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PREMIERE

DISSERTATION.

Que les Oracles n'ont point esté rendus par les Demons.

Left conftant qu'il y a des Demons, des Genies mal-faifans, & condamnez à des tourmens éternels. La Religion nous l'apprend, la raison nous apprend enfuite que ces Demons ont pû animer des Statues, & rendre des Oracles, fi Dieu le leur a permis; il n'eft queftion que de fçavoir s'ils ont receu de Dieu cette permiffion.

Ce n'eft donc qu'un Point de fait dont il s'agit; & comme ce Point de fait a uniquement dépendu de la volonté de Dieu, il eftoit de nature à nous devoir eftre revelé, fi la connoiffance nous en eust esté neceffaire.

Mais l'Ecriture Sainte ne nous apprend en aucune maniere que les Oracles ayent efté rendus par des Demons, & dés lors nous fommes en liberté de prendre party fur cette matiere; elle eft du nombre de A 3

cel

celles que la Sageffe Divine a jugées affez indiferentes pour les abandonner à nos difputes.

Cependant les avis ne font point partagez; tout le monde tient qu'il y a eu quelque chofe de furnaturel dans les Oracles. D'où vient cela? La raison en eft bien aisée à trouver pour ce qui regarde le temps prefent. On a cru dans les premiers Siecles du Chriftianifme, que les Oracles eftoient rendus par des Demons, il ne nous en faut pas davantage pour le croire aujourd'huy. Tout ce qu'ont dit les Anciens, foit bon, foit mauvais, eft fujet à eftre bien repeté, & ce qu'ils n'ont pû eux-mefmes prouver par des raifons fuffifantes, fe prouve à prefent par leur autorité feule. S'ils ont préveu cela, ils ont bien fait de ne fe pas donner toûjours la peine de raisonner fi exactement.

Mais pourquoy tous les premiers Chreftiens ont-ils cru que les Oracles avoient quelque chofede furnaturel? Recherchonsen prefentement les raifons; nous verrons enfuite fi elles eftoient affez folides.

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CHAPITRE I

བཉང ལྟ ། སྡེ

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Premiere Raifon, pourquoy les anciens Chreftiens ont crû que les Oracles étoient rendus par les Demons. Les Hiftoires furprenantes qui couroient fur le fait des Ora cles & des Genies.

'Antiquité eft pleine de je ne fçay

L combien d'Hiftoires fuprenantes, &

d'Oracles qu'on croit ne pouvoir attribuer qu'à des Genies. Nous n'en rapporterons que quelques exemples, qui reprefenteront tout le refte.

Tout le monde fçait ce qui arriva au Pilote Thamus. Son Vaiffeau eftant un foir vers de certaines Ifles de la Mer Egée, le vent ceffa tout à fait. Tous les gens du vaiffeau eftoient bien éveillez, la plufpart mefme paffoient le temps à boire les uns avec les autres, lors qu'on entendit tout d'un coup une voix qui venoit des Ifles & qui appelloit: Thamus. Thamus fe laiffa appeller deux fois fans répondre, mais à la troifiéme il répondit.

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quand

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La Voix luy commanda que quand il feroit arrivé à un certain lieu, il criât que le grand Pan eftoit mort. Il n'y eut perfonne dans le Navire qui ne fût faifi de frayeur & d'épouvante. On délibéroit fi Thamus devoit obéïr à la Voix, mais Thamus conclut que fi quand ils feroient arrivez au lieu marqué, il faifoit affez de vent pour paffer outre, il ne falloit rien dire, mais que fi un calme les arreftoit là, il faloit s'acquitter de l'ordre qu'il avoit receu. ne manqua point d'eftre furpris d'un calme à cet endroit là, & auffi-toftil fe mit à crier de toute fa force que le grand Pan eftoit mort. A peine avoit-il ceffé de parler, que l'on entendit de tous coftez des plaintes & des gemiffemens, comme d'un grand nombre de perfomnes furprises & affligées de cette nouvelle. Tous ceux qui eftoient dans le Vaiffeau furent témoins de l'avanture. Le bruit s'en répandit en peu de temps jufqu'à Rome, & l'Empereur Ti bere ayant voulu voir Thamus luy-mefme, affembla des gens Sçavans dans la Theologie Payenne, pour apprendre d'eux qui eftoit ce grand Pan, & il fut conclu que c'eftoit le Fils de Mercure & de Penelope. C'elt ainfi que dans le Dialogue où Plutar que traite des Oracles qui ont ceffé, Cleombrote conte cette Hiftoire, & dit qu'il la tient d'Epitherfés fon Maistre de Grammaire, qui eftoit dans le Vaiffeau de Thamus lors que la chofe arriva.

Thulis fut un Roy d'Egypte, dont l'Empire s'étendoit jufqu'à l'Ocean. C'eft luy, à ce qu'on dit, qui donna le nom de Thulé à l'Ile qu'on appelle prefentement Iflande. Comme fon Empire alloit apparemment jufque-là, il eftoit d'une belle étendue. Ce Roy enflé de fes fuccés & de fa profperité, alla à l'Oracle de Serapis, & luy dit.

Toy qui eft le maire du feu, qui gouvernes le cours du Ciel, dis-moy la verité. Ta-t-il ja mais eu, y aura-t'il jamais quelqu'un auffi puissant que moy?

L'Oracle luy répondit.

Premierement Dieu, enfuite la Parole, & l'Esprit avec eux, tous s'affemblans en Un, dont le pouvoir ne peut finir. Sors d'icy promtément, Mortel, dont la vie eft toûjours incertaine. -Au fortir de là, Thulis fut égorgé.

Eufebe atiré des Ecrits mefme de Porphire, ce grand ennemy des Chreftiens, les Oracles fuivans.

7012 Gémissez, Trépiez. Apollon vous quitte; il vous quitte forcé par une lumiere celefte. Jupiter a efté, il eft, il fera. O grand Fupiter! Helas! mes fameux Oracles he font plus, s

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2. La voix ne peut revenir à la Prêtresse. Elte eft deja condamnée au filence depuis long-temps. Faites toujours à Apollon des Sacrifices dignes d'un Dieu.

3 Malheureux Preftre, difoit Apollon à A 5

fon

* Suidas.

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