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citaft quelque Ouvrage fauffement attribué à Eufebe. Il est bien homme à vous rapporter fur la foy de certains faux Actes de S. Pierre, qui couroient encore de fon temps, que Simon le Magicien avoit à fa porte un gros Dogue qui devoroit ceux que fon Maiftre ne vouloit pas laiffer entrer; que faint Pierre voulant parler à Simon ordonna à ce Chien de luy aller dire en langage humain, que Pierre ferviteur de Dieu le demandoit; que le Chien s'acquitta de cet ordre au grand étonnement de ceux qui eftoient alors avec Simon; mais que Simon pour leur faire voir qu'il n'en fçavoit pas moins que S. Pierre, ordonna au Chien à fon tour d'aller luy dire qu'il entraft, ce qui fut executé auffi-toft. Voilà ce qui s'appelle chez les Grecs écrire l'Hiftoire, Cedrenus, vivoit dans un fiecle ignorant où la licence d'écrire impunément des Fables, fe joignoit encore à l'inclination generale qui y porte les Grecs.

Mais quand Eufebe dans quelque Ouvrage qui ne feroit pas venu jufqu'à nous, auroit effectivement parlé de l'Oracle d'Augufte, Eufebe luy mefme fe trompoit quelquefois, & on en a des preuves conftantes. Les premiers Défenfeurs du Chriftianifme, Juftin, Tertulien, Theophile, Ta tien auroient-ils gardé le filence fur un Oracle fi favorable à la Religion? Eftoient-ils affez peu zelez pour negliger cet avantage? Mais ceux * mefme qui nous donnent cet B 5 * Cedrenus, Suidas, Nicephore.

Oracle

Oracle le gastent, en y ajoûtant qu'Augufte de retour à Rome fit élever dans le Capitole un Autel avec cette Inscription; C'eft icy l'Autel du Fils unique, ou, Ainé de Dieu! Où avoit-il pris cette idée d'un Fils unique de Dieu dont l'Oracle ne parle point?

Enfin ce qu'il y a de plus remarquable, c'eft qu'Augufte depuis le Voyage qu'il fit en Grèce, 19. ans avant la Naiffance de Jefus Chrift, n'y retourna jamais: & mefme lors qu'il en revint, il n'eftoit guere dans la difpofition d'élever des Autels à d'autres Dieux qu'à luy, car il souffrit non feulement que les Villes d'Afie luy en élevaffent, & luy célebraffent des Jeux facrez, mais mefme qu'à Rome on confacraft un Autel à la Fortune qui eftoit de retour, Fortuna reduci, c'eft-à-dire à luymefme, & que l'on mift le jour d'un retour fi heureux entré les jours de Fefte.

*

Les Oracles qu'Eufebe rapporte de Porphire paroiffoient plus embarraffans que tous les autres. Eufebe n'aura pas fuppofé à Porphire des Oracles qu'il ne citoit point, & Porphire qui eftoit fi attaché au Paganifme n'aura pas cité de faux Oracles fur la ceffation des Oracles même, & à l'avantage de la Religion Chreftienne. Voicy, ce femble, le cas où le témoignage d'un ennemy a tant de force.

Mais auffi d'un autre cofté, Porphire n'eftoit

* Tácite, Dim Caffius.

n'eftoit pas affez malhabile homme pour fournir aux Chreftiens des armes contre le Paganifme, fans y eftre neceffairement engagé par la fuite de quelque raifonnement, & c'eft ce qui ne paroift point icy. Si ces Oracles euffent efté alleguez par les Chreftiens, & que Porphire en convenant qu'ils avoient efté effectivement rendus, fe fuft défendu dés conféquences qu'on en vouloit tirer, il eft feur qu'ils feroient d'un tres-grand poids; mais c'eft de Porphire mefme que les Chreftiens, felon qu'il paroift par l'exemple d'Eufebe, tiennent ces Oracles, c'eft Porphire qui prend plaifir à ruiner fa Religion, & à établir la noftre. En verité cela eft fufpect de foy-mefme, & le devient encore davantage par l'excez où il pouffe la chofe, car on nous rappor te de luy je ne fçay combien d'autres Oracles tres-clairs & tres-pofitifs, fur la Perfonne de Jefus Chrift, fur fa Refurretion, fur fon Afcenfion; enfin le plus entefté & le plus habile des Payens nous accable de preuves du Chriftianifme. Défions-nous de cette generofité.

Eufebe a cru que c'eftoit un affez grand avantage de pouvoir mettre le nom de Porphire à la tefte de tant d'Oracles fi favorables à la Religion. Il nous les donne dépoüillez de tout ce qui les accompagnoit dans les écrits de Porphire. Que fçavonsnous s'il ne les refutoit pas ? Selon l'interest de fa caufe, il le devoit faire, & s'il

ne

ne l'a pas fait, affeurément il avoit quelque intention cachée.

-1.

On foupçonne que Porphire eftoit affez méchant pour faire de faux Oracles, & les prefenter aux Chreftiens, à deffein de fe mocquer de leur credulité, s'ils les rece. voient pour vrais, & appuioient leur Religion fur de pareils fondemens. It en euft tiré des confequences pour des chofes bien plus importantes que ces Oracles, & euft attaqué tout le Chriftianisme par cet exemple, qui au fond n'euft pourtant rien conclu.

Il eft toûjours certain que ce mesme Porphire qui nous fournit tous ces Oracles, foûtenoit, comme nous avons veu, que les Oracles eftoient rendus par des Genies menteurs. Il fe pourroit donc bien faire qu'il euft mis en Oracles tous les Myfteres de noftre Religion, exprés pour tâcher à les détruire, & pour les rendre fufpects de fauffeté, parce qu'ils auroient, efté atteftez par de faux témoins. Je fçay bien que les Chreftiens ne le prenoient pas ainfi ; mais comment euffentils jamais prouvé par raisonnement que les Demons eftoient quelquefois forcez à dire la verité? Ainfi Porphire demeuroit toujours en eftat de fe fervir de fes Oracles contre eux, & felon le tour de cette difpute, ils devoient nier que ces Oracles euffent jamais efté rendus, comme nous le nions prefentement. Cela, ce me fem

ble,

ble, explique affez bien pourquoy Porphire eftoit fi prodigue d'Oracles favora bles à noftre Religion, & quel train avoit pû prendre le grand Procés d'entre les Chreftiens & les Payens; nous ne faisons que le deviner, car toutes les pieces n'en font pas venuës jufqu'à nous. C'eft ainfi qu'en examinant un peu les chofes de prés, on trouve que ces Oracles qui paroiffent fi merveilleux, n'ont jamais efté. Je n'en rapporteray point d'autres exemples', tout le refte eft de la mesme na

ture.

CHAPITRE V.

Que l'opinion commune fur les Oracles, ne s'accorde pas fi bien qu'on penfe avec la Religion.

L

E filence de l'Ecriture fur ces mauvais Demons que l'on prétend qui prefidoient aux Oracles, ne nous laiffe pas feulement en liberté de n'en rien croire, mais il nous y porte affez naturellement. Seroit-il poffible que l'Ecriture n'euft point appris aux Juifs & aux Chreftiens une chofe qu'ils ne pouvoient jamais deviner furement par leur raifon naturelle, & qu'il leur importoit extréme

ment

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