vers une maison auprès de laquelle était un étang. Quand mes tantes ne me virent plus, à leur retour, elles furent en grande peine; enfin elles me trouvèrent dans cette maison, couché entre deux hommes qui me réchauffaient, car je m'étais gelé dans la neige. Plus tard, quand je demeurais encore dans le Désert, mon frère aîné revint de la guerre dans la Savoie il m'apporta un petit cheval de bois que je trainais par un fil devant la porte; alors je croyais fermement que le cheval pouvait marcher, et je m'explique très-bien pourquoi les enfants croient que leurs poupées sont vivantes. Mon frère passa une jambe par-dessus ma tête et me dit : « Ah! Thomilly, à présent tu ne grandiras plus! ce qui me fit beaucoup de chagrin.

J'avais trois ans lorsque le cardinal Matheus Schiner vint visiter le pays et donner la confirmation, suivant l'usage catholique; il vint aussi à Grenchen. Il y avait dans notre village un prêtre appelé M,Anthoni Platter, vers lequel on me mena et qui devait être mon parrain. Après avoir diné, le cardinal (peut-être était-il alors seulement évêque) se rendit à l'église pour la confirmation. Je ne sais ce qui empêcha mon cousin de se trouver là pour me conduire vers lui; le cardinal était assis sur sa chaise, attendant qu'on lui amenât les enfants. Alors, je réfléchis un moment, puis je courus à lui.

table, si je ne me rangeais pas de côté bien vite, elles me renversaient, me marchaient sur la tête et sur le dos, car je tombais presque chaque fois sur la figure. Lorsque je les menais au-dessus du pont de la Visp, celles de devant couraient dans les champs de blé je les chassais, mais pendant ce temps les autres y entraient aussi; alors je pleurais, car je savais bien que le soir je serais battu. Les gardiens des autres paysans venaient à mon aide, surtout un qui était grand et s'appelait Thomas an Leidenbach; il avait pitié de moi et me faisait beaucoup de bien. Quand nous avions mené nos chèvres sur les grandes montagnes, à de terribles hauteurs, on s'asseyait et l'on mangeait ensemble: nous avions chacun sur le dos un petit panneron de berger, où il y avait du fromage et du pain de seigle. Après avoir mangé, on s'amusait à lancer des pierres. C'était sur un plateau bien uni, au sommet d'un immense rocher. En voulant éviter une pierre qui me venait droit à la tête, je tombai à la renverse du haut du rocher; les bergers criaient: Jésus! Jésus ! jusqu'à ce que je disparusse à leurs yeux; car j'étais tombé dans un endroit où ils ne pouvaient plus me voir, et ils me croyaient mort. Je me relevai pourtant et je revins auprès d'eux. Ils avaient d'abord pleuré de chagrin, alors ils pleuraient de joie. Six semaines plus tard, une chèvre tomba au même endroit, et fut tuée roide. Ainsi Dieu m'avait bien gardé.

Peut-être six mois plus tard, je menais un jour de grand matin mes chèvres par-dessus une corniche nommée Wiffeggen je m'y trouvais avant tous les autres, parce que nous en demeurions plus près. Mes chèvres prirent à droite sur un petit rocher large d'un pas; au- dessous s'ouvrait un terrible abime, profond de plusieurs mille pieds, dans la roche nue. Puis les chèvres se mirent à grimper encore, montant une à une un étroit sentier où elles pouvaient à peine poser leurs petits pieds sur les touffes d'herbe qui croissaient çà et là dans les fentes du rocher. Je voulus les suivre, mais je n'avais point encore grimpé la valeur d'un pas en m'aidant d'une touffe d'herbe qu'il me fut impossible d'aller plus loin; je ne pouvais non plus remettre les pieds sur le petit rocher, et j'osais bien moins encore sauter en arrière, car je craignais de perdre l'équilibre et de tomber dans l'affreux précipice. Je restai done assez longtemps immobile, et j'attendais l'aide de Dien. Tout ce que je pouvais pour moi-même, c'était de me tenir des deux mains à la touffe d'herbe, d'appuyer un doigt du pied à une autre touffe, et de changer de pied quand j'étais fatigué. Dans cette détresse, ce qui m'agi

Que veux-tu, mon enfant? me demanda-t-il en me tait le plus c'était la peur des grands vautours qui plaVoyant seul.

Je voudrais bien être confirmé, lui répondis-je.
Et comment t'appelle-tu? dit-il en riant.

Je répondis M. Thomas.

Il rit, murmura quelques mots que je n'entendis pas, leva la main et m'en donna un petit coup sur la joue. En ce moment survint mon parrain, qui s'excusa de ce que je m'étais présenté seul; le cardinal lui répéta ce que j'avais dit, et ajouta : « Sûrement, cet enfant sera quelque chose d'extraordinaire, peut-être un prêtre. » Et comme j'étais né juste au moment où l'on sonnait la messe, beaucoup de gens croyaient que je serais prêtre aussi l'on me mit à l'école plus tôt qu'il n'est d'usage.

Lorsque j'eus passé l'âge de six ans, on m'envoya dans la vallée d'Eisten, auprès de Stalden, chez le mari d'une sœur de ma mère, pour garder ses chèvres. Je me souviens que j'enfonçais souvent dans la neige à n'en pouvoir plus

naient au-dessous de moi je craignais qu'ils ne m'emportassent, comme il arrive quelquefois qu'ils enlèvent des enfants et de jeunes brebis. Comme je me tenais ainsi, et que le vent relevait ma petite veste, car je n'avais pas de pantalon, mon camarade Thomas me vit de loin, mais il ne savais pas au juste ce que c'était, et en voyant flotter mon habit il crut d'abord que c'était un oiseau. Mais quand il m'eut reconnu, il eut peur, il pålit et me cria:

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Thomilly, reste bien tranquille!» puis il vint sur le petit rocher, me prit par le bras, et nie porta en arrière, pour que nous pussions aller rejoindre nos chèvres. Plusieurs années après, quand je revins des écoles des pays lointains, mon camarade me rappela comment il m'avait sauvé la vie (ce qui était vrai, mais j'en donne surtout l'honneur à Dieu), et me dit que si je devenais prêtre, je devrais dire une messe et prier pour lui.

La suite à une autre livraison.

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dessins de quelques-unes de ces antiquités ont été communiqués par M. Demidoff à M. Peter Collinson, et publiés dans le deuxième volume de la précieuse collection anglaise intitulée: Archæologia (').

CARACTÈRE ET MISSION DE JEANNE DARC. Fin. Voy. p. 193.

Le 29 avril, Jeanne entre dans Orléans réduit aux abois. Trois sorties font lever le siége. Sans elle, il est certain que la ville était prise. Un envieux voulut engager un combat tandis qu'elle dormait; déjà on pliait, et si elle ne se fût réveillée à temps, la retraite eût été une déroute. Sa () Archæologia or Miscellaneous tracts relating to antiquity, published by the Society of antiquarians of London.

D'après l'Archæologia.

vue frappait les Anglais d'épouvante; ils avaient reçu de sa part une lettre où on lisait : « Rendez à la Pucelle, qui est envoyée par Dieu, les clefs de toutes les villes que vous avez prises en France. » Et au dos: «Entendez les nouvelles de Dieu et de la Pucelle.» (8 mai 1429.)

C'est l'époque glorieuse de Jeanne Darc. Rien ne lui résiste. En huit jours (juin), elle recouvre Jargeau, Beaugency, Meung; bat et prend, à Patay, Suffolk et Talbot. Charles VII se laisse mener, par Châlons et Troyes qui se rendent, à Reims qui l'acclame ('); il est sacré en grande pompe, aux côtés de Jeanne, qui l'ombrage de son étendard; mais c'est au pied de l'autel, les genoux

(') Le dessin que nous donnons n'a la prétention de représenter avec exactitude ni les physionomies, ni même les costumes. Il n'existe aucun portrait authentique de Jeanne Darc; nous avons publié les documents figurés qui existent, dans notre tome ler de l'Histoire de France d'après les monuments, p. 518 et suivantes.

embrassés par sa libératrice, que l'envie lui souffle l'in- | celle et l'invoque à grands cris, le roi s'abandonne aux gratitude. Tandis que le peuple baise la robe de la Pu- suggestions perfides.

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Entrée de Jeanne Darc et de Charles VII à Reims. - Composition et dessin de Karl Girardet.

« Je ne crains que la trahison, disait Jeanne. Elle sentait autour d'elle ce serpent qui devait enchaîner ses efforts

et enfin l'étouffer dans les flammes. Peut-être perdit-elle dès lors la certitude du triomphe, mais elle conserva la

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