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encore plus ou moins sous l'influence du fléau. A Harlem même, depuis les premières années du desséchement, la mortalité a augmenté; mes hôtes du Lyon-d'Or ont, j'es

moitié de la garnison était dévorée par la fièvre.

d'enceinte l'eau attirée emplissait ce fossé, d'où elle se déversait dans le canal. Les plates-formes du chauffoir et de la tourelle sont crénelées. Les ouvriers étaient peu nombreux; aucun ne leva la tête vers moi et ne me pro-père, exagéré le mal lorsqu'ils m'ont assuré que plus d'une posa de me conduire. Sans faire aucune question, je regardai de côtés et d'autres à loisir, puis je montai sur la Au retour, je me suis sottement créé un remords. En tour, qui a vingt pas de diamètre. De là, je contemplai le passant la première fois sur le lac, j'avais été frappé de la lit du lac desséché. Ce fut un de ces quarts d'heure pleins physionomie d'un des deux bateliers : il avait des yeux de et puissants qui valent des mois entiers de la vie ordinaire, et taureau, la figure dure, les cheveux rouges, l'encolure d'un sont très-rares, même en voyage. Je ne pouvais ni ne voulais Hercule; il paraissait bien malheureux. Par suite d'une disme défendre d'une sérieuse émotion devant ce grand et noble position à la méfiance, trop commune en voyage, j'avais spectacle du triomphe de la volonté humaine. Aussi loin chargé mon petit cocher de payer lui-même le prix du pasque mes regards pouvaient atteindre, je voyais les témoi- sage. La seconde fois, l'air misérable du batelier me serra gnages de l'intelligente ardeur qui, depuis quelques années, de nouveau le cœur je vois encore son salut timide, où je s'applique à transformer tout ce sol, nouvellement conquis, devinais une prière; j'eus bien l'intention de faire ce que en champs et en pâturages fertiles. Çà et là de petites je devais, et même le plus libéralement possible. Mais j'écolonnes de fumée sortaient de petits toits de briques ou de tais très-enveloppé, et, tandis que je cherchais quelques chaume. Des chèvres, rares, isolées, paissaient prés de pe- florins, déjà la voiture roulait à terre, et le bac repartait tites haies. De petits arbres commençaient à sortir de terre. pour l'autre bord. Qu'importait? J'aurais dù arrêter la voiDes teintes différentes marquaient légèrement la diversité ture, rappeler le bac. Quoi de plus simple? Je n'aurais des cultures ici le blé, plus loin le colza, ailleurs la prai- certes pas hésité si le vent eût jeté mon chapeau à terre, rie; vers l'horizon, j'aperçus un petit clocher d'église qui et s'il avait eu cette bonne idée, il m'aurait rendu ser vice. faisait songer à un mât de navire; ce devait être là le milieu Ces lenteurs de résolution et d'action, en pareilles cirdu lac. Comme M. Esquiros, je remarquai aussi de blancs constances, sont pitoyables: je le sentis bien à l'aiguillon oiseaux aquatiques qui tournoyaient, semblables à des voya- qui me perça secrètement jusqu'à Harlem. Si quelque voyageurs égarés, au-dessus de l'ancien lit du Haarlemmer- geur lit ces lignes, et si, allant au leegh-water il reconnait meer. Quelques cultivateurs, pauvres et courageux émi-le pauvre homme au portrait que je viens d'en faire, je le grants au milieu de la mère patrie, travaillaient de distance en distance dans la solitude. En leur extrême vieillesse, ils pourront dire à leurs enfants : « Avant nous, il n'y avait rien ici. Tous ces arbres, nous les avons plantés; nous avons semé les premiers grains de ces riches moissons. De nous datera l'histoire de cette terre nouvelle, qui doit sa fertilité à nos sueurs et que consacreront nos tombeaux. »>

Je redescendis, et je me trouvai en face d'un homme jeune encore, vigoureusement constitué, à la figure pâle, à l'œil vif, et dont la physionomie très-intelligente invitait å la sympathie. C'était le chef des travaux du leegh-water. Il est Anglais, et il m'a montré, avec quelque satisfaction, ces mots inscrits sur la machine :

HARVEY AND CO

MAKERS

HAYLE FOUNDRY
CORNWALL

ENGLAND.

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Ma curiosité a trouvé ample satisfaction dans les complaisantes réponses de cet étranger. Je lui ai demandé de quelle utilité pouvait être encore la machine; il a souri, et, étendant la main vers l'immense polder, m'a dit dans un anglais très-expressif : « Sans le leegh-water, cette jeune terre serait fort embarrassée pour vivre c'est une enfant; il lui faudra longtemps encore une gouvernante. Elle ne sait ni absorber l'eau, ni la laisser se dissoudre en vapeur, ni la prendre, ni la garder, ni la rendre. Aux temps de pluie, elle redeviendrait lac, si le leegh-water ne lui venait en aide promptement et ne la soulageait de ce que les nuages lui ont versé de trop en le reportant dans le canal; en été, elle ne serait plus qu'un désert aride, si, au contraire, le leegh-water ne reprenait au canal ce qui est nécessaire pour l'arroser. Il se passera bien des années avant qu'elle ait appris à se conduire suivant ses intérêts; mais nous arriverons peu à peu à faire son éducation. »>

La pâleur mate de mon interlocuteur me donna un soupçon. Ce desséchement n'avait-il pas été une cause de fièvres? L'expression de l'Anglais devint très-sérieuse. Il avait souffert sans doute, et peut-être quelques-uns de ses compatriotes, de ses frères, avaient-ils été les victimes de ce grand labeur. J'appris que les villages voisins étaient tous

supplie d'acquitter ma dette. L'espoir que cet appel peut
être entendu et ce vœu exaucé, m'est de quelque soula-
gement.
La suite à une autre livraison.

LA SCIENCE EN 1859.
Voyez les Tables des années précédentes.

SCIENCES NATURELLES.

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Génération spontanée. La plupart des physiologistes admettent que, depuis la création jusqu'au moment actuel, la vie s'est communiquée par une chaîne non interrompue d'êtres qui en ont été successivement possesseurs, et que la matière brute ne saurait s'organiser de façon à constituer un animal ou une plante, si elle n'est soumise à l'influence d'un être vivant ou d'un germe qui en provient.

D'autres, au contraire, ont soutenu que la matière inerte, placée dans certaines conditions physiques et chimiques, était apte à prendre vie sans le concours d'un être géné– rateur; que les animaux et les plantes pouvaient se constituer de toutes pièces.

Le désaccord, on le conçoit bien, ne porte pas sur les êtres placés aux degrés supérieurs de l'échelle animale. Il n'est pas un naturaliste qui prétende qu'à notre époque un cheval ait été spontanément créé, et soit sorti de la matière brute en bondissant. Le débat porte sur les animaux infé– rieurs, dont l'organisation plus simple permet, sans une absurdité aussi choquante, de concevoir la formation par la rencontre heureuse de leurs éléments.

Quand on suit l'histoire de la question, on voit que les êtres dont la production spontanée a été admise étaient, dans les premiers temps, des êtres assez complexes. Au dix-septième siècle, les vers qui fourmillent dans la viande putréfiée étaient encore regardés comme provenant d'une génération spontanée; mais Redi fit voir qu'ils devaient leur origine à un insecte qui venait déposer ses œufs dans ce milieu favorable à leur développement.

Ce qui est facile à constater quand il s'agit d'animaux aussi gros que la mouche à viande, l'est beaucoup moins quand il est question de ces animalcules que le microscope

seul peut nous faire apercevoir, et dont les germes échap- | des dernières particules élémentaires atteintes par nost pent, par leur petitesse, à nos moyens d'observation. C'est moyens d'investigation. actuellement sur ces animalcules que porte la discussion. On les voit se développer partout où l'eau et les matières organiques désagrégées se trouvent réunies; ils peuplent d'une foule immense le milieu favorable qui, en quelque lieu qu'il soit, n'échappe pas à leur production. Ces êtres apparaissent même quand, dans le voisinage, aucun être semblable à eux ne peut être observé.

Pour expliquer ce développement, les adversaires de la génération spontanée admettent que les germes de ces animaux sont répandus en nombre immense dans la nature, qu'ils flottent dans l'atmosphère comme le font les poussières les plus fines, qu'ils se déposent à la surface de tous les corps en contact avec l'air, mais qu'ils ne se développent que là où ils trouvent les conditions favorables.

Comment résoudre la question? Les uns disent: Les germes n'existent pas, nul ne les a vus; les autres répondent: Ils existent, mais ils sont trop petits pour être vus, même au microscope.

Ces études sur la physiologie des infiniment petits, qui caractérisent la tendance actuelle, se sont multipliées avec rapidité. Parmi les appareils qui constituent l'organisme, le système nerveux, à cause de son importance, a spécialement occupé l'attention des anatomistes et des physiologistes. Cette année, l'Académie des sciences a distingué et couronné un travail de M. N. Jacubowitsch sur la structure interne du cerveau et de la moelle épinière. M. Cl. Bernard a été chargé d'exposer à la séance solennelle les nouveaux résultats. C'est à son rapport que nous empruntons notre résumé.

L'auteur, M. Jacubowitsch, s'est appuyé sur des résultats physiologiques déjà obtenus. On savait que des nerfs spéciaux (nerfs de la sensibilité) transmettent au centre nerveux les sensations produites par les agents extérieurs; que d'autres (nerfs du mouvement) portent aux organes les ordres qui émanent du centre; enfin, on savait aussi qu'il existe un système nerveux particulier (système ganglionnaire) chargé du mouvement des organes dont le jeu est indépendant de notre volonté, par exemple, du cœur. On avait

M. Pouchet a fait des expériences dans ce but: il mettait dans un espace limité l'eau et la matière organique nécessaires, et il portait le tout à une température de 100 de-même étudié la structure des nerfs dont les fonctions sont grés, qui, suivant lui, devait tuer tous les germes. L'appareil fermé et refroidi fut abandonné à lui-même, et les animaux infusoires n'ont pas tardé å apparaître.

M. Milne-Edwards s'est élevé contre ce résultat; il essaya de prouver que la matière organique n'avait pas été probablement chauffée à 100 degrés, comme le croyait le savant observateur; et, d'ailleurs, il fit remarquer que, d'après les expériences de M. Doyère, des animaux inférieurs pouvaient être portés jusqu'à 140 degrés, desséchés complétement, réduits à un état où ils semblaient privés de vie, et cependant renaître et reprendre leur existence quand ils venaient au contact de l'eau. Enfin, il cita quelques expériences inédites qui lui étaient propres, et où il fit voir qu'ayant opéré à peu près comme M. Pouchet, mais ayant tué sûrement les germes, il n'avait jamais vu la vie se développer.

M. Payen vint appuyer les expériences de M. MilneEdwards par d'autres analogues. MM. Cl. Bernard et Dumas parlèrent dans le même sens. Enfin M. de Quatrefages fit connaître les expériences directes qui lui avaient permis d'apercevoir dans les poussières flottant dans l'air des infusoires, et probablement aussi des germes d'infusoires.

On peut dire encore qu'aucune expérience incontestable n'a mis en évidence un fait bien démontré de génération spontanée.

Système nerveux. Les phénomènes de la vie produits par le jeu des organes ne peuvent être expliqués que par les propriétés de ces organes, dont ils sont l'expression la plus rigoureuse. C'est ce que les physiologistes ont compris dès l'origine de la science; et tous leurs efforts ont eu pour cbjet l'étude des phénomènes vitaux, et la recherche de la relation qui unit l'organe avec la fonction qu'il remplit. Au début, cette recherche du rapport nécessaire entre l'organe et la fonction a porté sur les phénomènes les plus saisissables et pour les parties du corps les plus grossières dont l'étude ne dépassait pas les limites du domaine de l'anatomie descriptive. Mais depuis le commencement de ce siècle, le problème s'est agrandi, et tandis qu'autrefois on se bornait à considérer les organes complexes de l'être vivant, aujourd'hui on va plus loin : on arrive à déterminer leur texture et les propriétés des tissus simples qui en sont les parties constituantes. Le microscope, qui donne le moyen d'étudier l'organisation intime de ces tissus, a permis de constituer une science plus générale que la physiologie autrefois connue, science qui recherche la fonction

différentes, et on avait reconnu qu'elle dépend du rôle que le nerf doit remplir. M. Jacubowitsch a recherché quelle est la constitution des centres nerveux d'où les nerfs tirent leur origine, et il a trouvé que cette constitution n'est pas simple, qu'elle renferme plusieurs éléments dont chacun correspond à une espèce spéciale de nerfs. La correspondance est telle que, d'après l'observation du point de départ, on reconnaît le rôle du nerf qui prend naissance.

L'auteur distingue comme parties constituantes essentielles du système nerveux trois ordres d'éléments nerveux : 4° les cellules étoilées : ce sont les plus grosses, d'où partent les nerfs du mouvement; 2° les cellules fusiformes : ce sont les plus petites, elles sont l'origine des nerfs de la sensibilité; 3° les cellules rondes ou ovales, qui servent de point de départ aux nerfs du système ganglionnaire. Mais les cellules nerveuses ne donnent pas seulement naissance à des filets nerveux qui vont se distribuer dans les parties périphériques du corps; elles envoient encore d'autres prolongements destinés à les faire communiquer entre elles. Ainsi, 1° elles émettent des prolongements qui sont destinés à relier ensemble les cellules nerveuses de la moitié gauche de la moelle épinière et du cerveau avec les cellules de la moitié droite des mêmes organes; ces réunions ont lieu entre les cellules de la même espèce, et elles sont propres aux cellules de sensibilité aussi bien qu'aux cellules de mouvement; 2° les cellules nerveuses d'un seul côté peuvent aussi s'unir entre elles sans changer de groupe, soit une cellule de mouvement avec une cellule de mouvement, soit une cellule de sensibilité avec une cellule de sensibilité; 3° outre ces deux modes d'union qui sont relátifs aux cellules homogènes, il y en a un troisième entre cellules d'ordre différent.

Ces recherches anatomiques sont-d'une grande importance pour la physiologie; elles indiquent le terrain sur lequel devra s'établir ultérieurement la plus délicate des expérimentations physiologiques, puisqu'il s'agit de la porter sur les éléments mêmes de nos organes.

La suite à une autre livraison.

L'INSTRUCTION PRIMAIRE

NE DEVRAIT-ELLE PAS ÊTRE OBLIGATOIRE? La politique a le plus grand intérêt à donner à tout enfant d'une nation au moins le premier degré d'instruction,

(Vou du Congrès international de bienfaisance réuni à Francfort, au mois de septembre 1857.)

Il ne peut être permis à personne de tenir un homme, un citoyen futur, dans l'ignorance et la brutalité, et d'élever ainsi un ennemi pour la société. (E. Laboulaye, Histoire des colonies d'Amérique.)

Toute espérance de stabilité qui ne repose pas sur le progrès du peuple sera trompée infailliblement.

C'est de la religion que de croire à l'élévation de toutes les classes de citoyens comme au moyen le plus effectif d'assurer au pays un bonheur et une tranquillité durables. (Channing.)

La loi de 1833 (sur l'instruction primaire) prépare l'époque où la plus irrémédiable des inégalités, celle qui sépare l'instruction de l'ignorance, aura disparu du milieu de nous. (De Salvandy, discours à la Chambre des députés, en mai 1846.)

L'homme ignorant est une non-valeur, et, le plus souvent, une nuisance pour ses semblables. Mal élever un homme, c'est détruire des capitaux, c'est préparer des souffrances et des pertes à la société. Il y a là, outre le droit privé de l'enfant, un droit social en vertu duquel la société lésée par l'ignorance peut proscrire l'ignorance.

demeure complétement privée d'instruction, il faut bien que l'État, qui n'est que la société organisée et rendue capable de vouloir et d'agir collectivement, s'occupe de cet intérêt général et cherche à y pourvoir.

Ce n'est là qu'une application spéciale d'un principe tout à fait général, que l'on pourrait formuler en ces termes : «S'il existe un besoin social qui, bien que très-réel, ne soit pas assez fortement ou assez généralement senti par la société elle-même pour que ceux de ses membres de la volonté desquels dépend la satisfaction de ce besom soient engagés à y pourvoir, l'État peut et doit intervenir à cet effet. »

Il faut agir sur les volontés engourdies ou récalcitrantes de ceux pour qui l'instruction n'est pas un besoin senti, parce qu'il leur manque précisément le degré d'instruction nécessaire pour avoir la conscience de ce besoin; il faut vaincre l'apathie, l'indifférence, les répugnances, quelquefois intéressées, des familles plongées dans l'ignorance. (Cherbuliez.) La fin à une autre livraison.

RICHARD DICKINSON.

Le père est tenu de placer toujours l'intérêt de son en- Richard Dickinson vivait, en Angleterre, à Scarboroughfant avant son propre intérêt. Il n'a pas le droit d'exploi- Spa, vers 1725. On imprima des vers en son honneur: on ter cet être issu de son sang; il doit se comporter envers l'appela le Scarron anglais. Hysing fit son portrait, et lui comme un tuteur consciencieux vis-à-vis de son pupille. Vertue le grava. Quel titre avait donc cet homme à la céS'il manque à cette obligation que la loi naturelle lui im-lébrité? Aucun autre que la laideur de son visage et la pose, la loi civile, expression de la loi naturelle, doit l'y contraindre. (Molinari.)

En un mot, il s'agit de savoir: 1° si le père manque à la justice en s'abstenant ou en négligeant de donner ou de faire donner une certaine somme d'instruction à son enfant; 2° si ce manquement est assez grave et assez nuisible pour nécessiter l'intervention répressive de la loi.

Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. (Art. 203 du Code civil.)

Il serait difficile de concevoir que la puissance paternelle, qui n'est instituée que pour l'intérêt des enfants, pût se tourner contre eux. (Le premier consul, discussion du Code civil.)

Quand l'enfant est en tutelle, la loi règle positivement la manière dont les conseils de famille et le tribunal pourront intervenir pour déterminer le genre d'instruction qui sera donnée à l'enfant et pourvoir aux dépenses nécessaires; et le subrogé tuteur doit, sous ce rapport comme sous tous les autres, surveiller le tuteur, fût-il le père ou la mère. Mais quand le père et la mère sont tous deux vivants, il n'y a point de tutelle, par conséquent point de subrogé tuteur ni de conseil de famille. Le père exerce sur l'enfant, non la tutelle, mais la puissance paternelle, et la loi ne contient pas de dispositions spéciales qui en règlent l'exercice. Mais comme le père est obligé non-seulement de nourrir et d'entretenir ses enfants, mais encore de les élever, on est assez généralement d'accord que, s'il ne leur donnait pas un genre d'instruction et d'éducation convenable, eu égard à sa fortune et à sa position sociale, les magistrats pourraient intervenir, sur la provocation de la mère ou de la famille. (Pellat, doyen de l'École de droit de Paris.)

Quand un homme a faim, il sait très-bien qu'il lui faut des aliments, et il travaille de tout son pouvoir à s'en procurer. Quand un homme est ignorant, il ne comprend pas toujours qu'il a besoin d'instruction, et se donne généralement peu de peine pour en acquérir ou pour en procurer aux êtres qui dépendent de lui. Si donc il importe à la société entière qu'aucune des classes dont elle se compose ne

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difformité de son corps. Le beau monde qui se réunissait en été à Scarborough-Spa se donnait la triste distraction de rire à ses dépens: du moins payait-on généreusement les grimaces et les gambades intéressées du pauvre diable; si bien qu'un jour vint où Dickinson eut assez d'argent pour fonder un petit établissement industriel. Dès lors, il ne voulut plus être le jouet de personne. Grâce à beaucoup de travail et d'économie, il parvint presque à la richesse, tandis que tel dissipateur qui l'avait insulté de ses railleries tombait peu à peu dans la misère et la dégradation, et, passant devant sa porte, enviait sa prospérité. Ce sont là les singuliers tours de la roue de fortune.

Paris - Typographie de J. Best, rue Saint-Maur-Saint-Germain, 15.

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Boileau avait raison. Il ne périra pas dans la mémoire | la Grèce primitive, cet Éden païen, fiction brillante où des hommes, ce monde mythologique créé par le génie de s'unissent si harmonieusement tant de grâce et de fierté.

TOME XXVIII.-AVRIL 1860.

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FORD

Théocrite et Virgile n'y croyaient pas plus que nous, et ils lui ont dû leurs plus ravissantes inspirations. Il semblait à jamais englouti sous les sombres préoccupations du moyen âge, quand tout à coup, au seizième siècle, il sortit de la nuit comme une aurore nouvelle, et rayonna, plus attrayant que jamais, dans les imaginations altérées de lumière. Les esprits chrétiens eux-mêmes l'ont adopté en l'épurant Dante, pour peindre un nouveau ciel, n'a pas dédaigné de lui dérober quelques teintes de son azur; Fénelon ne s'est pas interdit de l'aimer; l'idylle de Théagène et Chariclée a furtivement pénétré sous les austères ombrages de PortRoyal. Au milieu des convulsions terribles d'une vieille société expirante, André Chénier lui a souri, et avec quelques vers lui a rendu sa jeunesse et sa fraîcheur. Et de nos jours encore, malgré les sérieuses réalités de notre civilisation moderne, malgré les graves problèmes qui obsèdent nos esprits, nous ne pouvons nous empêcher de nous retourner parfois vers cet idéal terrestre, dont nous connaissons bien la fausseté décevante, mais dont on ne niera ja

mais le charme séduisant.

dignes. Ces toits dégradés ont abrité de pauvres vieilles femmes, de malheureux infirmes auxquels leurs longues et obscures vies au milieu de privations et de tentations nombreuses avaient légué, pour unique trésor, une conscience et des mains toujours pures. Des hommes illustres ont laissé quelques rayons d'une gloire, parfois méconnue de leur vivant, derrière ces murs noircis et dégradés qui s'écroulent; enfin, dans les regrets que m'inspirent ces ruines prématurées faites à coups de hache, il entre, ce me semble, quelque chose de l'éternelle protestation de l'esprit contre la matière, du fond immortel contre la forme passagère. Entouré de palais tout neufs, au milieu d'éblouissants lambris, je reste indifférent et froid, tandis que souvent, en présence d'un intérieur indigent ou mesquin, j'ai senti s'éveiller chez moi une tendre et sympathique admiration. Les pauvres demeures gardent plus fidèlement l'empreinte de ceux qu'elles ont abrités, le souvenir des actes d'abnégation et de courage exercés dans leur enceinte, et, du moins, le cadre n'éclipse pas le tableau. Ces pensées, d'autres du même genre, roulaient dans mon esprit tandis que, suivant une sombre, boueuse et étroite allée, j'arrivais à une petite cour sur laquelle quatre corps de logis, hauts d'environ dix toises et fort rapprochés les uns des autres, étaient censés prendre (ce que ne pouvait guère donner cette espèce de citerne malsaine) l'air et le jour. Du centre de ce puits s'élevait une voix chevrotante qui murmurait une lugubre complainte; à peine si j'entrevoyais la chanteuse aux douteuses lueurs échappées d'une échancrure de ciel bleu, sur laquelle se détachaient les noires silhouettes des mansardes. J'avais à parler à un photographe qui occupait l'un de ces greniers; en conséquence, je me dirigeais vers l'escalier qui, sous une sombre arcade, montait en face de moi, lorsqu'une fenêtre à guillotine se leva au-dessus de ma tête, et une petite pièce de cuivre résonna sur le pavé. D'une croisée vis-à-vis, puis d'un attique encore plus élevé d'où pendillaient des nippes et haillons qui s'efforçaient en vain de sécher, tombèrent quelques centimes, et, parti de haut, un morceau de pain déchira son enveloppe de papier en rebondissant sur l'humide pavé. C'est alors que je me retournai pour regarder l'humble créature à laquelle s'adressaient lesoffrandes du pauvre.

N'est-ce pas là le secret motif du sourire malin et satisfait empreint sur les lèvres de ce faune dans sa niche de marbre? Ne dirait-on pas qu'il se penche vers ce chevreau qui vient brouter des fleurs auprès de lui, et qu'il lui fait confidence de sa joie? Soyons sans crainte, semble-t-il dire; le temps passe, les siècles se succèdent, les peuples vieillissent, les empires tombent, et nous, vieux personnages des églogues, nous sommes encore jeunes. On ne nous adore plus, mais on nous aime toujours. Tant qu'il y aura sur terre des gazons verts, des roses parfumées, au ciel de l'azur et des rayons dorés, on se souviendra de nous; on songera, non sans envie peut-être, à nos courses folles dans les prés fleuris, parmi les bocages et les rochers, au bord des eaux courantes; à nos luttes lyriques sous l'ombrage des hêtres, avec Silène et Bacchus, en présence des nymphes attentives; à toute cette vie pénétrée de rayons, de parfums, de douce joie et de confiance enfantine que la terre ne connaitra plus. Nous sommes à la fois morts et immortels, immortels non moins que l'éclat du soleil, la fraîcheur du feuillage, le mystère des forêts. Les sculpteurs ne cesseront jamais de fatiguer leur ciseau, les peintres de charger leur palette des plus riches couleurs, pour reproduire notre image, et s'ils rendent notre charme, ils seront C'était une petite vieille toute rabougrie; elle dispasurs de séduire leurs contemporains. Les poëtes eux-raissait presque dans le brouillard, hôte habituel de ces mêmes, malgré tant de redoutables rivaux, voudront toujours célébrer

Le temps où le ciel sur la terre Marchait et respirait dans un peuple de dieux!

Où les sylvains moqueurs, dans l'écorce des chênes,
Avec les rameaux verts se balançaient au vent
Et sifflaient dans l'écho la chanson du passant!...

PROMENADES D'UN DÉSŒUVRÉ.

cours resserrées. Sa coiffe, ou plutôt son bonnet de petites bandes de gaze noire cousues les unes au-dessus des autres et rouillées par l'usage, se confondait avec le fond enfumé des murs grisâtres, d'où se détachaient mal son châle noir étriqué et ses flasques jupes d'indienne décolorées. Cependant je voyais osciller légèrement le vieux panier rapiécé qui lui pendait au bras, et l'idée me vint qu'il fallait à cet être chétif un effort suprême pour se tenir ainsi debout, immobile, sur le pavé glissant. Fouillant dans mon gousset, je m'approchai et je lui tendis quelques sous, en lui demandant son nom et son adresse. Ignoble et cruelle précaution! Oh! que l'aumône et la charité sont choses différentes! Maladroit à me démêler entre ce qu'exige la prudence et ce qui doit répugner à la plus vulgaire bonté, j'avais fait Dans notre Paris, de plus en plus magnifique, il reste très-sèchement ma brutale question; je vis trembler plus encore de vieilles maisons, de vieux recoins, d'antiques, fort la main ridée et osseuse sur laquelle tombait en ce d'étroites, d'obscures ruelles, dont j'ai la faiblesse de dé- moment un reflet de lumière; puis, au lieu de se tourner plorer la destruction à mesure que la pioche et le marteau de mon côté et de prendre ma monnaie, la pauvre femme « en font justice», comme disent les architectes. Certes, se courba, non sans peine, et se mit à chercher à tâtons ces regrets individuels doivent se taire devant un intérêt par terre les humbles dons qui, sans soupçon ni défiance, général de salubrité, d'ordre, de beauté, de grandeur; avaient été de prime abord accordés à sa misère, tout n'importe, je ne puis me corriger de ce culte un peu aban-uniment parce que le son de sa voix cassée trahissait la donné des souvenirs. Plusieurs de ces coins, offensants à vieillesse et la douleur. plus d'un titre, me rappellent des existences humbles, mais

Voy. les Tables des années précédentes.
L'ASPIRANTE.

Ce n'était pas à elle à avoir honte, en vérité; pourtant,

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