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en reconnoiffoit, & à l'egard des Platoniciens, la chofe eft hors de doute. Eufebe dans fa Préparation Evangelique, rappor te quantité de paffages de Porphire, où ce Philofophe Payen affeure que les mauvais Demons font les auteurs des Enchantemens, des Philtres, & des Malefices; qu'ils ne font que tromper nos yeux par des Spectres, & par des Fantofmes; que le Menfonge eft effentiel à leur nature; qu'ils excitent en nous la plufpart de nos paffions; qu'ils ont l'ambition de vouloir paffer pour des Dieux; que leurs corps aëriens & fpirituels fe nourriffent de fuffumigations, de fang répandu, & de la graiffe des Sacrifices; qu'il n'y a qu'eux qui fe mêlent de rendre des Oracles, & à qui cette fonction pleine de tromperie, foit tombée en partage; & enfin à la tefte de cette troupe de mauvais Demons il met Hecate & Serapis.

*

Jamblique, autre Platonicien, en dit autant; & comme la plufpart de ces chofes-là font vrayes, les Chreftiens receurent le tout avec joye, & y ajoûterent mefme un peu du leur, par exemple, que les Demons déroboient dans les écrits des Prophetes quelque connoiffance de l'avenir, & puis s'en faifoient honneur dans leurs Oracles. Ce Siftême des Chreftiens av oit cela de commode, qu'il découvroit aux Payens,

* Liv. 4. 5. 6.

*Tertulien dans l'Apologetique.

par

par leurs propres principes, l'origine de leur faux Culte, & la fource de l'Erreur où ils avoient toujours efté. Ils eftoient perfuadez qu'il y avoit quelque chofe de furnaturel dans leurs Oracles, & les Chreftiens qui avoient à difputer contre eux, ne fongeoient point à leur ofter cette pensée. Les Demons dont on convenoit de part & d'autre, fervoient à expliquer tout ce furnaturel. On reconnoiffoit cette efpece de miracle ordinaire qui s'eftoit fait dans la Religion des Payens; mais on leur en faifoit perdre tout l'avantage par les Auteurs ausquels on l'attribuoit, & cette voye eftoit bien plus courte & plus aifée que celle de contefter le miracle mefme par une longue fuite de recherches & de raisonnemens.

Voila comment s'établit dans les premiers Siecles de l'Eglife, l'opinion qu'on y prit fur les Oracles des Payens. Je pourrois aux raisons que j'ay apportées en ajouter une quatrième, auffi bonne peut-eftre que toutes les autres, c'eft que dans le Siffême des Oracles rendus par les Demons,

il y a du Merveilleux, & fi l'on a un peu étudié l'efprit humain, on fçait quelle force le Merveilleux a fur luy. Mais je ne prétens pas m'étendre fur cette reflexion; ceux qui y entreront, m'en croiront bien, fans que je me mette en peine de la prouver, & ceux qui n'y entreront pas, ne m'en croiroient pas peut-eftre aprés toutes mes preuves.

Examinons prefentement l'une aprés l'autre les raifons qu'on a euës de croire les Oracles furnaturels.

CHAPITRE IV.

Que les Hiftoires furprenantes qu'on debite fur les Oracles, doivent eftre fort fufpectes.

I

L feroit difficile de rendre raifon des
Hiftoires & des Oracles que nous avons

rapportez, fans avoir recours aux Demons, mais auffi tout cela eft-il bien vray ? Affurons-nous bien du fait, avant que de nous inquieter de la caufe. Il eft vray que cette methode eft bien lente pour la pluspart des Gens, qui courent naturellement à la caufe, & paffent par deffus la verité du fait; mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la caufe de ce qui n'eft point.

Ce malheur arriva fi plaifamment fur la fin du Siecle paffé à quelques Sçavans d'Al lemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler icy.

En 1593. le bruit courut que les dents eftant tombées à un enfant de Silefie, âgé de fept ans, il luy en eftoit venue une d'or, à la place d'une de fes groffes dents. Hor

ftius, Profeffeur en Medecine dans l'Uni-
verfité de Helmftad, écrivit en 1595. l'Hi-
ftoire de cette dent, & prétendit qu'elle
eftoit en partie naturelle, en partie mira-
culeufe, & qu'elle avoit efté envoyée de
Dieu à cet Enfant pour confoler les Chré-
tiens affligez par les Furcs. Figurez-vous
quelle confolation, & quel rapport de cette
dent aux Chreftiens, ny aux Furcs. En
la mefme année, afin que cette dent d'or
ne manquaft pas d'Hiftoriens', Rullandus
en écrit encore l'Hiftoire. Deux ans aprés,
Ingolfteterus, autre Sçavant, écrit contre
le fentiment que Rullandus avoit de la dent
d'or, & Rullandus fait auffi-toft une belle
& docte Replique. Un autre grand Hom
me nommé Libavius, ramaffe tout ce qui
avoit efté dit de la dent, & y ajoûte fon
fentiment particulier. Il ne manquoit au-
tre chofe à tant de beaux Ouvrages, finon
qu'il fuft vray que la dent eftoit d'or. Quand
un Orfevre l'eut examinée, il fe trouva
que
que c'eftoit une feuille d'or appliquée à la
dent avec beaucoup d'adreffe; mais on
commença par faire des Livres, & puis on
confulta l'Orfevre.

&len n'eft plus naturel que d'en faire au

pas

tant fur toutes fortes de matieres. Je ne fuis fi convaincu de noftre ignorance par les chofes qui font, & dont la raifon nous eft inconnue, que par celles qui ne font point, & dont nous trouvons la raifon. Cela veut dire que non feulement

nous

nous n'avons pas les Principes qui menent au vray, mais que nous en avons d'autre's qui s'accommodent tres-bien avec le faux,

De grands Phificiens ont fort bien trouvé pourquoy les lieux fouterrains font chauds en hyver, & froids en efté; de plus grands Phificiens ont trouvé depuis peu que cela n'eftoit pas.

Les difcuffions hiftoriques font encore plus fufceptibles de cette forte d'erreur. On raifonne fur ce qu'ont dit les Hiftoriens mais ces Hiftoriens n'ont-ils efté ny paffionnez, ny credules, ny mal inftruits, ny negligens? Il en faudroit trouver un qui euft efté fpectateur de toutes chofes, different, & appliqué.

in

Sur tout quand on écrit des faits qui ont liaison avec la Religion, il eft affez difficile que felon le Party dont on eft, on ne donne à une fauffe Religion des avantages qui ne luy font point deus, ou qu'on ne donne à la vraye, de faux avantages dont elle n'a pas befoin. Cependant on devroit eftre perfuadé qu'on ne peut jamais ajoûter de la verité à celle qui eft vraye, ny en donner à celles qui font fauffes.

Quelques Chreftiens des premiers Sie clés, faute d'eftre inftruits ou convaincus de cette maxime, fe font laiffé aller à faire en faveur du Chriftianifme, des fuppofi tions affez hardies, que la plus faine partie des Chreftiens ont enfuite defavoüées. Ce zele inconfideré a produit une infinité de B 2 Livres

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