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'INVENTION des arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce :
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner,
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La feinte est un pays plein de terres désertes:
Tous les jours nos auteurs y font des découvertes,

Je t'en veux dire un trait assez bien inventé:

Faërn., fab. 100, vel. lib. V, fab. 20, Pater, Filius, et Asinus. - Verdizotti, 1, del Padre, et del Figliuolo, che menavan l'Asino.-Voyez encore Poggii Facetic, édition de 1797, in-18, t. I, p. 101, et t. II, p. 98-117.

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Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.

Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins
(Comme ils se confioient leurs pensers et leurs soins),

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Racan commence ainsi Dites-moi, je vous prie,

Vous qui devez savoir les choses de la vie,

Qui par tous ses degrés avez déjà passé,

Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé;

A quoi me résoudrai-je ? Il est temps que j'y pense.
Vous connoissez mon bien, mon talent, ma naissance :
Dois-je dans la province établir mon séjour ?
Prendre emploi dans l'armée, ou bien charge à la cour?
Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes :
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivois mon goût, je saurois où buter;

Mais j'ai les miens, la cour, le peuple à contenter.
Malherbe là-dessus: Contenter tout le monde !
Écoutez ce récit avant que je réponde.

J'ai lu dans quelque endroit qu'un meûnier et son fils,
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,
Alloient vendre leur âne, un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit:

Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens! idiots! couple ignorant et rustre!

Le premier qui les vit de rire s'éclatą:

Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là?

Le plus ane des trois n'est pas celui qu'on pense.
Le meunier, à ces mots, connoît son ignorance:

Il met sur pieds sa bête, et la fait détaler.
L'âne, qui goûtoit fort l'autre façon d'aller,

Se plaint en son patois. Le meunier n'en a cure ;
Il fait monter son fils, il suit: et, d'aventure,
Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut.
Le plus vieux au garçon s'écria tant qu'il put:
Oh là! oh! descendez, que l'on ne vous le dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise!
C'étoit à vous de suivre, au vieillard de monter.
Messieurs, dit le meùnier, il vous faut contenter.
L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte;
Quand trois filles passant, l'une dit : C'est grand'honte
Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils,

Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,
Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage.
Il n'est, dit le meûnier, plus de veaux à mon âge:
Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez.
Après maints quolibets, coup sur coup renvoyés,
L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un dit: Ces gens sont fous!
Le baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups.
Hé quoi! charger ainsi cette pauvre bourrique!
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
Parbleu! dit le meûnier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois si par quelque manière

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