Page images
PDF
EPUB

M. Serres a pu, grâce aux résultats précédents, expliquer l'usage de petits corps qui apparaissent dans l'oeuf de poulet après quelques jours d'incubation; ces corps sont des cellules qui contiennent l'amidon destiné à produire la matière sucrée.

Ici, il est impossible de ne pas faire une remarque sur l'importance que prend la fonction glycogénique aux premiers temps du développement de l'organisme animal. Ce n'est pas une fonction pauvrement reléguée dans un seul organe, tel que le foie; c'est une fonction qui s'exécute largement sur toutes les parties de l'être qui commence; si bien que l'évolution des animaux s'accomplit au sein du même milieu que celle des végétaux. Car, on le sait depuis longtemps, le végétal se développe dans un milieu formé de cellules qui donnent l'amidon et la matière sucrée.

Sur la question qui nous occupe, nous signalerons encore: un mémoire de M. Schiff, qui a fait une étude détaillée de l'amidon déposé dans le foie; un travail de M. Collin où se trouvent étudiées les causes qui peuvent favoriser ou diminuer la formation du sucre; entin, une note de MM. Berthelot et de Luca, qui ont obtenu le sucre ainsi¦ formé à l'état de pureté, et ont pu prouver que sa nature était celle du sucre contenu dans les fruits des vé-¦ gétaux.

aussi ne prétendons-nous appeler l'attention sur elle que pour constater son amour réellement louable pour le travail, et dire ici d'autres faits généralement ignorés.

On a beaucoup écrit sur l'origine de cette religion nouvelle; on ne connait l'emplacement que ce peuple étrange occupe que par des descriptions plus ou moins erronées. La vue de la ville des Saints que nous donnons est une rareté.

Le lac Salé, qui a imposé son nom à la ville, est situé entre les 40 et 42 degrés de latitude nord-est et les 114 et 116 degrés de longitude ouest. Tout le monde est d'accord pour vanter l'emplacement choisi par les Saints des derniers jours afin d'y établir la ville principale de leur ́ empire naissant. « La situation de la capitale des Mormous, a dit l'abbé Domenech, est admirable. A l'est et au nord, elle est dominée par la chaîne des Wah-Satch, dont les cimes gracieuses se perdent dans les nues; les montagnes descendent dans la plaine par gradins formant de belles terrasses verdoyantes, qui commandent toute la vallée d'Utah; à l'ouest, la ville est arrosée par le Jourdain, tandis qu'une multitude de torrents fertilisent les plaines d'alentour, alimentent de petits ruisseaux, et répandent la verdure et l'abondance dans les jardins. Au nord se trouve une source d'eau thermale qui, par le Métamorphoses. Tout le monde sait que le papillon, moyen de conduits souterrains, est amenée dans une maiainsi que beaucoup d'autres insectes, n'arrive à l'état par- son de bains. Plus loin, il en existe une autre de 148 defait qu'en passant par une série de transformations qu'on grés, qui tombe en cascade dans un bassin naturel (voy. appelle des métamorphoses: de l'oeuf sort la chenille, quit. XXVII, 1859, p. 240). Les Mormons ont su tirer parti se développe en rampant; la chenille, développée, dépouille de toutes les ressources de ce pays pour l'embellissesa forme, devient la chrysalide, qui, dans une retraitement de leur ville ou le développement industriel de leur obscure, reste immobile, d'un repos semblable à celui de la mort; tout à coup l'animal déploie ses ailes, s'élance De notables changements ont dù se produire dans la capidans les airs, et retrouve plus belle la vie qui semblait | tale des Mormons depuis l'époque où notre image daguerperdue. Beaucoup d'autres animaux subissent des change- rienne (p. 208), qui date déjà du mois de septembre 1855, ments analogues. La grenouille ressemble à un poisson en a saisi les traits principaux; M. Jules Remy fut frappé dans les premiers temps de sa vie; elle en a plusieurs de son riant aspect ('); mais il avoue que c'était alors des organes, vit complétement dans l'eau; puis sa queue bien plutôt un assemblage de villas qu'une ville capitale disparaît, les pattes se montrent, des organes nouveaux comme nous pouvons nous la figurer: « Les rues déjà se forment, et l'être parfait est constitué. Ces faits, pris bâties ou simplement projetées ont 40 mètres de largeur, parmi les plus connus, sont nombreux en zoologie, et en et courent du nord au sud et de l'est à l'ouest; elles ce moment une série de découvertes a appelé très-vive-se coupent à angles droits pour former des blocs de ment l'attention des savants sur cette curieuse question. » 202 mètres de côté. » Il n'y avait, à cette époque, que On a vu particulièrement que les vers intestinaux peuvent se transformer. Le même animal se présente sous des aspects très-différents, et les naturalistes, qui avaient distingué autant d'espèces que de formes distinctes, avaient commis de graves erreurs. Aujourd'hui, cette partie de la science est en voie de perfectionnement. Dans l'année 1859, M. Leuckart a établi que la Trichina spiralis et le Trichocephale n'étaient qu'un seul et même être dans deux états particuliers de développement.

La suite à une autre livraison.

[blocks in formation]

colonie. »

le palais du gouverneur qui fut construit en pierre, les autres habitations offraient des matériaux beaucoup moins solides; on les avait bâties sans doute à la hâte, avec ces briques séchées au soleil et parfois solidifiées par l'emploi de la paille hachée qu'on appelle adobes. Ces maisons sont propres et même élégantes; quelques-unes d'entre elles offrent de grandes dimensions, mais elles sont plus généralement petites. Ce qui contribue à leur donner un aspect riant, c'est qu'un espace de 20 pieds les sépare de la rue, et que ce terrain est consacré à la culture des plantes d'ornement. La police municipale se fait avec vigilance, chaque bloc de la cité étant sous l'administration d'un personnage auquel les Mormons ont imposé le nom d'évêque, qui a lui-même sous ses ordres des elders ou prétres et des diacres qui n'ont rien de commun dans leurs fonctions, on le pense aisément, avec les dignitaires de l'Eglise ou leurs subordonnés, tels que les reconnaît l'église catholique ou même le culte réformé d'Angleterre.

Un étranger qui arrive à Great lake City n'est nulicment embarrassé pour s'y loger; il y trouve des auberges confortables; fréquemment elles sont tenues par des étrangers que les Mormons qualifient du titre de gentils.

Le palais destiné aux trente épouses du chef des Mormons, de celui que ses compatriotes appellent simplement

(1) Vov. P'Écho du Pacifique du 5 janvier 1856.

frère Brigham, mais que les étrangers traitent d'excel- |
lence, doit être aujourd'hui un des plus splendides monu-
ments de la cité nouvelle. L'architecture mormone, qui a
de hautes prétentions à l'originalité, a réuni dans cette
grande construction toutes ses élégances : l'édifice entier
n'a pas moins de 30 mètres de long sur 13 de largeur.
Pour le construire on a réuni diverses sortes de pierres, et
entre autres un granit d'une espèce vraiment magnifique.
« Les longues ogives saillantes des fenêtres de l'étage su-
périeur donnent au toit qu'elles découpent l'apparence
d'un diademe crénelé. » Trente mille piastres avaient été
déjà dépensées, en 1855, pour l'édification de cette somp-
tueuse habitation, et l'on supposait qu'elle devait coûter des
sommes immenses à celui qui la faisait bâtir; mais nul
n'était en peine sur son futur achèvement, car on n'éva-
luait pas, à cette époque, à moins de deux millions la for-
tune de frère Brigham.

ville de plaisir; c'est une ville d'industrie et de travail que M. Jules Remy compare, à bon droit, à une fourmilière dans laquelle un labeur incessant est une loi de première obligation: « Tout ce petit peuple, dit-il, s'agite utilement, justifiant parfaitement l'emblème de la ruche d'abeilles placée par le président de l'Église sur le faite de son palais. Ce sont des maçons qui bâtissent, des charpentiers qui équarrissent, des jardiniers qui bêchent ou qui arrosent, des maréchaux qui forgent, des moissonneurs qui rentrent leurs récoltes, des pelletiers qui préparent de riches fourrures, des enfants qui égrènent le maïs, des bouviers qui chassent leurs troupeaux, des bûcherons qui reviennent de la montagne lourdement chargés, des peigneurs qui cardent la laine, des chimistes qui préparent du salpêtre et de la poudre, des meuniers, des scieurs de long, des armuriers qui font ou qui réparent des riffles, en un mot, des travailleurs en tout genre; on ne voit ni oisifs ni désœuvrés. »

Il n'y a dans la capitale des Mormons ni cabarets ni maisons de jeu, mais on y a construit une salle qu'on Les Mormons, qui ont inventé un alphabet, ne donnent désigne sous la dénomination tout hospitalière de Social- pas tout à l'industrie; leur ville est une ville universitaire : Hall. On y fait des cours de littérature, d'histoire à l'u-«En outre des écoles primaires, nous dit encore M. Jules sage des Saints des derniers jours, et d'histoire naturelle; néanmoins cet établissement a aussi une destination moins sérieuse on y représente parfois des pièces dramatiques, et l'on y exécute de temps à autre la musique des grands maîtres; nous aimons à prévenir ici les dilettanti qu'on y entend Haydn, Mozart, Beethoven et Rossini, dont les chefs-d'œuvre laissent moins à désirer, nous dit un voyageur, que dans beaucoup d'autres villes de l'Union. Les Mormons donnent aussi des bals et ont inventé de gracieuses contredanses dans lesquelles un cavalier figure toujours avec deux dames.

Mais, à bien dire, Great lake City n'est nullement une

Remy, il y a au Lac-Salé une Sorbonne, fondée le 28 février 1850, sous le titre d'Université de Deseret. Cet établissement est administré par un chancelier, frère Orson Spencer, douze régents, un trésorier et un secrétaire. » Les sciences mathématiques y sont en honneur; mais on y enseigne le grec, le latin et même au besoin l'hébreu. A l'époque où cette capitale fut visitée par notre naturaliste, elle était fondée depuis 1847 seulement, et elle renfermait déjà une population de 10 000 individus. C'était beaucoup, sans doute, pour un empire de 50 000 habitants. Toutes les régions de l'Europe s'y trouvaient représentées par quelque actif industriel; toutefois, M. Jules Remy

[graphic][ocr errors]

La Ville du Grand-Lac-Salé. D'après une image daguerrienne prise par M. Jules Remy. affirme que cette population n'offrait, en 1855, qu'un seul Français, né au Havre; il y avait encore dans les États de l'Utah cinq de nos compatriotes et deux Françaises. Nous répèterons bien volontiers ici ce que dit à ce propos notre voyageur: « Je confesse qu'en présence d'une quote-triotes. »

part si minime fournie au latter day Saints par ma patrie, j'éprouvai un sentiment d'orgueil national qui venait de ce que je croyais reconnaître, dans ce chiffre significatif, une nouvelle preuve du bon sens naturel de mes compa

Paris.Typographie de J. Best, rue Saint-Maur-Saint-Germain, 15

[merged small][graphic][subsumed][merged small][merged small][subsumed][merged small]
[ocr errors]

La ville de Harlem commence à ne plus m'être indiffé- Après quelques tentatives inutiles pour découvrir, sans rente c'est l'heure de lui dire adieu. Je referme ma interroger personne, le Musée du Trippenhaus (maison de valise à regret; tout départ m'est pénible. Oserai-je avouer Trip), où est la Ronde de nuit de Rembrandt et où j'ai le que j'éprouve comme un serrement de cœur rien qu'à vague espoir de rencontrer Bob et Raph, je me trouve inparcourir d'un dernier regard cette pauvre chambre d'hô- opinément en face de la vieille église que représente le tel où j'ai reposé trois nuits?-- Amours rivaux du voyage dessin de M. Rouargue. Au même instant, par bonheur, et du logis, ardeur de l'inconnu, soif du repos, comment un des gardiens, vêtu de noir et en cravate blanche, ouvre vous concilier? Comment faire un seul pas en avant sans une petite porte latérale, et j'entre tandis qu'il sort. Une rompre quelque attache du passé?«Je ne te verrai femme, la sienne sans doute, à guimpe blanche et à figure. plus! Tristes paroles! A combien d'êtres et de choses de nonne, m'aperçoit du fond d'une jolie chambre, brilaimables ne les jetons-nous pas chaque jour en détournant lante de propreté comme un intérieur de Gérard Dow; la tête! La vie, même la moins aventureuse, n'est qu'une elle vient à moi. Je lui dis, chapeau bas, que je désire suite de séparations, et, comme on l'a dit, de petites morts. visiter l'église; elle sourit sans répondre, et me présente J'avais demandé un commissionnaire. Le serviteur en une pancarte où je lis cette inscription en langue française: chef du Lion-d'Or, doux et pâle, prend ma valise et m'ac- « L'église, dite la Vieille, fut bâtie au commencement du compagne jusqu'à la station. « Il n'avait rien à faire à l'hô- quatorzième siècle. Elle est soutenue par quarante-deux tel, me dit-il. J'étais l'unique voyageur qu'on cût à y servir. piliers. Elle a 300 pas de long sur 25 de large. On voit Peut-être en viendra-t-il un autre par le prochain convoi. » d'abord (un) vitrage magnifique représentant les armes Un voyageur suffit au Lion-d'Or en automne. Ce n'est pas >> des bourgmestres de la ville depuis 1573; 2o une fenêtre que le vieil hôtel soit en décadence; il est toujours le meil- représentant Philippe IV, roi d'Espagne, qui, à la paix leur de la ville, et il faut voir comme il est peuplé pendant » de Munster, en 1643, déclara les sept provinces des Paysles mois des fleurs! Vers ce temps-là, on ne sait en vérité» Bas libres et indépendantes; 3° trois vitres, peintes par comment satisfaire tout le monde: aussi n'est-on pas fàché d'avoir des saisons de repos. » Le pauvre homme me raconte qu'autrefois il a été lui-même maître d'hôtel à Gand. Mais c'était pour lui une trop grande responsabilité. Il se trouve bien plus heureux sous le paisible empire de ses trois hôtesses, fille, mère et grand' mère, vivant comme lui de peu et se confiant à l'honnête et antique renommée de la maison. J'écoute avec plaisir ce sage discours. Il est rare et agréable de rencontrer un homme modeste et content de son sort.

De Harlem à Amsterdam, une demi-heure; à peine le temps de tirer un rideau sur le leegh-water, la statue de Coster, le veilleur de nuit, le sémonneur, le pont du Lait, le pharmacien étonné, et de me préparer à des impressions nouvelles.

Nous avons traversé un beau pont de fer sur le Spaarne, et aperçu à mi-chemin le château du bourg des Cygnes (Zwanenburg) où siégent les directeurs des digues.

Un omnibus emporte mon léger bagage à Brak's-Doelen Hotel, Doelenstraat. Je veux marcher en errant et mettre à profit les dernières heures du jour.

Je chemine le long d'un quai en regardant le golfe du Zuiderzee, Y. La mer reflète un ciel blafard; un vent froid et bas la couvre de petites rides jaunes. A mesure qu'en voyageant on avance vers le nord, on dirait, que la mer vieillit. A Baïa et à Sorrente, ô mes chers souvenirs! elle a seize ans.

Je me tourne vers la cité et m'arrête sur le Dam, où s'élèvent trois grands édifices: le palais du roi, vaste bâtiment carré en pierres, bâti, au dix-septième siècle, sur 13 659 pilotis; l'église Neuve, construite au quinzième siècle, et où l'on célèbre l'inauguration des rois; la Bourse, achevée en 1845, sur 34 000 pilotis, ornée de dix-sept colonnes, pauvres filles d'Ionie proscrites dans ce pays de tourbe et de briques! J'avais imaginé bien naïvement que je verrais les pilotis; mais le sol les contient et les couvre. J'entrerais volontiers à cette église (« neuve » depuis quatre siècles), où, suivant le Guide, j'aurais à voir une belle chaire en acajou sculptée et le tombeau de Ruyter; j'en fais deux fois le tour sans d-viner à quelle porte je dois frapper. Il serait bien simple de questionner un passant, mais ma langue est liée et mes lèvres restent closes; il n'est pas toujours facile de leur faire faire ce qu'on veut. J'ai bien souvent été honteux de leur obstination.

Et toutefois je crains toujours moins leur taciturnité que leur intempérance.

[ocr errors]
[ocr errors]

Digman, représentant l'Annonciation, la Visitation, le >> Massacre des innocents: au-dessus, un Temple magni>> fique, une Femme mourante tenant une chandelle allu» mée... >>

Je m'arrête; cette femme mourante que je regarde, c'est la Vierge. La pancarte est-elle ignorante ou trop discrète? Est-ce un inventaire fait, à contre- cœur, par un iconoclaste?

Les peintures de ces vitraux, de 1556 environ, sont loin d'être sans valeur et mériteraient d'être bien décrites; un nuage plus épais ou la nuit qui approche en augmente l'effet, mais ne me permet plus d'en étudier le détail.

Quelques pierres tombales encastrées dans les murs m'attirent. Voici le vice-amiral Abraham Van-der-Hüldst : il est couché et tient un sabre d'or; vis-à-vis, celui d'Isaac Swerin; plus loin, je rencontre les tombeaux de l'amiral Jacob Van-Heemskerk, tué, en 1607, à Gibraltar; d'un autre amiral, Van-der-Zaan, mort en 1665; du maréchal de camp Paulus Wirtz; et de deux riches époux que je ne connais guère, dame Lucrèce Van-Merken et Nicolaas Van-Winter. La vieille église est, comme on le voit, une sorte de Westminster-Abbey ou de Panthéon. Elle était jadis dédiée à saint Nicolas; c'est la plus grande des onze églises des réformés hollandais d'Amsterdam.

Il est trop tard pour songer encore au Musée. De détour en détour, j'arrive à la grande rue de la ville, la Kalverstraat. Elle est déjà remplie de promeneurs du soir, étrangers, célibataires oisifs, qui cherchent à tromper leur solitude et leur ennui en se faisant foule; ce sont des ombres qui se coudoient rien, à mon gré, ne paraît plus fastidieux. Je remonte ce Corso, long, étroit, irrégulier, et j'arrive à Brack's-Doelen Hotel. La première voix que j'y entends est celle de Bob. Le bon jeune homme harangue un serviteur; il lui recommande avec une certaine emphase de préparer à son ami Raph un lit plus doux que celui de la nuit dernière : « Non, certes, dit-il, un maître d'hôtel n'est pas obligé d'être lettré comme un académicien. Je ne suis pas si exigeant; je ne demande pas à M. Brack ou à M. Doelen (comment s'appelle-t-il?) de savoir par cœur, comme mon ami Raph, les Dialogues de Platon; il pourrait lui prendre envie de me réciter le grand et le petit Hippias, et je les connais. Mais qui ne sait qu'il y a une littérature spéciale à extraire de toutes les œuvres connues pour l'usage de chaque profession? Et quand on a l'honneur de gouverner l'un des premiers hôtels de l'Europe, est-il permis d'ignorer ces deux vers célèbres :

Qu'on est heureux de trouver en voyage Un bon souper et surtout un bon lit! » Cette fin du discours est chantée en basse-taille; des têtes étonnées s'avancent de toutes les portes du corridor. Le serviteur gourmandé semble être cloué sur le sol. Raph, un peu confus, tire Bob par la manche. J'aime rais mieux Bob un peu moins bruyant, un peu plus ou blieux des traditions de l'atelier; mais sincèrement j'ai plaisir à le revoir. Le ridicule du singulier type français que l'on appelle, souvent à tort, le commis-voyageur, est de parler beaucoup, bruyamment, à vide: il manque d'un fonds d'instruction sérieuse, et quel que soit son esprit naturel (s'il a de l'esprit), ses paradoxes sont communs, sa verve est stérile. Dès sa première tirade, il est apprécié à sa juste valeur, même par les étrangers. Bob a aussi le tort de s'esclamer. parfois trop étourdiment; mais il a étudié, médité; il a du bon sens, et il est rare qu'on n'ait pas à se souvenir utilement de quelques-unes de ses paroles. Ce qu'il nous dit, au souper, du profit que l'on pourrait tirer, dans tout métier, de la lecture des poëtes, est vraiment ingénieux. Ses citations, très - exactes, prouvent qu'il a beaucoup lu, et ses commentaires, qu'il a bien compris. Raph est maintenant fier de lui, et moi-même je comprends mieux leur amitié.

La suite à une autre livraison.

HISTOIRE DE LA SCULPTURE EN FRANCE.

PÉRIODE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE.

Nous avons déjà publié sur la sculpture en France un grand nombre d'articles et de gravures. Il nous a paru utile de compléter et de coordonner ces divers documents disséminés dans la collection. En esquissant une histoire générale de cet art dans notre pays, nous rattacherons, par des renvois, les monuments nouveaux que nous représenterons à ceux qui ont paru antérieurement, afin que ces divers travaux trouvent ainsi la suite et l'enchaînement qui leur ont manqué jusqu'ici.

I. LES ORIGINES.

Il semble que notre sculpture nationale ne prenne réellement rang parmi les arts qu'au treizième siècle, où elle nait avec l'architecture gothique du brillant épanouissement qui est l'honneur de cette époque. On peut toutefois commencer à en chercher les origines aux temps des Gaulois, des Romains et des Franks, bien que, pendant ces diverses périodes, l'étude des monuments sculptés appartienne surtout à l'archéologie, et ait plus d'intérêt au point de vue de l'histoire qu'au point de vue. de l'art.

Sculptures des races primitives de la Gaule.

A proprement parler, il n'y a pas de sculpture gauloise. Quelques statuettes contestables de divinités ('), les sculptures bizarres de Gavr'innis et de Rhuys, les bas-reliefs d'Entremont et du mont Donon (2), quelques objets de bronze (5), quelques monnaies, sont les seuls monuments sculptés que l'on croie pouvoir attribuer à ces époques reculées.

Les Gaulois n'étaient pas étrangers cependant aux arts

(1) Voy. t. VII, 1839, p. 93, une statuette en terre cuite conservée au Musée céramique de Sèvres.

(*) Voy. t. XXVI, 1858, p. 388.

(3) Voy. t. XVI, 1848, p. 200. Nous avons publié la gravure d'un sanglier gaulois en bronze. Le sanglier, et non le coq, était l'insigne national. Les Gaulois portaient un sanglier de bronze au bout d'une hampe, comme les Romains une louve.

du dessin; mais leur religion paraît leur avoir défendu de sculpter comme elle leur défendait d'écrire. On doit regretter que la statuaire n'ait pas été en honneur chez une nation dont les artistes avaient poussé la fabrication des monnaies ('), des bijoux et de l'orfévrerie à un si haut point de perfection, dès les troisième et deuxième siècles avant l'ère chrétienne. Le goût et la beauté des objets incontestablement orfévrés et émaillés par les Gaulois, contrastent tellement avec la laideur et la grossièreté sauvage de certaines sculptures attribuées jusqu'ici aux Celtes, qu'il est très-difficile d'admettre, à notre avis, que les uns et les autres aient été faits par le même peuple.

C'est à l'ethnographie de la Gaule qu'il faut demander, non pas une solution de ce problème, mais des faits généraux et probables, qui permettent à l'esprit d'établir quelques grandes divisions au milieu de ces obscurités.

Il est bien certain aujourd'hui que la Gaule a été habitée par des nations très-différentes qui vinrent s'y établir à plusieurs époques. On peut supposer qu'elle fut d'abord peuplée par des races sauvages, petites et à cheveux bruns, conquises et asservies plus tard par les races gauloises, plus civilisées ou plus aptes à la civilisation, belliqueuses, grandes et blondes, qui devinrent entièrement maîtresses du sol et des anciens habitants réduits en servage.

A quelle race appartenaient les habitants primitifs de lat Gaule? Nul ne le sait positivement. On croit qu'ils étaient Ibères, peuples de race finnoise qui paraissent avoir couvert toute l'Europe, et qui partout, sauf en Espagne (Ibérie), furent soumis par la race indo-européenne, ici par les Gaulois, là par les Germains et les Scandinaves, les Slaves et les nations italiques. Ce seraient ces populations primitives, et non pas les Gaulois, qui, à des époques très-anciennes, auraient construit les monuments que nous appelons à tort monuments druidiques ou celtiques, et que l'on trouve (à ne parler que de l'Europe) dans la Suède, le Danemark, les îles Britanniques, le nord de l'Allemagne, la Hollande, la France, le Portugal, en Corse et en Crimée, en général sur le bord de la mer ou le long des grands fleuves. Ces populations étaient sauvages et vivaient de la chasse et de la pêche, comme le prouvent les objets trouvés dans les dolmens, et qui consistent en haches, pointes de flèches, de lances ou de harpons, en silex et en os, et d'une fabrication grossière.

C'est aux populations primitives qu'appartiennent évidemment les grossières idoles en bois sculpté trouvées dans les tourbières des environs d'Abbeville par M. Boucher de Perthes, et dont nous reproduisons quelques échantillons, d'après les planches de son ouvrage (). Plus tard, ces peuplades sauvages, faisant quelques progrès vers la civilisation et ayant à leur usage des instruments de bronze et de fer, construisirent quelques dolmens sculptés. Les plus célèbres sont ceux de New-Grange en Irlande, celui de Gavr'innis, et la tombelle de Rhuys dans le Morbihan. D'après quelques érudits (3), le monument de Gavr❜innis, dont nous représentons deux pierres (p. 212), ne serait pas gaulois; il serait dû à ces races primitives et probablement finnoises qui ont peuplé la Gaule à l'origine. Comme on le voit, il s'agit ici de nos antiquités les plus reculées.

Tous les blocs de granit qui forment les parois du mo

() Voy. au t. XXI, 1853, p. 136, notamment des gravures de monnaies arvernes en or et en argent, représentant Vercingétorix, ou plus exactement Apollon avec le nom du roi arverne. On peut juger par ces monnaies de l'habileté des artistes de Gergovie.

(*) Antiquités celtiques et antediluviennes, 2 vol. in-8. (*) Nous adoptons en partie, sur ce point, les opinions du savant antiquaire danois M. Worsaae, inspecteur des monuments historiques de Danemark.

« PreviousContinue »