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la Marquife. Vous me difiez l'autre jour qu'on avoit donné aux differentes parties de la Lune des noms de Sçavans & d'Aftronomes, & j'en étois fort contente. Puis que les Princes prennent pour eux la Terre, il eft jufte que les Sçavans fe refervent le Ciel, & y dominent, mais ils n'en devroient point permettre l'entrée à d'autres. Souffrez, repondis-je, qu'ils puiffent, du moins en cas de befoin, engager aux Prin ces quelque Aftre, ou quelque partie de la Lune, Quant aux taches du Soleil, ils n'en purent faire aucun ufage. Il fe trouva que ce n'eftoient point des Planetes mais des nuages, des fumées, des écumes, qui s'élevent fur le So leil. Elles font tantoft en grande quantité, tantoft en petit nombre, tantoft elles difparoiffent toutes; quelquefois elles fe mettent plufieurs enfemble, quelquefois elles fe feparent, quelquefois elles font plus claires, quelquefois plus noires. Il y a des tems où l'on en voit beaucoup, il y en a d'autres, & mesme affez longs, où il n'en paroift aucune. 11 femble que le Soleil foit une matiere liquide, quelques-uns difent de l'Or fondu, qui bouillonne inceffamment, & produit des impuretez, qui par la force de fon mouvement font rejettées fur fa furface. Elles s'y consument, & puis il s'en produit d'autres Imaginez-vous quels Corps étrangers ce font-là, il y en a tel qui eft peut-eftre auffi grand que la Terre. Jugez par-là quelle eft la quantité de cet Or fondu, ou l'étendue de cette grande Mer de lumiere & de feu qu'on appelle le Soleil. D'auF

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tres difent que le Soleil paroift avec des Lunettes tout plein de Montagnes qui vomiffent des flames, & que c'est comme un million de Monts Etna mis ensemble; mais on dit auffi que ces Montagnes font une pure vifion, caufée par quelque chofe qui arrive dans les Lunettes. A quoy fe fiera-t-on, s'il faut fe défier des Lunettes mefme, aufquelles nous devons la connoiffance de tant de nouveaux objets? Enfin, quoy que ce puiffe eftre que le Soleil, il ne paroift nullement propre à eftre habité. C'est pourtant dommage, l'habitation feroit belle. On feroit au centre de tout, on verroit toutes les Planetes tourner regulierement autour de foy, au lieu que nous voyons dans leurs cours une infinité de bizareries, qui n'y paroiffent que parce que nous ne fommes pas dans le lieu propre pour en bien juger, c'eft-à-dire, au centre de leur mouvement. Cela n'eft-il pas pitoyable? Il n'y á qu'un lieu dans le Monde, d'où l'étude des Aftres puiffe eftre extremement facile, & juftement dans ce lieu-là, il n'y a perfonne. Vous n'y fongez pas, dit la Marquife. Qui feroit dans le Soleil, ne verroit rien ny Planetes, ny Etoiles fixes. Le Soleil n'efface-t-il pas tout? Ce feroient fes Habitans qui feroient bien fondez à fe croire feuls dans toute la Nature.

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J'avoue que je m'étois trompé, répondisje. Je ne fongeois qu'à la fituation où eft le Soleil, & non à l'effet de fa lumière; mais vous qui me redressez fi à propos, vous vou

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lez bien que je vous dife que vous vous etes trompée auffi, les Habitans du Soleil ne le verroient feulement pas. Ou ils ne pourroient foutenir la force de fa lumiere ou ils ne la pourroient recevoir, faute d'en eftre à quel que distance, & tout bien confideré, le Soleil ne feroit qu'un féjour d'aveugles; encote un coup, il n'eft pas fait pour eftre habité; mais voulez-vous que nous poursuivions noftre Voyage des Mondes? Nous fommes arrivez au centre qui eft toûjours le lieu le plus bas dans tout ce qui eft rond, il faudroit prefentement retourner fur nos pas, & remonter. Nous retrouverons Mercure, Venus, la Terre, la Lune toutes Planetes que nous avons vifitées. Enfuite c'eft Mars qui fe prefente Mars n'a rien de curieux que je fçache, fes jours ne font pas d'une heure enticre plus longs que les noftres; mais fes années valent deux de nos années. Il est plus petit que la Terre, il voit le Soleil un peu moins grand & moins vif que nous ne le voyons; enfin Mars ne vaut pas trop la peine qu'on s'y arrefte. Mais la jolie chofe que Jupiter avec fes quatre Lunes ou Satellites! Ce font quatre petites Planetes qui tournent autour de luy, comme noftre Lune tourne autour de nous. Mais, interrompit la Marquife, pourquoy y a-t-il des Planetes qui tour-nent autour d'autres Planetes qui ne valent pas mieux qu'elles? Serieufement il me paroiftroit plus regulier & plus uniforme que toutes les Planetes, grandes & petites, n'eufF 2

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fent que le mefme mouvement autour du Soleil.

Ah! Madame, repliquay-je, fi vous fçavicz ce que c'est que les Tourbillons de Defcartes, ces Tourbillons dont le nom eft fi terrible, & l'idée fi agréable, vous ne parleriez pas comme vous faites. La tefte mc duft-elle tourner, dit-elle en riant; il est beau de fçavoir ce que c'eft que les Tourbillons. Achevez de me rendre folle, je ne me ménage plus, je ne connois plus de retenuë fur la Philofophie; laiffons parler le monde ; & donnons nous aux Tourbillons. Je ne vous connoiffois pas de pareils emportemens, repris-je; c'est dommage qu'ils n'ayent que les Tourbillons pour objet. Ce qu'on appelle un Tourbillon, c'est un amas de matiere dont les parties font détachées les unes des autres, & fe meuvent toutes en un mesme fens; permis à elles d'avoir pendant ce tems-là quelques petits mouvemens particuliers, pourveu qu'elles fuivent toûjours le mouvement general. Ainfi un Tourbillon de vent, c'est une infinité de petites parties d'air qui tournent en rond toutes ensemble, & envelopent ce qu'elles rencontrent. Vous fçavez que les Planetes font portées dans la matiere celefte, qui eft d'une fubtilité, & d'une agitat on prodigieufe. Tout ce grand amas de matiere celeste, qui eft depuis le Soleil jufqu'aux Etoiles fixes, tourne en rond & emportant avec foy les Planetes, les fait tourner toutes en un mefme fens autour du Soleil, qui occuple cen

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tre, mais en des temps plus ou moins longs, felon qu'elles en font plus ou moins éloignées. Il n'y a pas jufqu'au Soleil qui ne tourne fur luy-mefme, parce qu'il eft juftement au milieu de toute cette matiere celelte; & vous remarquerez en paffant, que quand la Terre feroit dans la place où il eft, elle ne pourroit encore faire moins que de tourner für ellemefme.

Voilà quel eft le grand Tourbillon dont le Soleil eft comine le Maiftre; mais en mefme temps les Planetes le compofent de petits Tourbillons particuliers à l'imitation de celuy du Soleil, Chacune d'elles en tournant autour du Soleil, ne laiffe pas de tourner autour d'elle-mefme, & fait tourner auffi autour d'elle en mefme fens une certaine quantité de cette matiere celefte, qui eft toûjours prefte à fuivre tous les mouvemens qu'on luy veut donner, s'ils ne la détournent pas de fon mouvement general. C'eft-là le Tourbillon particulier de la Planete, & elle le poufle auffi loin que la force de fon mouvement fe peut étendre. S'il faut qu'il tombe dans ce petit Tourbillon quelque Planete moindre que celle qui y domine, la voilà emportée par la grande, & forcée indifpenfablement à tourner autour d'elle, & le tout ensemble, la grande Planete, la petite, & le Tourbillon qui les renferme, n'en tourne pas moins autour du Soleil. C'eft ainfi qu'au commencement du Monde nous nous filmes fuivre par la Lune, parce qu'elle fe trouva dans l'étendue de

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