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PARIS.

IMPRIMERIE DE MARC DUCLOUX ET COMP.

RUK DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 80.

SUR LA

LITTÉRATURE FRANÇAISE

AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE,

PAR

A. VINET.

TOME PREMIER.

MADAME DE STAËL ET CHATEAUBRIAND.

PARIS,

CHEZ LES ÉDITEURS, RUE RUMFORD, 8.

1849.

SUR LA

LITTÉRATURE FRANÇAISE

AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

I.

MADAME DE STAEL ET CHATEAUBRIAND.

Cours donné à Lausanne en 1844.

Une nuance de ridicule s'attache, dans bien des esprits, à ces mots : la Littérature de l'Empire. Cette impression s'explique, si elle ne se justifie pas. Ni l'originalité, ni une fécondité vigoureuse, n'ont caractérisé, dans son ensemble, la littérature de cette époque.

L'éloquence, réduite à la harangue officielle et vouée à l'adulation, répétait Pline le jeune après avoir ressuscité Démosthène. L'histoire, qui, pas plus que l'éloquence, ne se passe de liberté, savait trop bien qu'elle ne devait pas tout dire, sans bien savoir ce qu'elle devait taire; car les instincts du despotisme sont plus profonds et plus délicats que ceux de la servilité. Une philosophie illibérale dans

ses princips continuait, après plus d'un demisiècle, à être le symbole et le signe de ralliement des amis de la liberté; car la religion, en France, ayant pris parti pour le despotisme, l'esprit de liberté avait arboré les tristes couleurs du matérialisme, et à l'aurore du nouveau siècle, un despote, en contractant alliance avec la religion, avait resserré l'alliance du libéralisme avec l'incrédulité. Et quoi qu'il en soit, la seule philosophie qui fût debout, devait rallier les caractères indépendants, puisque enfin c'était une philosophie, c'est-à-dire l'esprit humain se professant libre; et c'est ainsi que des instincts généreux et une association arbitraire d'idées prolongeaient, au delà de toutes les bornes, la fortune d'une doctrine sans profondeur comme sans élévation. La poésie avait traversé sans se renouveler toutes les phases de la Révolution; elle vivait, ou plutôt elle se mourait, à l'ombre de la tradition et de l'autorité; elle n'était bientôt plus que l'écho d'un écho: plus d'indépendance dans les formes, plus de nouveauté dans l'inspiration, eût inquiété à bon droit un despotisme ombrageux, qui savait qu'il importe peu sous quelle forme et sur quel terrain la liberté éclate, pourvu qu'elle éclate. Les théories littéraires étaient timides et méticuleuses comme la littérature elle-même; à la religion du beau s'était substituée je ne sais quelle orthodoxie tètue, retranchée derrière quelques axiomes étroits et contestables. On poussait à l'absolu la maxime de Buffon, « que c'est le style qui fait vivre les ou

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