Eglises de Paris, entre le Trésorier & le Chantre Mais c'est tout ce qu'il y a de vray. Le reste, depuis le commencement jusqu'à la fin est une pure fiction & tous les Personnages y font non seulement inventez: mais j'ay eu foin même de les faire d'un caratere directement opposée au caractere de ceux qui deservent cette Eglife, dont la pluspart, & principalement les Chanoines, font tous gens non seulement d'une fort grande probité, mais de beaucoup d'esprit, & entre lefquels il y en a tel à qui je demanderois aussi volontiers son sentiment fur mes ouvrages, qu'à beaucoup de Messieurs de l'Academie. Il ne faut donc pas s'étonner si personne n'a esté offensé de l'impression de ce Poëme, puis qu'il n'y a en effet personne qui y soit veritablement attaque Un Prodigue ne s'avise guere de s'offenser de voir rire d'un Avare, ni un Devot de voir tourner en ridicule un Libertin. Je ne diray point comment je fus engagé à travailler à cette bagatele sur une espece de défi qui me fut fait en riant par feu Monseigneur le premier President de Lamognon, qui est celui que j'y peins sous le nom d'Ariste. Ce détail, à mon avis, n'est pas fort necessaire. Mais je croirois me faire un trop grand tort, si je laissois échaper cette occafion d'apprendre à ceux qui l'ignorent que ce grand Personnage, durant sa vie, m'a honoré de son amitié. Je commençay à le connoistre dans le temps que mes Satires faifoient le plus de bruit; & l'accez obligeant qu'il me donna dans son illustre Maison fit avantageusement mon apologie contre ceux qui vouloient m'accuser alors de libertinage & de mauvaises mœurs. C'estoit un Homme d'un sçavoir étonnant, & passionné admirateur de tous les bons livres de l'antiquité; & c'est ce qui lui fit plus aisément souffrir mes ouvrages, où il crut entrevoir quelque gouft des Anciens. Comme sa pieté estoit sincere, elle estoit auffi fort gaye, & n'avoit rien d'embarraffant. Il ne s'effraya point du nom de Satires que portoient ces ouvrages, où il ne vit en effet que des vers & des Auteurs attaquez Il me loüa même plusieurs fois d'avoir purgé, pour ainsi dire, ce genre de poëfie de la saleté qui lui avoit esté jusqu'alors comme affectée. J'eus done le bonheur de ne lui estre pas defagreable. Il m'appella à tous fes plaisirs & à tous ses divertissemens, c'est à dire, à ses lectures & à fes promenades. Il me favorisa même quelquefois de sa plus étroite confidence, & me fit voir à fond son ame entiere. Et que n'y vis-je point? Quel trefor furprenant de probité & de justice! quel fonds inépuisable de pieté & de zele! Bien que sa vertu jettast un fort grand éclat au dehors, c'étoit toute autre chose au dedans, & on voyoit bien qu'il avoit soin d'en temperer les rayons, pour ne pas blesser les yeux d'un fiecle aussi corrompu que le nostre. Je fus sincerement épris de tant de qualitez admirables, & s'il eut beaucoup de bonne volonté pour moi, j'eus aussi pour lui une tres-forte attache. Les soins que je lui rendis, ne furent meslez d'aucune raison d'interest mercenaire; & je fongeay bien plus à profiter de sa conversation que de son credit. Il mourut dans le temps que cette amitié estoit en son plus haut point, & le souvenir de sa perte m'afflige encore tous les jours. Pourquoi faut-il que des Hommes fi dignes de vivre soient si tost enlevez du monde, tandis que des miferables & des gens de rien arrivent à une extrême vieillesse? Je ne m'étendrai pas davantage fur un sujet si triste: car je sens bien que si je continuois à en parler, je ne pourrois m'empêcher de moüiller peut-être de larmes la Préface d'un livre de Satires & de plaifanteries. S DISCOURS |