5 IO 15 20 25 30 Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat L'autre m'a fait prendre la fuite. Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat, D'un malin vouloir est porté. Bien éloigné de nous mal faire, Servira quelque jour peut-être à nos repas. Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine. De juger des gens sur la mine." 92. Le Paysan du Danube Il ne faut point juger des gens sur l'apparence. Me servit à prouver le discours que j'avance; Le bon Socrate, Ésope, et certain paysan Son menton nourrissait une barbe touffue ; Représentait un ours, mais un ours mal léché: Et ceinture de joncs marins. Cet homme ainsi bâti fut député des villes Que lave le Danube. Il n'était point d'asiles Ne pénétrât alors, et ne portât les mains. Faute d'y recourir, on viole leurs lois. Témoin nous, que punit la romaine avarice : Rome est, par nos forfaits, plus que par ses exploits, L'instrument de notre supplice. Craignez, Romains, craignez que le Ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs et la misère; Nos esclaves à votre tour. Et pourquoi sommes-nous les vôtres ? Qu'on me die Pourquoi venir troubler une innocente vie? Nous cultivions en paix d'heureux champs; et nos mains Qu'avez-vous appris aux Germains? Ils ont l'adresse et le courage : S'ils avaient eu l'avidité, Comme vous, et la violence, Peut-être en votre place ils auraient la puissance, Et sauraient en user sans inhumanité. Celle que vos préteurs ont sur nous exercée 5 ΙΟ 15 20 25 30 N'entre qu'à peine en la pensée. Car sachez que les immortels Ont les regards sur nous. Grâces à vos exemples, D'avarice qui va jusques à la fureur. Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome. Font pour les assouvir des efforts superflus. Cultiver pour eux les campagnes ; Nous quittons les cités, nous fuyons aux montagnes ; Nous ne conversons plus qu'avec des ours affreux, Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés : : Que la mollesse et que le vice. Les Germains comme eux deviendront C'est tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord: Point de pourpre à donner, c'est en vain qu'on espère A-t-il mille longueurs. Ce discours un peu fort Je finis. Punissez de mort Une plainte un peu trop sincère." A ces mots, il se couche; et chacun étonné On le créa patrice; et ce fut la vengeance Le sénat demanda ce qu'avait dit cet homme, On ne sut pas longtemps à Rome Cette éloquence entretenir. 93. Le Chêne et le Roseau Le chêne un jour dit au roseau : "Vous avez bien sujet d'accuser la nature: Vous oblige à baisser la tête; Cependant que mon front, au Caucase pareil, Tout vous est aquilon; tout me semble zéphyr. Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Mais vous.naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. 5 10 15 20 25 Les vents me sont moins qu'à vous redoutables: 30 5 ΤΟ 15 20 25 30 Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Résisté sans courber le dos; Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, Le plus terrible des enfants Que le nord eût portés jusque-là dans ses flancs. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts. 94. Le Renard, le Loup et le Cheval Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés. Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie. Si j'étais quelque peintre ou quelque étudiant, Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que sait-on ? peut-être est-ce une proie Ils vont ; et le cheval, qu'à l'herbe on avait mis, Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. 66 'Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs Apprendraient volontiers comment on vous appelle." Le cheval, qui n'était dépourvu de cervelle, |