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mes Républiques de la Gréce, mais la Ré publique Romaine étoit, ce me femble, un grand Etat, & la ville de Rome une gran- & de Ville. Le dernier Cens donna dans Rome quatre cents mille Citoyens portant armes, & le dernier dénombrement de l'Empire plus de quatre millions de Citoyens, fans compter les sujets, les étrangers, les femmes, les enfans, les efclaves.

Quelle difficulté n'imagineroit - on pas 'd'affembler fréquemment le peuple immenfe de cette Capitale & de fes environs ? Cependant il fe paffoit peu de femaines que le Peuple Romain ne fût affemblé, & même plufieurs fois. Non-feulement il éxerçoit les droits de la fouveraineté, mais une partie de ceux du Gouvernement. Il traitoit certaines affaires, il jugeoit certaines causes, & tout ce peuple étoit fur la place publique, prefqu'auffi fouvent Magiftrat que Ci

toyen.

En remontant aux premiers temps des Nations, on trouveroit que la plupart des anciens Gouvernements, même monarchi

ques, tels que ceux des Macédoniens & des Francs, avoient de femblables Confeils.

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Quoi qu'il en foit, ce feul fait incontestable, répond à toutes les difficultés: De l'exiftant aú poffible, la conféquence me paroit bonne.

CHAPITRE XIII.

Suite.

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IL L ne fuffit pas que le peuple affemblé ait une fois fixé la conftitution de l'Etat en donnant la fanction à un corps de loix: il ne fuffit pas qu'il ait établi un gouvernement perpétuel ou qu'il ait pourvu une fois pour toutes à l'élection des Magistrats. Outre les Affemblées extraordinaires que des cas imprévus peuvent exiger, il faut qu'il y en ait de fixes & de periodiques que rien ne puiffe abolir ni proroger, tellement qu'au our marqué le peuple foit légitimement convoqué par la loi, fans qu'il foit besoin pour cela d'aucune autre convocation formelle.

Mais hors de ces affemblées juridiques par leur feule date, toute affemblée du peuple qui n'aura pas été convoquée par les Magiftrats préposés à cet effet, & felon les formes prefcrites, doit être tenue pour illégiti me, & tout ce qui s'y fait pour nul; parce

que l'ordre même de s'affembler doit éma ner de la loi.

Quant aux rétours plus ou moins fréquents des affemblées légitimes, ils dépendent de tant de confidérations, qu'on ne sçauroit donner là-deffus de régles précises. Seu lement on peut dire en général, que plus le Gouvernement a de force, plus le Souverain doit fe montrer fréquemment.

Ceci, me dira-t-on, peut être bon pour une feule ville; mais que faire quand l'Etat en comprend plufieurs? Partagera-t-on l'autorité fouveraine, ou bien doit-on la concentrer dans une feule Ville, & affujettic tout le refte?

Je réponds qu'on ne doit faire ni l'un ni l'autre. Premierement l'autorité fouvéraine eft fimple & une, & l'on ne peut la divifer fans la détruire. En fecond lieu, une Ville, non plus qu'une nation, ne peut être légitimément fujette d'une autre, parce que l'effence du corps politique eft dans l'accord de l'obéiffance & de la liberté, & que ces mots de Sujet & de Souverain, font des corélations identiques dont l'idée fe reunit

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fous le feul mot de citoyen.

Je réponds encore que c'est toujours un mal d'unir plufieurs Villes en une seule Cité, & que voulant faire cette union, l'on ne doit pas fe flater d'en éviter les inconvenients naturels. Il ne faut point objecter l'abus des grands États à celui qui n'en veut que des petits mais comment donner aux petits Etats affez de force pour résister aux grands? Comme jadis les Villes Grecques réfifterent au grand Roi, & comme plus récemment la Hollande & la Suiffe ont réfifté à la Maifon d'Autriche.

Toutefois fi l'on ne peut réduire l'Etat à 'de juftes bornes, il reste encore une reffource; c'eft de n'y point fouffrir de Capitale, de faire fiéger le Gouvernement alternativement dans chaque Ville, & d'y raffembler auffi tour-à-tour les États du Pays.

Peuplez également le territoire, étendezy par-tout les mêmes droits, portez-y partout l'abondance & la vie; c'est ainsi que l'État deviendra tout à la fois le plus fort & le mieux gouverné qu'il foit poffible. Souvenez-vous que les murs des Villes ne fe

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