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37. Les Frelons et les Mouches à miel

A l'œuvre on connait l'artisan.

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :
Des frelons les réclamèrent;

Des abeilles s'opposant,

Devant certaine guêpe on traduisit la cause.
Il était malaisé de décider la chose.

Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée et tels que les abeilles,
Avaient longtemps paru. Mais quoi! dans les frelons
Ces enseignes étaient pareilles.

La guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et, pour plus de lumière,
Entendit une fourmilière.

Le point n'en put être éclairci.

"De grâce, à quoi bon tout ceci?
Dit une abeille fort prudente.

Depuis tantôt six mois que l'affaire est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours;
Pendant cela le miel se gâte.

Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'ours?

Sans tant de contredits et d'interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires.
Travaillons, les frelons et nous :

On verra qui sait faire avec, un suc si doux,
Des cellules si bien bâties."

Le refus des frelons fit voir

Que cet art passait leur savoir;

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Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties. ↑

Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès !

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Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode !
Le simple sens commun nous tiendrait lieu de code;
Il ne faudrait point tant de frais;

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Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge,

On nous mine par des longueurs;

On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs.

38. La Chauve-Souris et les deux Belettes Wrasil

Une chauve-souris donna tête baissée

Dans un nid de belette; et sitôt qu'elle y fut,

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L'autre, envers les souris de longtemps courroucée,

Pour la dévorer accourut.

"Quoi? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire,
Après que votre race a tâché de me nuire !
N'êtes-vous pas souris? Parlez sans fiction.
Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas belette.

-Pardonnez-moi, dit la pauvrette,

Ce n'est pas ma profession. nature

Moi, souris des méchants vous ont dit ces nouvelles.
Grâce à l'auteur de l'univers,

Je suis oiseau; voyez mes ailes :
Vive la gent qui fend les airs!"
Sa raison plut, et sembla bonne.
Elle fait si bien qu'on lui donne
Liberté de se retirer.

Deux jours après, notre étourdie
Aveuglément se va fourrer

Chez une autre belette aux oiseaux ennemie.

La voilà derechef en danger de sa vie.
La dame du logis avec son long museau
S'en allait la croquer en qualité d'oiseau,

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Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage.
"Moi pour telle passer? Vous n'y regardez pas.
Qui fait l'oiseau? c'est le plumage.

Je suis souris; vivent les rats!
Jupiter confonde les chats!"
Par cette adroite repartie

Elle sauva deux fois sa vie.

Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants,
Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue.
Le sage dit, selon les gens:

"Vive le roi! vive la ligue!"

39. Le Berger et la Mer

Du rapport d'un troupeau, dont il vivait sans soins,

Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite. qcd

Si sa fortune était petite,

Elle était sûre tout au moins.

A la fin, les trésors déchargés sur la plage
Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau.

Cet argent périt par naufrage;

Son maître fut réduit à garder les brebis,

Non plus berger en chef comme il était jadis,
Quand ses propres moutons paissaient sur le rivage;
Celui qui s'était vu Corydon ou Tircis,

Fut Pierrot, et rien davantage.

Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
Racheta des bêtes à laine;

Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :
"Vous voulez de l'argent, ô mesdames les Eaux !

Dit-il; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi! vous n'aurez pas le nôtre."

Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité

Pour montrer, par expérience,
Qu'un sou, quand il est assuré,

Vaut mieux que cinq en espérance;

Qu'il se faut contenter de sa condition;
Qu'aux conseils de la mer et de l'ambition
Nous devons fermer les oreilles.

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Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront.
La mer promet monts et merveilles :
Fiez-vous-y; les vents et les voleurs viendront.

40. Le Combat des Rats et des Belettes

La nation des belettes,

Non plus que celle des chats,

Ne veut aucun bien aux rats;

Et, sans les portes étroites

De leurs habitations,
L'animal à longue échine
En ferait, je m'imagine,
De grandes destructions.
Or, une certaine année
Qu'il en était à foison,
Leur roi, nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les belettes, de leur part,
Déployèrent l'étendard.
Si l'on croit la renommée,
La victoire balança:
Plus d'un guéret s'engraissa

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Du sang de plus d'une bande.
Mais la perte la plus grande
Tomba presque en tous endroits
Sur le peuple souriquois.

Sa déroute fut entière,

Quoi que pût faire Artarpax,
Psicarpax, Méridarpax,

Qui, tout couverts de poussière,
Soutinrent assez longtemps

Les efforts des combattants.
Leur résistance fut vaine;
Il fallut céder au sort:
Chacun s'enfuit au plus fort,
Tant soldat que capitaine.
Les princes périrent tous.
La racaille, dans des trous
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail,
Mais les seigneurs sur leur tête
Ayant chacun un plumail,

Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les belettes
En conçussent plus de peur,
Cela causa leur malheur.
Trou, ni fente, ni crevasse,

Ne fut large assez pour eux;
Au lieu que la populace

Entrait dans les moindres creux.

La principale jonchée

Fut donc des principaux rats.

Une tête empanachée

N'est pas petit embarras.

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