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ne veuille retrancher ou la tête ou la queue, pour les fyllables déshonnêtes qu'elle y trouve.

URANIE.

Vous êtes bien fou, Chevalier.

LE MARQUIS.

Enfin, Chevalier, tu crois défendre ta Comédie, en faisant la fatyre de ceux qui la condamnent.

DORANTE.

Non pas, mais je tiens que cette Dame fe fcandalife à tort...

ELISE.

Tout beau, Monfieur le Chevalier; il pourroit y en avoir d'autres qu'elles, qui feroient dans les mêmes fentimens.

DORANTE.

Je fais bien que ce n'est pas vous, au moins; & que, lorfque vous avez vu cette repréfentation...

ELISE.

(montrant Climene.) Il est vrai? mais j'ai changé d'avis, & Madame fait appuyer le fien par des raifons fi convaincantes, qu'elle m'a entraînée de fon côté.

DORANTE, à Climene.

Ah! Madame, je vous demande pardon; & fi vous le voulez ; je me dédirai, pour l'amour de vous, de tout ce que j'ai dit.

CLIMEN E.

Je ne veux pas que ce foit pour l'amour de moi, mais pour l'amour de la raifon : car enfin cette Piece, à le bien prendre, eft tout-à-fait indéfendable, & je ne conçois pas...,

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URANIE.

Ah! voici l'Auteur, Monfieur Lyfidas. Il vient tout à propos pour cette matiere. Monfieur Lyfidas, prenez un fiege vous-même, & vous mettez-là.

SCENE VII.

LYSIDAS, CLIMENE, URANIE, ELISE, DORANTE, LE MARQUIS.

MADAME,

LYSIDA S.

je viens un peu tard; mais il m'a fallu lire ma Piece chez Madame la Marquife, dont je vous avois parlé ; & les louanges qui lui ont été données, m'ont retenu une heure plus que je ne croyois.

ELISE.

C'est un grand charme que les louanges pour arrêter un Auteur.

URANI E.

Affeyez-vous donc, Monfieur Lyfidas; nous lirons votre Piece après fouper.

LYSIDA S.

Tous ceux qui étoient là doivent venir à fa premiere représentation, & m'ont promis de faire leur devoir comme il faut.

URANIE.

Je le crois. Mais, encore une fois, affeycz-vous,

s'il vous plaît. Nous fommes ici fur une matiere que je ferai bien aife que nous pouffions.

LY SIDA S.

Je penfe, Madame, que vous retiendrez auffi une Loge pour ce jour-là.

URANI E.

Nous verrons. Pourfuivons,

difcours.

LYSIDA S.

de grace, notre

Je vous donne avis, Madame, qu'elles font prefque toutes retenues.

URANIE.

Voilà qui eft bien. Enfin, j'avois besoin de vous, lorfque vous êtes venu, & tout le monde étoit ici contre moi.

ELISE, à Uranie.

(Montrant Dorante.)

Il s'eft mis d'abord de votre côté: mais main(Montrant Climene.)

nant qu'il fait que Madame eft à la tête du parti contraire, je pense que vous n'avez qu'à chercher un autre fecours.

CLIMEN E.

Non, non, je ne voudrois pas qu'il fît mal fa cour auprès de Madame votre Coufine, & je permets à fon efprit d'être du parti de fon cœur.

DORANTE.

Avec cette permiffion, Madame, je prendrai la hardicffe de me défendre.

URANIE.

Mais auparavant fachons un peu les fentimens de

Monfieur Lyfidas.

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Je n'ai rien à dire là - deffus; & vous favez qu'entre nous autres Auteurs, nous devons parler des ouvrages les uns des autres avec beaucoup de circonfpection.

DORANT E.

Mais encore " entre nous, que pensez-vous de cette Comédie?

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De bonne foi, dites-nous votre avis.

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Affurément. Pourquoi non? N'eft-elle pas en effet la plus belle du monde ?

DORANTE.

Hon, hon, vous êtes un méchant diable, Monfieur Lyfidas; vous ne dites pas ce que vous penfez.

Pardonnez-moi.

LYSIDA S.

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Je vois bien que le bien que vous dites de cette Piece n'eft que par honnêteté, & que, dans le fond du cœur, vous êtes de l'avis de beaucoup de gens qui la trouvent mauvaise.

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Avouez, ma foi, que c'est une méchante chofe que cette Comédie.

LYSIDA S.

11 eft vrai qu'elle n'eft pas approuvée par les connoiffeurs.

LE MARQUIS.

Ma foi, Chevalier, tu en tiens, & te voilà payé de ta raillerie. Ah! ah! ah ! ah! ah !

DORANTE.

Pouffe, mon cher Marquis, pouffe.

LE MARQUIS.

Tu vois que nous avons les favans de notre côté. DORANTE.

Il eft vrai. Le jugement de Monfieur Lyfidas eft quelque chofe de confidérable. Mais Monfieur Lyfidas veut bien que je ne me rende pas pour cela; & puifque j'ai bien l'audace de me défendre

(Montrant Climene.) contre les fentimens de Madame, il ne trouvera pas mauvais que je combatte les fiens..

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