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façonnées, avec leurs articulations et leurs pinces. Elle fabrique de nouveaux bras à ces crustacés, comme aux arbres de nouvelles branches. Que dis-je? elle produit sur les corps des animaux plusieurs espèces de végétaux qui, toutefois, ne fleurissent et ne fructifient point, quoique bien enracinées tels sont les poils, les plumes, les écailles, les ongles, les cornes. Chacune de ces végétations a ses lois particulières : les cornes lisses des bœufs sont permanentes, et les bois fourchus des cerfs tombent tous les ans. Elle varie à l'infini les formes des animaux; cependant elle ne s'écarte jamais des lois des consonnances et des contrastes, qui composent chacun d'eux de deux moitiés éga·les et de deux moitiés opposées. Il est bien certain que chaque animal a en lui une ame végétale qui s'occupe de tous ces soins. Mais ce qui paraît le plus étonnant, c'est que, pendant qu'elle développe en lui, je suppose, les parties du sexe måle, une autre ame, souvent fort loin de là, fabrique à un animal de la même espèce les parties du sexe femelle; et, comme si elles pouvaient s'entendre, elles leur donnent un instinct commun pour se rapprocher, et des formes ou des couleurs différentes pour se reconnaitre. Les amours des animaux, comme ceux des végétaux, sont réglés sur les diverses périodes du soleil et de la lune. Lorsque la femelle est fécondée, elle reproduit de nouvelles ames. L'amour est une flamme qui, comme celle du feu, se communique et se multiplie sans s'affaiblir. Ce sont les astres des jours et des nuits qui en sont les premiers mobiles. La terre, dans sa course journalière et annuelle, déploie en spirale la circonférence de ses deux hémisphères; le soleil l'entoure de ses rayons, comme de fils d'or tendus sur un métier; la lune, semblable à une navette céleste, les croise et les entrelace de ses rayons d'argent. Les végétaux et les animaux éclosent, se développent et se perpétuent par ces harmonies soli-lunaire et luni-solaires: on ne peut en douter; mais comment celles-ci auraient-elles le pouvoir de créer des ames végétales si intelligentes, et de les mettre en rapport entre elles et avec les élémens? Comment, d'un autre côté, ces ames, séparées de ces rayons et renfermées dans des corps isolés, auraient-elles le pouvoir de les réparer et de les reproduire ? Il faut donc admettre nécessairement une ame universelle souverainement puissante et intelligente, qui a créé d'abord et organisé des germes divers pour en composer l'ensemble du monde, et a donné à l'astre du jour et à celui des nuits le pouvoir de les développer par des ames mécaniques; ou, ce qui revient au même, qui a créé des ames végétales pour orga

niser la matière, et donné au soleil et à la lune de les mettre en activité. Si on peut comparer la faible industrie de l'homme à celle de l'Etre suprême, ces ames mécaniques ou végétales ressemblent à ces machines conçues par un savant artiste, et dont les forces mises en mouvement par l'action du feu, ou par le cours des vents et des ruisseaux, expriment des liqueurs, pulvérisent des grains en farine, scient des planches, frappent même des monnaies avec leurs légendes, sans que ces moteurs si ingénieux aient le sentiment et la connaissance de leurs opérations.

L'ame végétale de l'homme réunit et développe dans son corps les plus belles formes, qui ne sont que réparties dans le corps des animaux; elle fixe sa taille et ses forces avec une proportion admirable. Ainsi, en lui faisant occuper le centre de la sphère de leur puissance, elle lui en assure l'empire. C'est ce que nous verrons plus en détail, lorsque nous nous occuperons de l'ensemble du corps de l'homme, aux harmonies humaines

Après les ames élémentaires et végétales des animaux, qui ne sont que des espèces d'aimans insensibles, nous en distinguons une troisième, qui est l'ame animale: c'est l'ame proprement dite. Elle donne son nom à l'animal, parce qu'elle l'anime; elle seule a le sentiment de son existence et de celle du corps; elle a la conscience de ses organes, dont elle fait usage sans rien comprendre à sa construction; elle est occupée principalement du soin de lui fournir des alimens, dont le premier est encore le feu solaire fixe, et combine, comme nous l'avons vu, avec la substance des végétaux: il passe de là dans la chair des animaux, dont il entretient la vie. Ce feu nourricier s'y fixe encore pour servir, après leur mort, de pâture aux bêtes carnassières. Il ne s'harmonie point ainsi avec la terre, car les animaux n'en font point leur nourriture. Les substances végétales et animales sont les seules qui s'imbibent, comme des éponges, de ce feu alimentaire, auquel l'homme ajoute encore, pour ses besoins, le secours du feu ter

restre.

L'ame animale est la seule qui soit susceptible de douleur et de plaisir, par l'entremise des nerfs répandus dans toutes les habitudes du corps, et surtout à la peau. Ce sont eux qui l'avertissent des dangers du corps par le tact; elle ne sent plus rien s'ils viennent à être paralysés. Le foyer de ses sensations est au cœur ; c'est encore là que réside l'instinct avec ses passions, dont la principale est l'amour de soi, qui se décompose dans chaque animal en amour de ses convenances et en haine de ses disconvenances, mobiles de toutes ses actions.

Les ames élémentaires et végétales agissent toutes par des lois communes à tous les animaux; elles sont si semblables dans chacun d'eux, qu'on est tenté de croire que c'est une ame universelle qui forme leur corps, l'entretient et le répare. Ces ames assemblent de la même manière le fœtus du loup et celui de l'agneau dans le sein maternel; elles opèrent aussi également dans leur estomac la circulation du sang, la digestion, la nutrition, quoique l'un soit carnivore et l'autre herbivore; mais l'ame animale est particulière à chacun d'eux, chacune a son instinct qui lui est propre. Celle du loup lui inspire, dès la naissance, le goût de la chair et du sang; et celle de l'agneau, celui des herbes tendres et des ruisseaux limpides. Celle du loup diffère même de celle du chien, quoique leurs corps aient tant de ressemblance. L'instinct du loup l'éloigne de l'homme, et celui du chien l'en rapproche, sans que l'éducation et les habitudes puissent altérer ces différences. Chacun d'eux apporte en naissant son caractère paternel, dont l'empreinte est ineffaçable; leur ame a préexisté à leur corps. Je suis très-porté à croire que c'est elle qui le façonne et lui donne sa physionomie; elle imprime à celle du loup des traits féroces, que l'œil attentif de l'homme confond avec ceux du chien de berger, souvent aussi hérissé que le loup; mais l'agneau ne s'y méprend jamais : il distingue, au premier aperçu, au simple flairer, son tyran de son défenseur.

D'où viennent ces haines et ces affections innées? Je n'en sais rien ; je vois bien que les résultats en sont bons, et qu'ils sont relatifs à l'homme. Il est certain que les animaux frugivores et herbivores auraient bientôt dépouillé la terre de tous ses végétaux, si les bêtes de proie n'en arrêtaient la population d'un autre côté, celles-ci, en se multipliant, détruiraient bientôt toutes les espèces animées, si l'homme, à son tour, ne leur servait d'obstacle. Au fond, dans cette lutte meurtrière, on ne peut accuser la nature d'injustice et de cruauté. Quand elle fait manger un animal, elle n'enlève pas, comme un brigand à l'égard d'un autre homme, une vie qui ne lui appartient pas. C'est elle qui a tout donné à tous, elle peut donc tout leur reprendre; elle a tiré du fleuve de la vie une infinité de ruisseaux qu'elle fait circuler sur la terre, elle peut les faire passer les uns dans les autres à son gré. La mort n'est pour chaque animal qu'une modification de son existence, sa vie est transportée de son corps dans celui qui l'a dévoré; cependant l'ame qui l'animait a une autre destinée. L'ame de l'agneau ne passe point dans celle du loup son sang si doux ne fait qu'accroître la soif

:

cruel de son tyran. Que deviennent donc à la fin l'ame innocente de l'un, et l'ame féroce de l'autre? Je l'avoue, je ne sais pas plus où elles vont que d'où elles viennent. Cependant, s'il m'est permis, dans un sujet si obscur, de hasarder quelques conjectures, je serais porté à croire à la métempsycose, comme les Indiens. Ces peuples, les plus anciens de la terre, pensent, d'après les traditions de la plus profonde antiquité, que les ames des hommes passent, après la mort, dans le corps des animaux, suivant les passions qui les ont dominés pendant leur vie : celles des cruels, dans les tigres et les lions; des politiques perfides, dans les renards et les serpens; des gourmands, dans les porcs, etc. Il est certain que l'honime réunit en lui les passions de tous les animaux, et que celle qui y devient dominante ou par la nature ou par l'habitude, se manifeste dans sa physionomie par les traits de l'animal qui en est le type. On prétend qu'on peut en reconnaître l'expression en mettant sa main sur sa bouche, et ne laissant apparaître que le front, les yeux et le nez. Jean-Baptiste Porta a tracé des visages qui ont des traits sensibles de bœuf, de tigre, de porc, etc. Mirabeau, un des premiers moteurs de notre révolution, avait dans sa large tête, ses petits yeux et ses mâchoires proéminentes, je ne sais quoi de la hure d'un sanglier. J'ai vu telle femme à grand nez recourbé et à petite bouche vermeille, qui ressemblait fort bien à une perruche. Enfin, l'homme et la femme sont susceptibles de toutes les passions des animaux, de leurs jouissances et de leurs maladies; le soleil et la lune en développent les diverses periodes.

Enfin, une quatrième ame se manifeste dans les animaux, c'est l'intelligente : c'est celle qui gouverne l'ame animale; elle a en partage l'imagination, le jugement et la mémoire; comme l'autre, l'instinct, la passion et l'action. L'ame intelligente réside dans le cerveau, et l'animale dans le cœur; chaque espèce d'animal a une portion de l'une et de l'autre, qui lui est particulière et qui la caractérise. La fourmi républicaine, comme l'abeille, aime aussi le miel; mais elle ne s'avise point de le recueillir sur les fleurs et d'en faire des ruches dans ses souterrains; elle ne s'occupe qu'à y ramasser les débris des végétaux et des animaux, pour lesquels la nature l'a destinée. L'ame intelli-' gente de chaque espèce d'animal n'est qu'un rayon particulier de la sphère de l'intelligence commune à tous les animaux, comme son ame animale n'est qu'un rayon de la sphère de leurs passions.

L'homme seul réunit en lui la plénitude de ces deux sphères; il est susceptible de toutes les indus

tries comme de toutes les jouissances: on l'appelle par excellence l'animal raisonnable, parce que son esprit est susceptible de concevoir toutes les raisons ou les rapports des êtres; on pourrait le nommer encore par excellence l'animal animé, parce que son cœur est susceptible de toutes les passions des animaux.

Mais il a une ame bien supérieure aux deux précédentes, c'est une ame céleste. Il est le seul des animaux qui ait le sentiment de la Divinité; c'est là son instinct proprement dit. Celui de chaque être sensible l'attache à un site, à une plante, et celui de l'homme à Dieu. Ce sentiment naît avec lui et étend ses desirs au-delà de son horizon et de sa vie; il est commun aux peuples sauvages, comme aux peuples civilisés. C'est au sentiment de l'existence d'un Dieu que l'homme doit celui de l'infini, de l'universalité, de la gloire, de l'immortalité, lequel venant à s'harmonier avec son intelligence, lui a fait faire tant de progrès dans les sciences et dans les arts, et donne tant d'étendue à ses passions lorsqu'il se combine avec elles. C'est à cet instinct de la Divinité qu'il doit celui de la vertu, qui règle ses innombrables desirs vers le bonheur de ses semblables, dans la crainte ou l'espérance que lui inspire le sentiment d'un Être suprême, vengeur et rémunérateur. Cet instinct céleste est le fondement naturel de toute société humaine. Il a aussi des instincts animaux: tels sont les sympathies et les antipathies, les goûts et les répugnances pour certains états, qui produisent ou de grands talens ou des non-succès. Ces sentimens sont innés, et l'éducation ne peut les surmonter; mais celui qui domine tout homme au sein de la nature est le sentiment de son Auteur, et c'est peutêtre à ce sentiment qu'il doit celui de cette sphère universelle d'intelligence qui le rend si supérieur aux autres animaux. Ce qu'il y a de certain, c'est que les plus savans des hommes, les Socrate, les Platon, les Newton, ont été aussi les plus religieux. Nous développerons les effets de l'ame céleste aux harmonies humaines.

Résumons ce que nous venons de dire sur les diverses ames et leurs facultés principales. L'ame élémentaire, qui ne paraît être que le feu solaire, produit l'attraction, l'électricité, le magnétisme; l'ame végétale, les formes, les amours, les générations; l'animale, l'instinct, la passion, l'action; l'intellectuelle, l'imagination, le jugement, la mémoire; la céleste, le sentiment de la vertu, de la gloire, de l'immortalité. Toutes ces ames ont des harmonies avec le soleil.

Mais, me dira-t-on, peut-on supposer ainsi plusieurs ames renfermées dans un seul corps? Sans

doute, comme j'ai supposé et démontré plusieurs couleurs renfermées dans un même rayon de lumière, plusieurs qualités dans le feu, telles que l'attraction, l'électricité; plusieurs airs dans l'atmosphère, plusieurs eaux dans l'Océan, plusieurs matières de différente nature dans le même minéral, plusieurs végétaux, et, qui plus est, de diverses espèces, dans le même végétal, comme dans un arbre greffé. Mais comment des ames si différentes entre elles peuvent-elles agir de concert dans une même action? Ce qui prouve leur différence, c'est qu'elles ne sont pas toujours d'accord. Je vais tâcher de faire comprendre leurs actions et leurs réactions par une comparaison bien simple.

En prenant pour l'un des termes extrêmes de la vie animale le ver de terre tout nu, qui, moins industrieux que l'huître, n'a pas l'intelligence de se revêtir d'une coquille, et en suivant jusqu'à l'homme qui a invité tant de sciences et d'arts, nous comparerons tous les degrés d'intelligence des animaux destinés à voguer sur l'océan de la vie, aux diverses embarcations que l'homme a imaginées pour naviguer sur les eaux, depuis le tronc flottant d'un arbre qui sert au Sauvage à traverser une rivière, jusqu'au vaisseau équipé de tous les arts et sciences nautiques, construit pour faire le tour du monde. Nous trouverons dans les intermédiaires la balse, la pirogue, la yole, le canot, la chaloupe, la goëlette, le brigantin, la frégate, et nous arriverons à nos gros vaisseaux de guerre, armés de cent canons et au-delà. Voilà pour les formes des corps des animaux. Quant aux ames et aux facultés qui les animent, nous comparons l'élémentaire aux mineurs, bûcherons, tisserands et cordiers, qui fournissent les premiers matériaux du navire, sans connaître l'usage qu'on en doit faire; l'ame végétale, aux forgerons, charpentiers et calfats, qui les emploient d'après les plans et proportions que leur donne la nature, ce savant ingénieur. Ils sont aussi chargés des réparations, et pour cela ils sont répandus dans tout le corps. L'ame animale, avec ses passions, ressemble à l'équipage, composé de matelots placés chacun à leur poste, et toujours prêts à obéir au maître et au contre-maître qui résident au cœur. L'ame raisonnable, avec ses facultés intellectuelles, placée dans le cerveau étroit des animaux, est comme le pilote et ses aides, dont la cabane est située près du gouvernail et de la boussole. Il dirige la route du vaisseau et commande la manœuvre à l'équipage. L'ame céleste de l'homme, avec ses instincts divers, est dans un cerveau plus spacieux, comme un capitaine dans une chambre

de conseil. On peut la comparer à un homme de qualité qui ne connaît rien au vaisseau ni à sa construction; mais il a seul le secret du voyage : son instinct en est la carte. Il donne chaque jour la route au pilote, qui, d'après ses ordres, commande la manœuvre à l'équipage. Veut-il marcher? les cuisses, les jambes, les pieds et leurs doigts sont en mouvement. Ne veut-il mouvoir que quelques-unes de ces parties? elles se remuent et les autres s'arrêtent. Il semble qu'à chaque articulation de la bouche, du genou, du metacarpe, des orteils, il y ait des postes de matelots qui agissent seuls ou tous ensemble, suivant la volonté du capitaine. Celui-ci ignore, au reste, tout ce qui se passe au dedans; il ne s'occupe que du dehors; il a soin seulement que le vaisseau évite les écueils, et qu'il soit d'ailleurs bien approvisionné. Un beau jour il s'avise de faire donner à cet équipage si docile une plus grande quantité de ce feu élémentaire qui les anime; il l'enivre de liqueurs spiritueuses aussitôt le voilà tout en activité et dans un mouvement extraordinaire. Les matelots circulent avec rapidité d'un bout du vaisseau à l'autre, n'obéissant plus à la voix de leur pilote. L'ame raisonnable n'a plus d'empire, le vaisseau va tout de travers. Mais c'est bien pis quand l'ame céleste appelle tout son équipage à son conseil; toutes les passions y entrent en foule et s'emparent de ses facultés divines. La cupidité lui dit : C'est à moi qu'appartiennent les jouissances infinies; la haine, à moi les ressentimens immortels; l'ambition, la gloire est mon partage. L'orgueil dit à l'humble vertu Tu n'es qu'une illusion; et, jetant ses yeux égarés vers les cieux: Il n'y a d'autre Dieu que moi dans l'univers. Souvent l'ame raisonnable, séduite par eux, leur applaudit. La mémoire leur cherche des exemples dans le passé, et l'imagination leur trace des plans pour l'avenir; le jugement les sanctionne. C'est ainsi que, dans la révolte d'un équipage, le pilote, le maître et le contre-maitre se joignent aux matelots, et renferment le capitaine dans sa chambre; ils laissent aller ensuite le vaisseau au gré des vents. Ils ont bien la route de chaque jour, mais ils n'ont plus celle de tout le voyage; ils finissent par embrasser la piraterie. Tel est l'état d'un homme livré à ses passions. La discorde se met bientôt entre elles : quelquefois l'imagination enlève le timon au jugemen; alors l'homme devient fou. Quelquefois l'ame animale et la raisonnable sont paralysées; alors il tombe dans l'état d'imbécillité. Mais, dans ces deux états, l'ame élémentaire et la végétale font toujours bien leurs fonctions; souvent les fous et les imbéciles jouissent d'une santé robuste.

Quelquefois celles-ci tombent dans le désordre, comme dans l'état de maladie; cependant les passions conservent leur activité, mais l'ame intellectuelle jouit de toutes ses facultés; telle était celle de Pascal, dont les idées étaient profondes, quoique son corps fùt cacochyme. Quelquefois l'ame céleste est la seule qui leur survive telle est souvent celle des mourans, qui étonne par des pressentimens et des prédictions. L'ame céleste, prête à quitter la terre, est susceptible des plus sublimes conceptions, comme le soleil qui, à son couchant, brille de tout l'éclat de ses feux. Toutes ces ames peuvent agir ensemble ou séparément : nous en pouvons donc conclure qu'elles sont distinctes les unes des autres.

Ces ames ont précédé les corps. Ce sont elles qui, dans le sein maternel, assemblent leurs parties organiques, leur donnent les formes, les développemens et les proportions assignés à chaque espèce par l'Auteur de la nature, et par rapport à l'homme, comme nous le verrons bientôt.

Non-seulement les harmonies physiques appartiennent aux ames qui en ont seules le sentiment, mais c'est en elles seules que résident les harmonies morales qui assemblent les harmonies physiques. Je n'en citerai ici pour exemple que la première de toutes, l'harmonie fraternelle. C'est elle qui compose les corps des animaux de deux moitiés égales; c'est dans la ligne qui les réunit que se trouve le profil qui caractérise chaque espèce. Le végétal n'a point de profil déterminé ni de face proprement dite; mais l'animal a l'un et l'autre : l'expression de son ame se trouve dans son profil. C'est lui qui lui donne sa physionomie; c'est la ligne qui le divise en deux moitiés égales et semblables, qui exprime dans l'attitude basse du porc la gourmandise, dans le lion la férocité, dans la tourterelle les grâces et les amours. Ce profil a la même expression dans chaque genre d'animal; mais il varie à l'infini dans chaque homme, suivant la passion qui le domine.

C'est dans le profil, tant intérieur qu'extérieur, que se trouvent les sensorium de tous les organes de l'animal, d'abord ceux de la glande pinéale, où réside, dit-on, l'ame intellectuelle; du nerf optique, des nerfs olfactiques, de la respiration, de l'ouïe, de la potation, de la nutrition; du cœur, siége de l'ame animale; des sexes, de la génération et des sécrétions. Si vous coupez un animal, tel qu'un insecte, dans sa largeur, vous verrez les deux moitiés se mouvoir encore. La tête d'une mouche, séparée de son corps, donne long-temps des signes de vie, tandis que son corps voltige çà et là; mais si vous fendez cet insecte dans sa lon

gueur en deux moitiés égales, il perit à l'instant. L'ame qui l'anime ressemble à la flamme qui nait de deux tisons rapprochés, et qui s'évanouit si on les sépare l'un de l'autre. Elle est donc une harmonie fraternelle des deux moitiés de son corps, ou plutôt c'est elle qui, dans l'origine, le forme de deux moitiés dans le sein maternel.

Non-seulement l'ame (j'entends la végétale) compose le corps d'un animal de deux moitiés en consonnance, mais elle en façonne toutes les parties, et les répare lorsqu'elles sont blessées. Elle développe, dans les espèces innombrables des animaux, toutes les formes imaginables, depuis les plus gracieuses jusqu'aux plus déplaisantes. Il est digne de remarque que les plus laides ont été données aux animaux nuisibles ou incommodes à l'homme, et les plus belles à ceux qui doivent vivre dans son voisinage ou sous son empire. L'ame végétale donne au loup un poil hérissé et des yeux étincelans; à l'agneau de douces toisons; au cheval une croupe arrondie, une encolure fière et des crins flottans; au pigeon, au coq, les plus charmans contours; au chien, fait pour être caressé, un poil soyeux. Les plus belles formes des animaux sont réunies dans l'homme et dans la femme, auxquels sont encore ordonnées leurs proportions d'après des plans arrêtés par l'Auteur de la nature. Leurs développemens viennent du soleil, cette sphère de feu mouvante et vivante, qui renferme dans son sein toutes les attractions, les répulsions, les électricités, toutes les températures dans ses rayons, toutes les couleurs dans sa lumière, toutes les courbes dans son globe, tous les mouvemens dans son mouvement, et bien d'autres qualités connues et à connaître.

De dire maintenant où vont les ames élémentaires, végétales, animales, intellectuelles et célestes, lorsqu'elles sont séparées de leurs corps, c'est ce que je ne sais pas. Cependant, puisque j'ai osé parler de leurs différences et de leur origine, je hasarderai de parler aussi de leur fin. Ce sont des opinions que je présente, non comme des vérités, mais comme des vraisemblances.

Les ames élémentaires passent évidemment d'un élément à un autre. Quoiqu'elles viennent dans leur principe du soleil, elles passent fixées à la terre, qui en est un des réservoirs. La flamme qui consume une bougie, en s'éteignant va se rejoindre à la masse de feu répandue dans l'atmosphère. La pesanteur d'un corps ne s'évanouit point lorsqu'il est mis en poudre; elle reste divisée entre chacune de ses parcelles, et se réunit à la pesanteur totale du globe. Il en est de même de l'électricité; elle circule d'un corps à l'autre, où elle est ŒUVRES POSTHUMES.

tantôt positive, tantôt négative, suivant qu'elle s'y trouve en plus ou en moins. Elle se fixe dans les métaux, qui non-seulement en sont de puissans conducteurs, mais des réservoirs constans; elle s'attache aussi aux nerfs des animaux, et y séjourne encore quelque temps après leur mort. Il y a donc, à cet égard, identité entre l'electricité, les métaux et les nerfs ; c'est ce que prouve une expérience fort curieuse, dont j'ai promis de parler. C'est un médecin italien, appelé Galvani, mort depuis quelques années, qui a découvert l'influence directe de l'électricité des métaux sur les nerfs des animaux après leur mort; l'expérience, qu'on en répète tous les jours, s'appelle de son nom galvanisme : je l'ai vu faire sur une grenouille morte depuis vingt-quatre heures. On la coupa en deux transversalement; les intestins furent ôtés, et on détacha du dos l'extrémité du nerf des cuisses; la circonférence du nerf découvert fut ensuite enveloppée avec une petite feuille d'argent. Dans toutes ces opérations, aucun signe de mouvement ne se manifesta dans la grenouille, quoiqu'on se fût servi d'un couteau de fer; mais le professeur ayant pris une petite plaque d'étain et l'appuyant d'un bout sur la lame d'argent, et touchant avec le milieu de cette plaque le bout du nerf découvert, dans l'instant le tronçon de la grenouille s'élança sur la table à plusieurs reprises, comme si elle eût été vivante. Il réitéra ces mouvemens en levant d'une main l'animal en l'air par le bout d'une de ses pates, et lui appliquant son appareil de l'autre main, le tronçon ne cessa de se mouvoir très-vivement, tant qu'il éprouva le contact de la plaque d'étain en harmonie avec la lame d'argent et le bout du nerf.

Le professeur nous fit voir ensuite que deux morceaux du même métal en contact, par exemple l'argent sur l'argent, ne produisaient aucun effet sur les nerfs de la grenouille. Il nous fit sentir sur nous-mêmes un autre effet de l'harmonie de deux métaux différens. En mettant sur le bout de la langue une pièce d'argent ou une pièce d'étain, on n'en éprouve aucune sensation; mais, en posant ces deux pièces l'une sur l'autre, de manière que la langue touche à leur point de contact, alors on y sent une saveur très-marquée. Il y a plus, en mettant dessus et dessous la langue l'argent et l'étain, de manière qu'ils se touchent par un bout, on voit dans l'instant briller un éclair: c'est le coup électrique. Tous les métaux en contact produisent ces effets, pourvu qu'ils soient différens, tels que le cuivre et le fer, mais surtout l'or et l'argent.

Ces expériences ne paraissent être que de sim

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