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plus grande, que Venus ne nous paroift d'icy; & comme la Lune eft auffi quarante fois plus petite que la Terre, elle paroift de dedans Venus à peu prés de la mefme grandeur dont Venus nous paroift d'icy.

Vous m'affligez, dit la Marquife. Je voy bien que la Terre n'eft pas pour Venus l'Etoile du Berger, & la Mere des Amours, comme Venus l'eft pour la Terre; car la Terre de dedans Venus paroift trop grande, mais la Lune qui y paroift de la mefme grandeur dont Venus nous paroift d'icy, eft juftement taillée comme il faut pour y eftre Mere des Amours, & Etoile du Berger. Ces noms ne peuvent convenir qu'à une petite Planete qui foit jolie, claire, brillante, & qui ait un air galant. C'est affeurément une deftinée agréable pour noftre Lune que de prefider aux Amours des Habitans de Venus, ces Gens-là doivent bien entendre la galanterie. Oh! fans doute, répondis-je, le menu Peuple de Venus n'est compofé que de Celadons & de Silvandres, & leurs Converfations les plus communes valent les plus belles de Clelie. Le climat eft tres-favorable aux Amours, Venus eft plus proche que nous du Soleil, & en reçoit une lumiere plus vive & plus de chaleur.

Je voy prefentement, interrompit la Marquife, comment font faits les Habitans de Venus. Ils reffemblent aux Mores Grenadins; un petit Peuple noir, brûlé du Soleil, plein d'efprit & de feu, toûjours amoureux, faifant des Vers, aimant la Mufique, inventant

tous

tous les jours des Feftes, des Danfes & des Tournois. Permettez-moy de vous dire, Madame, repliquay, que vous ne connoiffez guere bien les Habitans de Venus. Nos Mores Grenadins n'auroient efté auprés d'eux que des Lappons & des Groëenlandois pour la froideur & pour la ftupidité.

Mais que fera-ce des Habitans de Mercure? Ils font encore plus proches du Soleil; il faut qu'ils foient fous à force de vivacité. Je croy qu'ils n'ont point de memoire, non plus que la plupart des Negres, qu'ils ne font jamais de reflexion fur rien, qu'ils n'agiffent qu'à l'avanture, & par des mouvemens fubits, & qu'enfin c'eft dans Mercure que font les Petites Maifons de l'Univers. Ils voyent le -Soleil beaucoup plus grand que nous ne le voyons, parce qu'ils en font beaucoup plus proches. Il leur envoye une lumiere fi forte, que s'ils eftoient icy, ils ne prendroient nos plus beaux jours que pour de tres-foibles Crepufcules, & peut-eftre n'y pourroient-ils pas diffinguer les objets; & la chaleur à laquelle Ils font accoutumez eft fi exceffive, que celle qu'il fait icy au fond de l'Afrique, croit propre à les glacer. Leur année n'eft que de trois mois La durée de leur jour ne nous eft point connue, parce que Mercure eft fi petit & fi proche du Soleil, dans les rayons duquel il eft prefque toujours perdu, qu'il échape à toute l'adreffe des Aftronomes, & qu'on n'a pû encore avoir affez de prife fur luy, pour obferver le mouvement qu'il doit avoir fur fon

ceutre

centre; mais fa petiteffe fait croire qu'il acheve ce tour en peu de temps; que par confequent le jour de Mercure eft fort court, & que les Habitans voyent le Soleil comme un grand poële ardent, peu éloigné de leurs teftes, & qui va d'une rapidité prodigicufe. Cela en cft mieux pour eux, car apparemment ils foûpirent aprés la nuit. Ils font éclairez pendant ce temps-là dé Venus, & de la Terre, qui leur doivent paroiftre affez grandes. Pour les autres Planetes, comme elles font au delà de la Terre vers le Firmament, ils les voyent plus petites que nous ne les voyons, & n'en reçoivent que bien peu de lumiere; peut-eftre n'en reçoivent-ils point du tout. Les Etoiles Fixes fonr auffi plus petites pour eux, & mefme il doit y en avoir beaucoup qui difparoiffent entierement; c'eft, felon moy, une perte. Je ferois bien fâché de voir cette grande voûte ornée de moins d'Etoiles, & de ne voir celles qui me refteroient, que plus petites, & d'une couleur plus effacée.

Je ne fuis pas fi touchée, dit la Marquife, de cette perte-là que font les Habitans de Mercure, que de l'incommodité qu'ils reçoivent de l'excés de la chaleur. Je voudrois bien que nous les foulageaffions un peu, Donnons à Mercute de longues & d'abondantes pluyes qui le rafraichiffent, comme on dit qu'il en tombe icy dans les Pays chauds pendant des quatre mois entiers, juftement dans les faifons les plus chaudes.

Čela fe peut, repris-je, & mefme nous pou

vons rafraichir encore Mercure d'une autre façon. Il y a des Pays dans la Chine qui doivent eftre tres-chauds par leur fituation, & où il fait pourtant de grands froids pendant les mois de Juillet & d'Aouft, jufque-là que les Rivieres fe gelent. C'eft que ces contrées-là ont beaucoup de Salpêtre; les exhalaifons en font fort froides, & la force de la chaleur les fait fortir de la Terre en grande abondance. Mercure, fera fi vous voulez, une petite Planete toute de falpêtre, & le Soleil tirera d'elle-mesme le remede au mal qu'il luy pourroit faire. Ce qu'il y a de feur, c'eft que la nature ne fçauroit faire vivre les Gens qu'où ils peuvent vivre, & que l'habitude jointe à l'ignorance de quelque chofe de meilleur furvient, & les y fait vivre agréablement. Ainfi on pourroit mefme fe paffer dans Mercure du falpêtre & des pluyes..

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Aprés Mercure, vous fçavez qu'on trouve le Soleil. Il n'y a pas moyen d'y mettre d'Habitans. Le pourquoy non, nous manque là. Nous. jugeons par la Terre qui eft habitée, que les autres Corps de la mefme espece qu'elle, doivent l'eftre auffi, mais le Soleil n'eft point un Corps de la mefme efpece que la Terre, ny que les autres Planetes. Il eft la fource de toute cette lumiere que les Planetes ne font que fe renvoyer les unes aux autres, aprés l'avoir reçûe de luy. Elles en peuvent faire, pour ainfi dire, des échanges entre-elles, mais elles ne la peuvent produire. Luy feul tire de foy-mefme cette précieufe fubftance,il la poufle

avec force de tous coftez; de là elle revient à la rencontre de tout ce qui eft folide, & d'une Planete à l'autre il s'épand de longues & vafles traifnées de lumiere qui fe croifent & fe traverfent, & s'entrelaffent en mille façons differentes, & forment d'admirables tiffus de la plus riche matiere qui foit au monde, Auffi le Soleil eft-il placé dans le centre, qui eft le lieu le plus commode d'où il puiffe la diftribuer également, & animer tout par fa chaleur. Le Soleil eft donc un Corps particulier, mais quelle forte de Corps? On eft bien embaraflé à le dire: On avoit toûjours crû que c'eftoit un feu tres-pur, mais on s'en defabufa au commencement de ce Siecle, qu'on appercût des taches fur fa furface. Comme on avoit découvert peu de temps auparavant de nouvelles Planetes dont je vous parleray, que tout le Monde Philofophe n'avoit l'efprit remply d'autre chofe, & qu'enfin les nouvelles Planetes s'eftoient mifes à la mode, on jugea auffi-toft que ces taches en eftoient, qu'elles avoient un mouvement autour du Soleil, & qu'elles nous en cachoient necessairement quelque partie, en tournant leur moitié obfcure vers nous. Déja les Sçavans faifoient leur Cour de ces prétenduës Planetes tous les Princes de l'Europe. Les uns leur donnoient le nom d'un Prince, les autres d'un autre, & peut-eftre il y auroit eu querelle entr'eux à qui feroit demeuré le maistre des taches pour les nommer comme il cuft voulu.

Je ne trouve point cela bon, interrompit

la

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