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nous sommes portés à croire que c'est lui qui organise le corps, parce que lui seul a la conscience de ses organes, et qu'il en donne l'usage à l'animal, sans que celui-ci ait la moindre idée de leur construction. L'instinct a des facultés qui correspondent aux organes celle de voir, à la vue; celle d'aimer, au cœur; celle de hair, qui est en rapport avec les armes dont l'animal est pourvu. On en peut conclure qu'il a, comme le corps, des qualités qui contrastent, et d'autres qui consonnent entre elles. En effet, il a en opposition l'amour et la haine, et en consonnance l'intelligence et la réflexion, l'imagination et la mémoire. Il y a donc toute apparence que l'instinct a existé avant le corps de l'animal, qu'il l'a organisé dans le sein maternel, que lui seul a le secret de sa construction, de l'usage de ses organes, de leur entretien, et quelquefois de leur réparation; que c'est lui, enfin, qui a le plan de la vie entière de l'animal, qu'il dirige dans son ensemble ainsi que dans tous ses détails. Une autre preuve qu'il est antérieur à l'animal, et qu'il a organisé ses parties, c'est qu'il ne se détruit jamais, ni par l'éducation, ni par habitudes, ni par le retranchement des organes. En vain on arracherait au loup ses dents, on ne lui ôterait point son naturel carnassier. Ceux-là sont donc, pour le dire en passant, dans une erreur bien cruelle, qui mutilent des enfans mâles, croyant les délivrer pour l'avenir de la passion de l'amour. La suppression des parties de leur sexe ne fait que redoubler dans la jeunesse les ardeurs d'un feu qui ne peut plus s'exhaler par les jouissances. Les eunuques de l'Orient ont des sérails: ils étaient hommes par l'ame avant de l'être par le corps. L'instinct donc caractérise l'animal encore plus que ses organes, puisqu'il subsiste lorsqu'ils sont détruits, et qu'il ne fait que s'accroître par leur privation.

les

Les instincts des animaux n'ôtent rien à l'action de la divinité : c'est sans doute sa sagesse qui les a créés, puisqu'elle les a balancés les uns par les autres, par toute la terre. Si elle n'avait établi entre eux le plus parfait équilibre, par la diversité même de leurs qualités, les carnivores auraient bientôt détruit tous les autres. Pour moi, j'aime à concevoir l'ame d'un animal renfermée dans son corps avec son instinct, comme un passager dans un vaisseau avec un pilote chargé seul du soin de la manœuvre, sans que le premier y connaisse rien. Un corps peut renfermer plusieurs ames, comme un arbre renferme plusieurs végétaux, ainsi que nous l'avons démontré. Un arbre greffé en porte de plusieurs espèces. Mon hypothèse est peut-être la seule qui puisse expliquer, du moins dans

l'homme, les combats de ses diverses passions, ainsi que nous le verrons aux harmonies humaines. Nous en avons dit assez sur les animaux pour faire voir qu'ils ne sont pas de simples machines passives, comme le prétendait Descartes. Selon lui, ils ne devaient leurs actions qu'à l'impression des objets extérieurs : autant valait dire qu'ils lui devaient aussi leurs formes et leurs organes. Au reste, ce grand homme n'en est pas moins chez nous le père de la philosophie. C'est lui qui a appris à notre raison à secouer le joug de l'autorité. Mais, comme a dit Voltaire, il nous a si bien enseigné à douter de la philosophie des anciens, qu'il nous a appris à douter de la sienne. Après tout, rien n'est plus difficile que de tracer des méthodes dans l'étude de la nature, et surtout dans celle de la morale. D'abord notre langue manque souvent d'expressions justes: elles sont ou trop faibles, ou trop fortes; quelquefois elle n'en fournit point du tout. Nos mots dérivés et composés n'ont plus la même signification que les mots simples qui les ont produits; ils sont comme certains végétaux, dont les tiges ont d'autres vertus que leurs racines. Par exemple, j'ai défini l'instinct le pré-sentiment des convenances de l'animal. Pour conserver au mot pré-sentiment la signification que je lui donne, je suis obligé de séparer la particule prẻ, qui signifie avant, du mot sentiment: alors il signifie avant-sentiment, qui dit plus, ce me semble, que pressentiment, qui ne signifie guère qu'un sentiment douteux et confus de ce qui doit arriver; tandis que l'avant-sentiment de l'instinct dans l'animal est sûr, décidé et clairvoyant.

Il en est de même des mots re-gret et ré-jouissance, que j'ai employés au même lieu, comme des effets de l'instinct combiné avec la mémoire. La particule re paraît une abréviation du mot latin iterum, ou de son vieux synonyme français, derechef. Ainsi, re-gret et re-grettable viennent de iterum gratus, derechef agréable, et ré-jouissant de iterum gaudens, derechef jouissant. Celui-ci signifie, dans l'origine, jouissant une seconde fois, si on en sépare la particule re; car, en le joignant immédiatement avec elle, il ne comporte qu'une idée unique de joie. Ce qu'il y a de singulier, c'est que ces deux mots composés, ayant deux racines du même sens à peu près et la même préposition, ils aient un sens tout-à-fait opposé; car le regret apporte de la peine, et la réjouissance du plaisir : c'est que le regret se porte sur les plaisirs perdus, et la réjouissance sur les plaisirs retrouvés.

En général, les mots composés ont beaucoup plus de force que leurs racines; mais ils présentent souvent un tout autre sens. Tels sont ceux où entre

la particule in, négative lorsqu'elle est synonyme de non. Infans, enfant, dit plus que non fans, qui ne parle pas; insolent, que non solens, qui n'a pas coutume; injurieux, que non habens jus, qui n'a pas droit; impertinent, que cui non pertinet, à qui il n'appartient pas; infidèle, que non fidèle; impiété, qui suppose une injure à l'égard de la Divinité, que la non piété, qui n'affirme que de l'indifférence; incrédulité, refus de croire par orgueil, vice du cœur, que la non crédulité, qualité du jugement; car la crédulité est elle-même un défaut de l'esprit d'où l'on voit qu'en séparant, simplement d'un trait, des mots composés, on leur donne quelquefois un sens différent de celui qu'ils avaient dans leur composition. Souvent ce nouveau sens est plus faible : Vis unita major, les forces augmentent par leur union.

Ce qu'il y a de plus embarrassant, c'est que ces particules adjectives ont souvent des significations opposées. Ainsi, in, privatif et expulsif dans les exemples ci-dessus, est positif et collectif dans incorporé, incarcéré; mais, ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'il signifie à la fois dedans et dehors dans les mêmes dérivés. Incorporé veut dire entré dans un corps, et incorporable, qui n'y est pas encore entré. Il en est de même d'incarcéré et d'incarcérable. Au reste, j'aurai attention de séparer par un simple trait les mots composés de leurs prépositions, lorsque j'aurai besoin de les ramener à leur signification primitive; ce qui sera plus expédient qu'une périphrase, et plus usité qu'un mot nouveau.

Quant aux mots collectifs de règne, de classe, d'ordre, de famille, de genre, d'espèce et de variété, dont se servent les naturalistes, ils ont sans doute beaucoup d'insignifiance, d'arbitraire et de confusion. Le règne ne convient qu'à Dieu, comme nous l'avons dit dès le commencement de ces harmonies. La classe ne signifie qu'une agrégation, qui se rapporte autant aux genres qu'aux ordres mêmes. L'ordre s'applique à tout ce qui est or donné. La famille comporte l'idée de parenté, et convient encore mieux aux individus de la même variété, aux variétés de la même espèce, et aux espèces du même genre, qu'à des genres rapprochés, auxquels on l'applique, parce que ceux-ci ont entre eux moins de ressemblance. Celui de genre a une signification plus déterminée, parce qu'il engendre en effet les espèces. Nous avons suppléé à la plupart de ces noms en y substituant ceux de puissance, d'harmonie, de genre et d'espèce.

Malgré les embarras, l'insuffisance de notre

langue et les préjugés qui enveloppent notre raison, nous allons tâcher de donner une idée de la puissance animale et de ses développemens. Comme les premiers navigateurs, qui se hasardèrent en pleine mer sans octant et sans boussole, vinrent cependant à découvrir les principales parties du globe, en lâchant de temps en temps dans les airs un oiseau de terre, afin de découvrir par son vol et son instinct les îles qu'ils n'apercevaient pas sur leur horizon: ainsi, en consultant l'instinct des animaux comme le vol de leur ame, nous pourrons faire quelque découverte dans la sphère immense de la vie, et en déterminer au moins les principaux cercles. C'est ainsi que Noé, sous un ciel nébuleux, jugea, par le vol du corbeau et celui de la colombe, de l'état de la terre inondée par l'Océan. Ce fut surtout l'oiseau des amours qui, en lui rapportant un rameau vert d'olivier, lui fit juger que les montagnes apparaissaient au dessus des eaux et devenaient habitables. Pour connaître donc les premières bases de la puissance animale, et même de la puissance humaine, nous nous guiderons aussi par leurs amours.

Les animaux doivent leur nom, comme nous l'avons déja dit, au mot anima, ame, parce qu'ils sont animés. Du mot ame nous avons dérivé celui d'aimer, parce que la nature de l'ame est d'aimer. En effet, toutes ses affections ne sont que des amours, tels que l'amour de soi, l'amour de ses convenances, l'amour fraternel, conjugal, maternel. La cruauté même des bêtes féroces, ce principe de haine qui les anime contre d'autres espèces, n'est qu'un amour du sang et du carnage.

Les ames sont pré-existantes au corps des animaux; ce sont elles qui le forment dans le sein maternel par la médiation même des amours. Le soleil et la lune en sont les premiers moteurs; car leur gestation, leur naissance, leurs développemens, leurs amours et leur mort, sont réglés dans chaque espèce, d'après les diverses phases et périodes de ces astres. L'ame d'un animal n'est pas simple; elle a deux facultés en consonnance, l'intelligence et la réflexion. Il ne suffirait pas à un animal d'avoir les idées de ses besoins par l'instinct ou l'intelligence; s'il ne les rapportait à soimême par la réflexion, elles ne se présenteraient à son ame que comme des images dans un miroir, il ne les verrait que comme des idées qui lui seraient étrangères; mais c'est en se les appliquant par la réflexion, qu'il procède à l'action qui les suit. C'est ainsi que si son corps n'était formé que de sa moitié droite, encore que cette moitié ren-fermât tous ses organes, il resterait sans action, ne pouvant ni marcher, ni manger, ni se reproduire.

Son ame est donc composée de deux moitiés en consonnance avec les mêmes facultés, comme son corps est formé de deux moitiés en consonnance avec les mêmes organes. Or, comme c'est l'ame qui développe le corps dans le sein maternel, on en peut conclure que les harmonies morales précèdent et ordonnent les physiques, et que la fraternelle est la première de toutes. C'est cette même harmonie fraternelle qui assemble, non-seulement les deux moitiés de la même ame et du même corps, en les rendant semblables, mais les ames des ames, et en forme des familles et des tribus. L'ame a deux moitiés en consonnance, elle en a aussi deux en contraste comme le corps; elle a ses inimitiés comme ses amitiés au dedans d'ellemême et au dehors: c'est ce que nous verrons aux harmonies fraternelles, positives et négatives. Non-seulement l'ame d'un animal n'est pas simple, mais elle n'est pas unique; elle semble composée de plusieurs ames qui agissent toutefois de concert, comme le corps lui-même est formé de plusieurs matières différentes, telles que les nerfs, la chair, les os, qui sont en harmonie. Au reste, il ne doit pas nous paraître plus étrange de concevoir plusieurs ames renfermées dans la peau d'un seul animal, que plusieurs végétaux sous l'écorce du même végétal, et d'y en voir même de greffés d'espèces différentes. La lumière du soleil, si pure, ne renferme-t-elle pas toutes les couleurs?

Depuis le lombric ou ver de terre, tout nu, qui n'a pas l'industrie de se revêtir d'un fourreau, jusqu'à Newton, qui forma un système du monde, nous distinguons cinq genres d'ames : l'élémentaire, la végétale, l'animale, l'intelligente et la céleste. Les quatre premières appartiennent au plus petit insecte, et la cinquième à l'homme seul. L'ame élémentaire des animaux est ce premier principe de l'existence qui, leur est commun avec tous les corps, c'est l'attraction. L'attraction paraît adhérente à la matière; elle agit sur le rayon de lumière qu'elle détourne vers l'angle d'un corps qu'on en approche; elle arrondit en gouttes de pluie la vapeur qui nage en l'air, et la cristallise en étoiles de neige à six rayons, lorsqu'elle s'en échappe. Elle agrége dans le sein de la terre les grains de sable en cristaux, et les métaux en pyrites; elle fait monter la séve dans les vaisseaux capillaires des végétaux, et circuler le sang dans les veines des animaux; elle agit surtout sur leurs nerfs, dont elle paraît être le premier mobile; elle semble se décomposer et se composer en magnétisme, en électricité, en feu et en lumière. Le grand foyer de l'attraction est le soleil, qui l'exerce sur tous les corps planétaires qu'il fait tourner au

tour de lui. Ceux-ci en sont pénétrés, et l'exercent à leur tour sur les satellites qui tournent autour d'eux, et tous ensemble sur les corps qui sont fixés à leur circonférence par la pesanteur, ou qui se meuvent sur elle, parce qu'ils paraissent avoir en eux un principe isolé d'attraction: tels sont les animaux. Les réservoirs et les conducteurs de l'attraction sont principalement les corps planétaires dans les cieux, et les métaux sur la terre. Les uns et les autres paraissent être en harmonie. Leur analogie se manifeste d'abord par l'identité de leurs noms dans l'ancienne chimie, ensuite par leur éclat, leur pesanteur et leurs influences. L'or, par exemple, le plus pesant des métaux, a des rapports frappans avec le soleil par son poids, son incorruptibilité, sa couleur jaune, son éclat, sa ductilité, qui approche de celle de la lumière, et parce qu'il est le premier mobile des sociétés humaines, comme le soleil l'est du système planétaire. La lune, après le soleil, a le plus d'influence sur la terre, dans un rapport égal à celui que l'argent, qui lui est analogue par sa blancheur, a avec l'or: c'est-à-dire que l'argent, à son tour analogue à la lune par son éclat et son nom, ne vaut sous la ligue qu'un peu plus de la douzième partie de l'or. Ainsi sa valeur est avec celle de l'or dans la même proportion que la lumière de la lune avec celle du soleil, puisqu'il faut environ douze mois et demi lunaires pour composer une année solaire, ou, si l'on veut, parce que la lumière de la lune est douze fois et demie plus faible, comme je crois m'en être assuré. On pourra voir, aux harmonies solaires, les harmonies des autres métaux avec les autres planètes; mais ce que je ne me rappelle pas y avoir dit, c'est que le platine, qui n'est, pour ainsi dire, pour nous, qu'un métal de pure curiosité, a été découvert à peu près en même temps que la planète si éloignée d'Herschell. Il en est de même de plusieurs métaux, trouvés de nos jours aux mêmes époques que plusieurs satellites.

On me dira peut-être que je renouvelle d'anciennes erreurs par des rapprochemens fort éloignés; mais je ne fais que suivre les ruines de l'ancien temple de la science, qui a été élevé bien plus haut que nous ne croyons. D'ailleurs tout est lié dans la nature. Les couches concentriques d'un ognon sont en harmonie avec les mois de la lune, et celles d'un arbre avec les années du soleil : pourquoi l'argent et l'or n'y seraient-ils pas avec ces deux astres? Plusieurs métaux ont, comme les planètes, des principes connus d'attraction. L'or attire le mercure que le soleil volatilise, et l'aimant le fer.

Il parait donc constant que les métaux ont des

analogies avec les planètes par leur pesanteur, leur éclat, leurs attractions; ils en ont encore par leur électricité, dont le soleil est la source. Non-seulement ils en sont les conducteurs, mais les foyers permanens : c'est ce que prouvent les expériences du galvanisme, dont nous parlerons bientôt. En attendant nous observerons que l'électricité est un fluide de feu, souvent non apparent, qui circule dans tous les corps, et passe de ceux qui en ont plus dans ceux qui en ont moins. Elle est divisée par ses effets en électricité positive et en électricité négative, et peut-être le serait-elle même en active et en passive.

Elle paraît un des premiers mobiles de la végétation et de l'animation. C'est après les orages les plus fulminans que les plantes végètent, fleurissent et fructifient avec le plus de vigueur; c'est encore alors que les générations des insectes se multiplient avec tant de rapidité, que le vulgaire les croit quelquefois tombés du ciel. L'électricité semble être le flambeau des amours; elle en allume les feux dans l'âge adulte. De ces feux électriques, les uns sont soli-lunaires et les autres lunisolaires. Les soli-lunaires se manifestent dans la vie des animaux mâles, dans les parures de leurs corps, qu'ils revêtent de couleurs plus vives, surtout ceux des mâles; dans les oiseaux, et même dans les quadrupèdes carnassiers, dont les yeux brillent dans l'obscurité, et dont les poils se hérissent et jettent des étincelles.

Nous sommes tentés de croire que l'électricité se communique aux plantes par l'entremise des métaux. Sans rapporter ici des exemples extraordinaires consignés dans des recueils savans, tels que celui d'un cep de vigne de Tokai en Hongrie, qui avait crû sur une mine d'or, et dans les feuilles duquel on trouva des filets d'or, nous citerons les expériences faites par un grand nombre de naturalistes, entre autres par le célèbre Geoffroy: elles prouvent qu'il n'y a pas un seul végétal dans les cendres duquel on ne trouve du fer. On peut aisément concevoir que ce métal, qui est dissous en particules invisibles dans les eaux ferrugineuses, se mêle à la séve des végétaux; mais comme nous savons, d'un autre côté, qu'il est un des plus puissans conducteurs de l'électricité, nous ne nous éloignerons pas de la vraisemblance, en le regardant comme la cause de ses phénomènes dans la végétation. Il se manifeste surtout dans les fleurs rouges; car c'est lui qui leur donne cette couleur, comme j'en ai vu l'expérience sur une

rose.

Le fer existe pareillement dans les animaux. Il donne à leur sang la couleur rouge; il s'y fait sen

tir au goût même par une saveur ferrugineuse. C'est par le fer que le sang de bœuf contient, que, lorsqu'il est brûlé, il prend une couleur bleue et devient ce qu'on appelle bleu de Prusse. Il est donc certain que le fer donne aux végétaux et aux animaux les couleurs rouge et bleue, et toutes les harmonies qui en dépendent, comme l'orangée, la pourprée, la violette. On pourrait y joindre encore la couleur noire, comme le prouve la teinture qui résulte de la combinaison de la noix de galle et du fer.

Si nous avons découvert que le fer entre dans la composition des végétaux et des animaux, c'est par le moyen de leur cinération et de l'aimant. Si on eût fait les mêmes expériences sur les cendres avec le mercure, qui est l'aimant de l'or, peut-être y aurait-on trouvé des parcelles de ce métal. Je suis porté à croire que les végétaux et les animaux qui ont des couleurs jaunes les doivent à une teinture d'or. J'ai ouï dire au savant chimiste Sage, auquel j'ai vu faire les expériences sur le rouge des fleurs, du vin et du sang, que la couleur jaune annonçait dans les cailloux la présence de l'or. Pourquoi n'indiquerait-elle pas aussi ce riche métal dans les végétaux et les animaux? C'est la couleur du soleil, ou du moins la première décomposition de ses rayons qui paraissent un or volatilisé. J'ai avancé quelque part que le diamant était une concrétion de sa lumière. Je hasarda is cette opinion sur ce qu'en brûlant le diamant dans un creuset, il ne restait aucune matière. Une expérience du chimiste Morveau vient d'y trouver pour résidu un acide carbonique, au moyen duquel il a fait de l'acier. Il en conclut que le diamant est un charbon, Il reste à savoir si c'est le feu de l'expérience, ou le soleil, qui en a fait un charbon. Ce serait, dans cette dernière supposi tion, celui de la lumière, dont l'or, d'un autre côté, semble être une concrétion. Ce qu'il y a de certain, c'est que le soleil ne forme l'un et l'autre que dans la zone torride, comme on le voit par les latitudes des mines d'or et de diamans. S'il se trouve de l'or hors des tropiques, c'est que la mine qui le fournit y a été renfermée autrefois, comme je l'ai prouvé, d'un autre côté, par les fossiles des végétaux et des animaux torridiens qui sont dans leur voisinage. Il y a des mines d'or en Siberie; mais il y a aussi beaucoup de débris de palmiers, de squelettes et de dents d'éléphans. Quant aux diamans, je n'ai pas ouï dire qu'on en eût encore trouvé dans les zones tempérées ou glaciales, peutêtre faute de les y avoir cherchés. Un diamant brut ne se découvre pas comme l'or par son éclat, car il ne ressemble qu'à un grain de sel; mais il a ceci

de commun avec l'or, qu'il est le plus pesant de tous les cailloux non métallisés, comme l'or est le plus lourd des métaux.

Si donc la terre, sous l'influence la plus active du soleil, sert de matrice à l'or, pourquoi les végétaux et les animaux qui pompent ses rayons et combinent en leur propre substance leurs particules ignées ne renfermeraient-ils pas aussi des parcelles d'or, comme ils en contiennent de fer? II est très-remarquable que la couleur jaune, indicatrice de l'or dans les pierres, se manifeste dans la plupart des germes des semences, et surtout dans cette poussière jaune des anthères qui féconde leurs fleurs. Presque toutes les anthères des fleurs sont jaunes, et elles sont placées au foyer d'un réverbère formé par des pétales, dont les courbes réfléchissent sur ces parties masculines toutes les influences des rayons du soleil. Au contraire, les stigmates ou ouvertures du pistil qui en sont les parties féminines sont blancs, et semblent établir par leurs couleurs d'autres rapports avec les influences des rayons de la lune. Les fleurs de quelques plantes paraissent phosphoriques la nuit, entre autre la capucine. Enfin, lorsque les végétaux viennent à se décomposer, les feux dont ils s'étaient imbibés semblent s'en dégager en partie et apparaissent en lueurs bleuâtres: telles sont celles des bois pourris.

Les mêmes effets de la lumière et de l'électricité peuvent se reconnaître dans les animaux. Leur cerveau et leurs nerfs, qui sont en quelque sorte leurs premiers germes, sont d'un blanc mêlé de jaune. Leurs nerfs sont, comme les fils d'or et d'argent, de puissans conducteurs de l'électricité. Celui qui aboutit à leurs yeux les rend quelquefois étincelans dans les transports de l'amour ou de la colère. Enfin, dans la dissolution des animaux, les particules de la lumière qui entraient dans leur composition se manifestent souvent en lueurs phosphoriques, surtout dans les poissons marins, parce que la mer est le grand réceptacle des élémens. Elle est si imprégnée de celui du feu entre les tropiques, qu'elle en paraît la nuit toute lumineuse; mais lorsqu'elle flue de la zone torride vers notre pôle pendant notre hiver, non-seulement elle en adoucit la rigueur sur nos côtes, en attiédissant leur atmosphère par sa chaleur, mais elle est peutêtre, par ses émanations phosphoriques et ses ondulations, la cause de ces aurores boréales ondoyantes qui, l'hiver, éclairent les nuits des contrées septentrionales, et qui n'y apparaissent qu'après l'équinoxe d'automne, époque de sa révolution du midi au nord. Non-seulement l'attraction, le magnétisme, l'électricité et la lumière sont dans

les métaux, les végétaux et les animaux; mais le feu lui-même qui les produit y est en nature et dans un état de repos que le mouvement manifeste. Les physiciens suédois vienment de produire, par le simple frottement de deux plaques de fer, une chaleur qui fait bouillir de l'eau dans un vase, sans que ces deux plaques s'usent sensiblement. C'est un nouveau moyen de se chauffer. Nous ne pouvons pas douter que le bois ne contienne beaucoup de feu, puisqu'il en fournit sans cesse à nos foyers.

Quant aux animaux, leur chaleur manifeste assez le feu qui les anime. L'homme en est le mieux pourvu ; sa chaleur naturelle est la même que celle qui fait éclore les œufs des oiseaux; il peut l'augmenter par le simple frottement de ses membres : ils produisent alors de la chaleur, comme les deux plaque de fer de l'expérience suédoise; c'est une preuve de plus des rapports des nerfs avec les mé taux. Les uns et les autres sont aussi des conducteurs et des foyers de l'électricité, comme nous le verrons par l'expérience du galvanisme.

Un animal a, avec son ame élémentaire, une ame végétale qui en est très-distincte. S'il n'avait qu'une ame élémentaire, elle mettrait son corps en boule par son attraction, ou en aigrette par son électricité, ou en telle autre forme analogue à celle des cristaux ou des pyrites. Mais l'ame végétale a, si j'ose dire, sous ses ordres la première avec toutes ses facultés mécaniques. Je la compare à un maçon servi par un apprenti qui lui apporte tous les matériaux dont il a besoin, tandis qu'il les dispose par assises et par chaînes pour élever son édifice. L'ame végétale organise le corps d'un animal ainsi que celui d'un végétal, mais d'une manière plus régulière, et sans contredit beaucoup plus compliquée. Elle le symétrise d'abord dans le sein maternel en deux moitiés parfaitement semblables, et en deux moitiés opposées tout-à-fait différentes. Après avoir établi ces consonnances et ces contrastes, elle développe et façonne son cerveau, ses nerfs, son cœur, ses veines, ses chairs, ses os, ses entrailles, sans qu'il en sente rien. Venu à la lumière, elle entretient la respiration de son poumon et la circulation de son sang, même pendant son sommeil, sans qu'il s'en mêle en aucune manière. Elle fait de même toutes les fonctions de sa digestion et de sa nourriture, au moyen de ses intestins, qui sont comme autant de racines. S'il vient à être blessé, elle répare ses plaies et les cicatrise en les recouvrant d'une nouvelle peau. Quelquefois elle lui engendre des membres tout entiers quand il les a perdus, comme on le voit dans les crabes, dont les pates repoussent toutes

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