5 ΤΟ 15 20 25 30 Au dire de chacun étaient de petits saints. La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable! D'expier son forfait on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. 64. Le Cerf se voyant dans l'eau Dans le cristal d'une fontaine Et ne pouvait qu'avecque peine Dont il voyait l'objet se perdre dans les eaux. Mes pieds ne me font point d'honneur." Tout en parlant de la sorte, Un limier le fait partir; Il tâche à se garantir; Son bois, dommageable ornement, Nuit à l'office que lui rendent Ses pieds, de qui ses jours dépendent. Il se dédit alors, et maudit les présents Que le ciel lui fait tous les ans. Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile ; Ce cerf blâme ses pieds qui le rendent agile: 65. Le Héron Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où, L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours; Avec le brochet son compère. Le héron en eût fait aisément son profit: Tous approchaient du bord; l'oiseau n'avait qu'à prendre. Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit : Il vivait de régime, et mangeait à ses heures. Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Et montrait un goût dédaigneux 5 10 15 20 25 "Moi, des tanches? dit-il; moi, héron, que je fasse Une si pauvre chère? Et pour qui me prend-on?" La tanche rebutée, il trouva du goujon. 30 5 ΤΟ "Du goujon! c'est bien là le dîner d'un héron! J'ouvrirais pour si peu le bec! aux dieux ne plaise ! ' Il l'ouvrit pour bien moins: tout alla de façon Qu'il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit; il fut tout heureux et tout aise Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles; 15 20 25 30 66. Le Coche et la Mouche Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Six forts chevaux tiraient un coche. Une mouche survient, et des chevaux s'approche; S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée; il semble que ce soit La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ; Le moine disait son bréviaire : Il prenait bien son temps! une femme chantait : Après bien du travail, le coche arrive au haut. S'introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devraient être chassés. 67. La Fortune et le jeune Enfant Un enfant alors dans ses classes: Tout est aux écoliers couchette et matelas. Un honnête homme, en pareil cas, Aurait fait un saut de vingt brasses. La Fortune passa, l'éveilla doucement, Lui disant : "Mon mignon, je vous sauve la vie ; Je vous demande, en bonne foi, 5 10 15 20 25 Provient de mon caprice." Elle part à ces mots. Il n'arrive rien dans le monde Elle est prise à garant de toutes aventures. 68. Les Médecins Le médecin Tant-pis allait voir un malade Après qu'en ses conseils Tant-pis eut été cru. L'un disait: "Il est mort; je l'avais bien prévu. 69. La Laitière et le Pot au lait Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait; en employait l'argent; |