Page images
PDF
EPUB

Le glorieux empereur du Kanub, Momotambo, quatre-se marient entre eux ne tarde pas à dépérir, car les petits vingt-dix-neuvième du nom, qui songe toujours au bien de défauts du corps se transmettent de l'un à l'autre, s'augses sujets quand il n'a rien de mieux à faire, proposa der- mentent toujours et finissent par détruire la race. Tout le nièrement la question suivante aux savants de ses États: monde sait bien que cela arrive aussi parmi les animaux. Par quels moyens les habitants d'une commune pourraient- 3o On établira dans la commune beaucoup de cabarets, ils s'enrichir sans peine et sans travail? Le prix destiné à afin que les habitants puissent s'enivrer régulièrement celui qui indiquerait ces moyens devait être 100 pièces d'or. chaque jour, ou au moins une fois par semaine. J'ai résolu la question à ma manière: ma réponse a eu l'agrément de l'empereur; et, ce qui vaut encore mieux, j'ai gagné les 100 pièces d'or.

Voici comment j'ai expliqué la chose :

Tout le monde sait qu'il tombe du ciel de l'eau, de la neige et de la grêle, mais qu'il ne pleut ni des liards ni des écus il n'y a personne qui nie cela.

Mais comme le nombre des hommes augmente tous les jours, il est naturel que l'argent se trouve, tous les jours, divisé en un plus grand nombre de sacs: ainsi donc, moins il y aurait d'hommes sur la terre, plus chacun d'eux serait riche, puisqu'il aurait la part des autres.

En conséquence, je propose les mesures suivantes à toutes les communes dont les habitants voudront faire fortune sans peine et sans travail.

1o A dater de ce jour, jusqu'à celui du jugement dernier, on n'admettra plus aucun étranger à faire partie de la com

mune.

Il est bien vrai que plus un endroit est populeux, plus le commerce et l'industrie y fleurissent; plus l'argent y abonde, et plus les pauvres ont occasion d'en gagner; plus les ouvriers travaillent bien, plus les marchandises sont de bonne qualité et à bas prix parce que les acheteurs peuvent choisir leur marchand, et plus on supporte aisément les impôts parce qu'ils sont divisés entre beaucoup de personnes je conviens que tout cela est vrai.

Mais il est vrai aussi que lorsqu'on n'admet aucun nouveau venu dans une commune, on peut espérer de voir s'éteindre des familles, d'en voir d'autres aller s'établir ailleurs, enfin de voir diminuer le nombre des habitants or, moins il y en a, et plus la part de chacun est grande; et s'il ne restait, par exemple, que deux familles dans un village, ces deux familles posséderaient à elles scules tous les champs, tous les bois, toutes les prairies et tout l'argent; et si le pays prenait ce parti-là, au bout de quelque temps il n'y aurait plus, à la vérité, qu'un tout petit nombre d'hommes, mais ce seraient tous des hommes riches. Ils seraient si riches, qu'aucun d'eux ne pourrait habiter toutes les maisons ni cultiver tous les champs; il faudrait aussi que chacun d'eux fût à la fois son tailleur, son cordonnier, son tisserand, son serrurier, son maçon, son boulanger, etc.; cela ne serait pas bien commode, mais du moins on serait riche. C'est déjà plaisir de voir aujourd'hui dans quelques endroits les ouvriers être en même temps laboureurs; on a beau demander et offrir de l'argent, on ne trouve pas de bonne marchandise, parce qu'il y a trop peu d'acheteurs et que les marchands ne peuvent pas renouveler leurs provisions. C'est déjà un bon commencement pour devenir riches.

Cependant, comme cela va trop lentement, et qu'il faut que beaucoup de gens meurent pour que les autres héritent, je fais encore d'autres propositions :

20 On n'épousera jamais d'étrangers; l'on mariera entre eux les cousins et cousines, oncles et nièces, neveux et tantes. Il arrivera d'abord que l'argent ne sortira pas des familles; ensuite, rien n'est plus propre à les détruire en peu de temps que de marier entre eux des proches parents. Les enfants qui viennent de ces mariages sont de plus en plus faibles, parce qu'ils héritent des infirmités et des germes de maladies de leurs familles ; ce qui n'arrive pas lorsqu'on épouse des étrangers bien constitués, parce que le sang de l'un améliore celui de l'autre. Une famille dont les enfants

Le vin, et surtout l'eau-de-vie, quand on en boit beaucoup, gåtent peu à peu tous les bons sucs qui se trouvent dans le corps et produisent une quantité de vilaines maladies. Il est rare que les ivrognes aient des enfants bien portants et qui vivent longtemps. Établissons beaucoup de cabarets, on ne s'imagine pas combien cela peut faire mourir de monde.

4° On laissera la bouc et les ordures dans les rues, et le fumier devant les portes; l'on ne nettoiera que rarement les maisons.

Il est vrai qu'au commencement cela produit des exhalaisons qui n'ont pas bonne odeur; mais on en est quitte pour se boucher le nez d'ailleurs, en revanche, au printemps et à l'automne, on a le plaisir de voir se déclarer des maladies épidémiques qui enlèvent une foule de gens pour le profit des héritiers. Quand il pleut, le jus du fumier, qui vaut de l'or, coule dans les rues et forme de jolis ruisseaux dorés très-agréables à la vue. Cela coûte cher, mais c'est un plaisir que peuvent se donner les gens riches. C'est bon pour des gueux de ménager les engrais en mettant le fumier dans de bonnes fosses étanches et sous

Tout ce que je viens de conseiller ici, dans mon humble sagesse, j'ai eu le plaisir de le voir dans beaucoup de villes et de villages, et je puis assurer les communes qui ont envie de suivre mes avis que partout on en obtient les résultats les plus favorables pour la diminution rapide de la population.

Je pourrais encore indiquer bien d'autres mesures tout aussi utiles; mais quand on montre aux gens trop de choses à la la fois, ils ne font rien du tout. C'est assez, pour aujourd'hui, des quatre avertissements que j'ai donnés; si on les suit comme il faut, je parie mes 100 pièces d'or qu'on verra bientôt l'herbe pousser dans les rues des plus grands villages. (')

[blocks in formation]

Le peintre nous transporte en plein seizième siècle, non pas au milieu de ses scènes de lutte et de désordre, à ses heures de trouble et de passion, mais dans sa grandeur paisible, dans la douce et grave intimité de la vie domestique. C'est ici une famille noble et riche, pieuse et aimant les arts. Elle est rassemblée autour de la table servie. Tous sont présents; mais avant de commencer le repas, il faut remplir un saint devoir, il faut remercier Dieu et implorer son aide. Le silence se fait, et le chapelain prononce le Benedicite. Tous sont restés debout; le chef de la famille

(') D'après Zschokke.

[merged small][merged small][graphic][merged small][merged small]

Salon de 1859; Peinture. Le Benedicite, par Chevignard. - Dessin de Chevignard.

ce qu'ils peuvent donner, leur pensée ne sort pas du cercle des choses qui les entourent et qui excitent leurs naïfs désirs. Le plus petit, dont la tête dépasse à peine le niveau ́ de la table, n'a d'yeux que pour les plats dont tout à l'heure il aura sa part; sa sœur, plus grande, mais en core à cet âge où tout n'est qu'occasion de jeu et prétexte de rire, se détourne furtivement pour regarder le chat qui, encouragé par l'exemple de l'épagneul son commensal, se glisse discrètement dans la salle à manger. Mais la famille ne serait pas complète, ou du moins ne croirait pas remplir son devoir, si les domestiques de la maison n'assistaient pas au Benedicite. Ils sont debout, au fond de la salle, immobiles et silencieux, en attendant qu'ils aillent se placer derrière les siéges de leurs maîtres. L'un d'eux est du même âge que le chef de la famille; sans doute il lui a servi d'écuyer à la guerre, puis il a élevé ses fils; maintenant encore il donne des conseils et on l'écoute; il gronde même parfois les jeunes gens, qui seront toujours des enfants à ses yeux. Surtout il a l'eil sur les autres domestiques i les dirige, les gourmande, et leur enseigne le respect du nom, des gloires et des traditions de la famille. Ne serait-ce que par vénération pour son maître, il croit et prie avec lui.

Nos lecteurs connaissent depuis longtemps le crayon habile de M. Chevignard; cette composition distinguée, par laquelle il s'est signalé au dernier salon, l'a classé au rang des artistes consciencieux, pleins d'amour et de respect pour l'art qu'ils cultivent, et appelés à l'honorer par de légitimes succès.

LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ANGLETERRE.

et le moyen d'intervenir dans la direction et les tendances des publications, seraient de nature à y exercer une influence utile. Si la définition que nous avons donnée tout à l'heure est exacte, la littérature populaire doit être considérée, en effet, comme constituant un véritable service public, et, pour ainsi dire, une ramification des écoles primaires.

C'est en Angleterre, vraisemblablement par suite de l'usage de la Bible, qui rend la lecture obligatoire pour toutes les classes, et de la grande extension de l'industrie, qui augmente d'une manière notable la proportion de la population des villes, que s'est constituée pour la premiére. fois, d'après un plan systématique, la littérature populaire, non point avec l'appui du gouvernement, mais avec celui de ces grandes associations privées qui jouent dans l'économie générale de ce pays un rôle si capital; et la trace de l'un des hommes d'État les plus considérables de la nation y est marquée d'une manière durable. Il y a trentecinq ans qu'à l'instigation de lord Brougham, et pour suppléer autant que possible à l'insuffisance de l'éducation scolaire, se fonda à Londres une société dite des connaissances utiles. Son but principal, comme l'indiquait, dans le manifeste adressé à cette occasion aux ouvriers et aux patrons, l'homme d'État que nous venons de nommer, était d'encourager la publication d'ouvrages propres à aider chacun à l'éducation de soi-même, self education. Tout ce que s'était proposé cette société lui réussit au delà même de ses espérances. Grâce à son activité et à ses secours, le public fut mis assez promptement en possession d'une collection complète de traités sur toutes les parties des sciences et de leurs applications, écrits pour la plupart avec une telle recherche de simplicité et de clarté que tout homme désireux de s'instruire était désormais le maître d'y réussir, moyennant un peu d'intelligence et de volonté; et en même temps, condition non moins indispensable, le prix de ces traités joints aux cartes et aux planches propres à en faciliter la lecture, se trouvait réduit à un chiffre tel que les plus médiocres économies étaient assurées d'y pouvoir atteindre. Mais on ne tarda pas à reconnaître que, pour aider l'instruction à pénétrer dans le sein des classes que l'on avait en vue, aux traités scientifiques il était nécessaire d'adjoindre quelques ouvrages d'une forme moins aride et mieux faits pour décider à la lecture. Au principe de l'instruction on adjoignit donc, dans une certaine mesure, celui de l'amusement, et l'empressement des lecteurs de tout âge prouva presque aussitôt que l'on venait, en effet, de donner satisfaction à une tendance essentielle.

Il a existé de tout temps et chez tous les peuples une littérature populaire chantée, racontée ou écrite, et destinée à la satisfaction des classes inférieures; mais c'est à notre siècle qu'appartient la gloire d'avoir créé la littérature populaire proprement dite, c'est-à-dire ayant la conscience de sa condition spéciale et de son but, et tendant par des procédés déterminés à propager des connaissances solides dans ces masses immenses de population rurale et manufacturière qui en sont communément trop peu douées. La condition spéciale de ce genre de littérature est la simplicité jointe à une ferme moralité, et son but est de suppléer aux défauts de l'enseignement primaire en fournissant aux esprits tous les éléments nécessaires à leur développement, et en les élevant même plus énergiquement qu'aucune autre C'est à cette heureuse idée de l'alliance la plus intime méthode, moyennant l'appel aux forces propres de l'indi- des connaissances scientifiques et littéraires que doit naisvidu, loin du secours des maîtres, dans la solitude de la sance la publication populaire connue sous le nom de Penny lecture. Ce mode d'éducation offre sans doute beaucoup plus Magazine (Magasin à deux sous), et qui a servi de modèle, de difficultés que celui qui est fondé sur l'institution des à certains égards, à notre Magasin pittoresque. L'action de écoles et les leçons orales; mais il a d'autre part, outre lord Brougham, secondé par M. Hill, juge à Birmingham, l'avantage que nous venons d'indiquer, celui d'être beau- fut également ici toute-puissante, et il est à croire que ce coup plus économique, de se prêter beaucoup mieux aux service rendu à la condition sociale des classes ouvrières exigences diverses de la vie, et de s'appliquer par consé- sera suffisant pour la consécration durable de son nom. quent à un public beaucoup plus nombreux, et à l'âge mûr On peut dire que le grand Leibniz, qui sur tant de points tout aussi bien qu'à l'enfance et à la jeunesse. Son impor- a devancé son siècle, avait déjà eu l'idée de publications tance pour l'ordre et le bonheur des sociétés est donc évi- de ce genre lorsqu'il demandait pour l'usage du peuple des dente, et la logique semblerait exiger que, dans les pays où dictionnaires dans lesquels l'image de l'objet se trouverait les gouvernements consacrent annuellement une partie de partout à côté de son histoire; mais il ne se serait certaileurs ressources à l'enseignement élémentaire, ce complé-nement jamais douté du degré de perfection auquel il dement essentiel de l'instruction des classes inférieures ne demeurât pas aussi étranger qu'il l'est d'ordinaire à la sollicitude de l'État.

Bien que l'industrie privée trouve généralement assez de profit dans l'exploitation de cette branche de la librairie pour s'en charger, il est incontestable que les encouragements de la puissance sociale, en donnant à celle-ci le droit

viendrait possible de porter ces instructives images. Ç'a été là une des merveilles du bon marché, car c'est par le bon marché que l'on est arrivé aux multitudes, et par les multitudes que l'on est parvenu à réunir autour des œuvres de librairie les plus modestes les plus grandes sommes. L'art même de la gravure sur bois, stimulé par des encouragements plus considérables qu'il n'en avait reçu à aucune

époque, s'est élevé rapidement à une délicatesse qu'il n'avait jamais connue; et l'on vit pour la première fois, chose bien digne d'être admirée, même aujourd'hui que nous en sommes coutumiers, des gravures payées plus de mille francs, et consacrées à l'ornement d'une brochure mise en circulation au prix de deux sous. Aussi la vogue du Penny s'éleva-t-elle dés ses débuts à des proportions inusitées; en peu de temps son débit atteignit le chiffre de deux cent vingt mille exemplaires, ce qui devait, selon toute apparence, représenter un total d'au moins un million de lec

teurs.

tures et des passions, en un mot, par des romans. Or il était manifeste en même temps qu'il y avait un grand danger à ce que ces personnes fussent abandonnées sans remède à l'influence des publications plus ou moins délétères de cette nature, qui se trouvaient versées dans le public en dehors de la Société; et même, plus ces personnes marquaient par là de légèreté, plus il était essentiel de les conquérir et de fortifier en elles le sentiment du bien, même sous les formes qui trop souvent ne servent, au contraire, qu'à l'égarer. Dans ce but, dit lord Brougham, un ordre particulier de publications fut établi par nous. Une portion du texte consistait en récits d'imagination, tandis que le reste se

[ocr errors]

grand soin avait été pris tout naturellement pour exclure de la partie fictive de ces recueils tout ce qui pouvait être propre à exciter les mauvaises passions de n'importe quelle espèce, ou à blesser de si loin que ce fut les principes de religion et de moralité. Mais ce n'était encore là qu'un mérite négatif. Le but de toute publication de ce genre, qu'il s'agisse de fiction ou de description, doit être d'aider au développement des sentiments bons et vertueux, et de réveiller dans les âmes le véritable esprit de la piété, et, soit dit en passant, plutôt en démontrant la thèse que l'on se propose par le mouvement même de l'action et des personnages mis en scène que par la voie directe des conseils et des prédications.

[ocr errors]

Cet énorme succès ne pouvait manquer de susciter des concurrences, et bien que leur effet inévitable dût être d'ap-composait d'esquisses historiques ou biographiques. Le plus porter une certaine réduction dans le débit du Penny Magasine, la société qui l'avait fondé, bien différente à cet égard d'un spéculateur ordinaire, ne put que s'applaudir d'une telle rivalité. Elle avait donné l'exemple, et son exemple était suivi; elle avait semé, et sa semence germait d'elle-même et prospérait. L'influence d'une idée aussi féconde ne devait même pas rester limitée à l'Angleterre. Elle renfermait en elle quelque chose d'assez général pour convenir à toutes les sociétés devenues assez civilisées pour vouloir l'amélioration morale et intellectuelle de tous leurs membres; et aussi la vit-on s'étendre peu à peu, d'abord à la France, puis à l'Allemagne, à l'Italie, finalement à tout le continent. Tous nos lecteurs savent, et nous aimons à le rappeler, que c'est au Penny Magazine que notre- Malgré la multiplication rapide des entreprises de roMagasin pittoresque, première publication de ce genre qui mans illustrés qui s'est produite chez nous dans ces derait paru en France, doit son origine; et nous ne saurions nières années, et de laquelle font suffisamment foi les dedonner place ici à ce souvenir sans y joindre celui de feu vantures de nos étalagistes, il faut convenir que le goût de la Lachevardiere, qui, après avoir pris l'idée de cette en- littérature est encore loin d'être aussi généralement répandu treprise dans un voyage en Angleterre, en 1832, en fut dans nos classes ouvrières que dans celles de l'Angleterre ; parmi nous le premier éditeur. Proportion gardée, vu la et cependant ces entreprises ne se font pas faute de sollidifférence dans les habitudes de lecteur des deux pays, et citer les lecteurs par les séductions les plus vives du genre la différence correspondante qui a dû en résulter dans de littérature auquel elles se rapportent. Mais quel changel'esprit de la rédaction, on peut dire que la faveur du pu- ment s'opérerait dans leur situation s'il leur était possible blic fut ici la même que de l'autre côté du détroit. La vente de disposer, pour le perfectionnement de leur industrie, de de notre Magasin s'éleva en effet, dès ses commencements, sommes aussi considérables que celles qui sont employées à plus de cinquante mille exemplaires, chiffre que les jour- dans les recueils analogues de l'Angleterre, et surtout si naux politiques eux-mêmes ne connaissaient pas encore à quelques-unes au moins, à l'instar de ce qui a lieu chez nos cette époque; et son succès eut également pour résultat de voisins, se trouvaient soumises à une autorité morale aussi susciter des concurrences qui servirent, chacune à leur ma-ferme! On ne sait que trop combien il s'en faut que le pronière, à propager le goût, si salutaire et cependant si gé-gramme tracé par lord Brougham soit le leur. Bien que de néralement négligé chez nous, de la lecture.

toutes les récréations auxquelles peuvent s'adonner dans
leurs rares loisirs les classes ouvrières la lecture soit à
coup sûr la meilleure, il doit résulter de celle de la plupart
des romans qui ont été mis de la sorte entre les mains du
peuple des troubles moraux si déplorables qu'on ne saurait
trop regretter que la littérature populaire n'ait pas suivi
chez nous une marche aussi régulière que celle dont nos
voisins nous ont donné l'exemple. Il serait temps que chez
nous, comme chez eux, il pût se constituer une grande et
opulente association ayant pour but,
non de
pousser aveu-
glément, comme de simples éditeurs, à la lecture, mais de
pousser à la moralisation par la lecture; car autrement, s'il
n'y a moyen de déterminer les personnes peu instruites å
vaincre leur répugnance ordinaire pour les livres qu'en
allumant leur imagination par la mise en scène des plus
détestables passions comme des plus détestables aventures,
il sera permis de se demander si la bonté du but n'est pas
entièrement dénaturée par la perversité du moyen.

Les concurrences du Penny Magazine se portèrent principalement sur une branche de littérature à laquelle ce recueil n'avait pas cru devoir payer tribut, et qui, comme ne l'apprend que trop l'expérience de tous les temps, est la plus propre à exercer de la séduction sur les imaginations populaires c'est assez nommer la littérature romanesque. Indépendamment des articles de science, d'industrie et d'histoire. naturelle, le Penny Magazine n'avait guère soutenu la variété de sa rédaction que par des fragments d'histoire, des esquisses biographiques, des considérations sur les beaux-arts. Sans doute, rien ne lui eût été plus facile que de combler la lacune qui se faisait sentir dans son ensemble en élargissant convenablement ses cadres, ainsi qu'on a été conduit peu à peu à le faire pour notre Magasin; mais la société qui le dirigeait préféra donner satisfaction d'une manière plus complète au goût dont il s'agit, et fonda en conséquence une classe spéciale de publications exclusivement consacrée aux œuvres d'imagination. Il lui avait parut démontré qu'une catégorie nombreuse de lecteurs, quelques efforts que l'on pût faire pour angmenter l'intérêt et la variété du Penny, n'y trouverait jamais une séduction assez vive pour se décider à entreprendre Cette couronne est une de celles qui ont servi, en 1741, de le lire, trop peu sérieuse pour être jamais captivée au couronnement de la tzarine Elisabeth Ire, fille de autrement que par des récits roulant sur le jeu des aven-Pierre Jr. On sait que pendant ce cérémonial symbolique

UNE COURONNE RUSSE.

les souverains russes ceignent tour à tour leur front de plusieurs couronnes. Parmi celles qu'on a figurées dans le bel atlas des Antiquités de l'empire de Russie ('), aucune ne donne l'idée de plus de richesse et d'éclat que le dessin reproduit par notre gravure. Il ne paraît pas que cette couronne ait été conservée intacte au trésor du Kremlin. Probablement, à une époque qui n'est pas connue, on en aura démonté les rubis et les diamants pour les disposer d'autre manière, suivant un caprice ou un goût plus modernes. Assurément, le nom de l'impératrice qui a posé un instant sur sa tête ce magnifique joyau, n'évoque point des souvenirs de pureté et de vertu. Au milieu du dernier siècle, la cour de Pétersbourg ne donnait pas au monde des exemples plus édifiants que celle de Versailles; il semble même que le trône y ait été encore plus avili, car ce furent deux femmes (Élisabeth Ire et Catherine II) qui exposèrent de si haut, au mépris du monde, le spectacle des désor

dres les plus honteux. On rapporte qu'Élisabeth Petrowna s'enivrait tous les soirs : elle entrait alors dans des fureurs étranges. Pour être en mesure d'obéir promptement à ses impatiences, ses dames d'honneur avaient le soin de la vêtir de robes qu'elles avaient seulement faufilées et non cousues, afin de la déshabiller d'un coup de ciseaux et de pouvoir la porter sur sa couche à l'instant même où elle en exprimait le désir. Il ne peut nous convenir de rien dire de plus de sa vie. Ajoutons seulement qu'elle était trèssuperstitieuse. « Un jour, dit Levesque dans son Histoire de Russie, elle s'indigna de la langueur des opérations contre le roi de Prusse. Elle fit dresser un ordre à ses généraux de ne plus épargner ce fier ennemi. Elle allait signer; mais une guêpe se noya dans l'écritoire. A ce présage funeste, elle fremit, la plume lui tomba des mains; l'ordre ne fut point expédié, et ses armées continuèrent d'agir avec la même lenteur. « Elle tremblait à l'idée de la mort il était sévé

[graphic][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »