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On me l'avoit bien dit, que des gens de ce lieu
L'on n'aime pas toujours l'humeur ambitieuse.

Adieu, messieurs de cour; messieurs de cour, adieu:
Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte.
La Fortune a, dit-on, des temples à Surate;
Allons là. Ce fut un de dire et s'embarquer.
Ames de bronze, humains, celui-là fut sans doute
Armé de diamant, qui tenta cette route,
Et le premier osa l'abîme défier!

Celui-ci, pendant son voyage,

Tourna les yeux vers son village

Plus d'une fois, essuyant les dangers

Des pirates, des vents, du calme et des rochers,
Ministres de la Mort: avec beaucoup de peines
On s'en va la chercher en des rives lointaines,
La trouvant assez tôt sans quitter la maison.
L'homme arrive au Mogol: on lui dit qu'au Japon
La Fortune pour lors distribuoit ses grâces.

Il y court. Les mers étoient lasses

De le porter; et tout le fruit

Qu'il tira de ses longs voyages,

Ce fut cette leçon que donnent les sauvages:
Demeure en ton pays par la nature instruit.
Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme
Que le Mogol l'avoit été :

Ce qui lui fit conclure en somme

Qu'il avoit à grand tort son village quitté.

Il renonce aux courses ingrates,

Revient en son pays, voit de loin ses pénates,
Pleure de joie, et dit: Heureux qui vit chez soi,

De régler ses desirs faisant tout son emploi !
Il ne sait que par oui-dire

Ce que c'est que la cour, la mer, et ton empire,
Fortune, qui nous fais passer devant les yeux
Des dignités, des biens que jusqu'au bout du monde
On suit, sans que l'effet aux promesses réponde.
Désormais je ne bouge et ferai cent fois mieux.
En raisonnant de cette sorte,

Et contre la Fortune ayant pris ce conseil,
Il la trouve assise à la porte

De son ami plongé dans un profond sommeil.

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Les deux Coqs.*

Deux coqs vivoient en paix : une poule survint,
Et voilà la guerre allumée.

Amour, tu perdis Troie! et c'est de toi que vint
Cette querelle envenimée

Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint!
Long-temps entre nos coqs le combat se maintint.
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage :
La gent qui porte crête au spectacle accourut;
Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut:
Il alla se cacher au fond de sa retraite,

Pleura sa gloire et ses amours,

Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite,
Possédoit à ses yeux. Il voyoit tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage;
Il aiguisoit son bec, battoit l'air et ses flancs,
Et, s'exerçant contre les vents,

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Esop., Galli et Aquila. - Aphton. 12, Fabula Gallinaceorum.

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