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ans on l'a démeflée feurement, & elle a fait 4 quelque tems les délices des Aftronomes, dont la curiofité avoit befoin d'eftre réveillée par quelque chofe d'une efpecc nouvelle; ils euffent eu beau découvrir de nouvelles Planetes fubalternes, ils n'en eftoient prefque plus touchez; les deux dernieres Lunes de Saturne, par exemple, ne les ont pas charmez ny ravis, comme avoient fait les Satellites ou les Lunes de Jupiter; on s'accoûtume à tout. On voit donc un mois devant & aprés l'Equinoxe de Mars, lors que le Soleil eft couché, & le Crefpufcule finy,une certaine lumiere blanchâtre qui reflemble à une queue de Comete. On la voit avant le lever du Soleil, & avant le Crepufculé vers l'Equinoxe de Septembre, & vers le Solftice d'Hiver on la voit foir & matin; hors de là elle ne peut, comme je viens de vous dire, fe dégager des CrepufcuIcs qui ont trop de force & de durée; car on fuppofe qu'elle fubfifte toujours, & l'apparence y eft toute entiere. On commence à conjecturer qu'elle eft produite par quelque grand amas de matiere un peu épaiffe qui environne le Soleil jufqu'à une certaine étendue la plufpart de les rayons percent cette enceinte, & viennent à nous en ligne droite, mais il y en a qui allant donner contre la furface interieure de cette matiere, en font renvoyez vers nous, & y arrivent lors que les rayons directs, ou ne peuvent pas encore y arriver le matin, ou ne peuvent plus y arriver le foir.Comme ces rayons refléchis partent de plus

haut

haut que les rayons directs, nous devons les avoir plûtoft, & les perdre plus tard.

Sur ce pied-là, je dois me dédire de ce que je vous avois dit, que la Lune ne devoit point avoir de Crepufcules, faute d'eftre environnée d'un air épais ainfi que la Terre. Elle n'y perdra rien, fes Crepufcules luy viendront de cette efpece d'air épais qui environne le Soleil, & qui en r'envoye les rayons dans des lieux où ceux qui partent directement de luy ne peuvent aller. Mais ne voilà-t-il pas auffi, dit la Marquife, des Crepufcules affurcz pour toutes les Planetes, qui n'auront pas befoin d'ettre envelopées chacune 'd'un air groffier, puifque celuy qui envelope le Soleil feul peut faire cet effet-là pour tout ce qu'il y a de Planetes dans le Tourbillon? Je croirois affez volontiers que la Nature, felon le penchant que je luy connois à l'œconomie, ne fe feroit fervie que de ce feul moyen. Cependant, repliquay-je, malgré cetre œconomie, il y auroit à l'égard de noftre Terre deux caufes de Crepufcules, dont l'une, qui eft l'air épais du Soleil, feroit aflez inutile, & ne pourroit estre qu'un objet de curiofité pour les Habitans de l'Otfervatoire; mais il faut tout dire, il fe peut qu'il n'y ait que la Terre qui pouffe hors de foy des vapeurs & des exhalaifons affez groffieres pour produire des Crepufcules, & la Nature aura eu raifon de pourvoir par un moyen general aux befoins de toutes les autres Planetes, qui feront, pour ainsi dire, plus

pures,

pures, & dont les évaporations feront plus fubtiles. Nous fommes peut-eftre ceux d'en tre tous les Habitans des Mondes de noftrc Tourbillon à qui il faloit donner à refpirer L'air le plus groffier & le plus épais. - Avec quel mépris nous regarderoient les Habitans des autres Planetes, s'ils fçavoient cela?

Ils auroient tort, dit la Marquife, on n'eft pas à méprifer pour eftre envelopé d'un air épais, puis que le Soleil fuy-mefme en a un qui l'envelope. Dites-moy, je vous prie, cet air n'eft-il point produit par de certaines vapeurs que vous m'avez dit autrefois qui fortoient du Soleil, & ne fert-il point à rompre la premiere force des rayons, qui auroit peut-eftre efté exceffive? Je conçois que le Soleil pourroit eftre naturellement voilé, pour cftre plus proportionné à nos ufages. Voilà, Madame, répondis-je, un petit commencement de Siftême que vous avez fait affez heureusement. On y pourroit ajoûter que ces vapeurs produiroient des efpeces de pluyes qui retomberoient dans le Soleil pour le rafraîchir, de la mefme maniere que l'on jette quelquefois de l'eau dans une forge dont le fen, eft trop ardent. Il n'y a rien qu'on ne doive préfumer de l'adreffe de la Nature, mais elle a une autre forte d'adrefle toute particuliere pour se dérober à nous & on ne doit pas s'affurer aifément d'avoir deviné fa maniere d'agir ny fes deffeins. En fait de Découvertes nouvelles, il ne fe faut pas trop fe preffer de raifonner, quoy qu'on en ait toujours

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jours aflez d'envie, & les vrais Philofophes font comme les Elephans, qui en marchant ne pofent jamais le fecond pied à terre, que le premier n'y foit bien affermy. La comparaifon me paroift d'autant plus jufte, interrompit-elle que le merite de ces deux efpeces, Elephans & Philofophes, ne confifte nullement dans les agrémens exterieurs. Je confens que nous imitions le jugement des uns & des autres; apprenez-moy encore quélques-unes des dernieres Découvertes, & je vous promets de ne point faire de Siftêines précipitez.

Je viens de vous dire, répondis-je, toutes. tes nouvelles que je fçay du Ciel, & je ne éroy pas qu'il y en ait de plus fraîches. Je fais bien fâché qu'elles ne foient pas auffi furprenantes & auffi merveilleufes que quelques Obfervations que je lifois l'autre jour dans un Abrégé des Aunales de la Chine, écrit en Latin, & imprimé depuis peu. On y voit des mille Etoiles à la fois qui tombent du Ciel dans la Mer avec un grand fracas, ou qui fe diffol vent, & s'en vont en pluye, & cela n'a pas eflé veu pour une fois à la Chine. J'ay trouvé cette Obfervation en deux temps affez éloignez, fans compter une Etoile qui s'en va crever vers l'Orient, comme une tufée toujours avec grand bruit. It eft fâcheux que ces fpectacles là foient reservez pour la Chine, & que ces Pays-cy n'en ayent jamais eu leur part. Il n'y a pas long-tems que tous nos Philofophes fe croyoient fondez en expe

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rience pour foutenir que les Cieux & tous les Corps Celeftes eftoient incorruptibles, & incapables de changement, & pendant ce tempslà d'autres hommes à l'autre bout de la Terre voyoient des Etoiles fe diffoudre par milliers, cela eft affez different. Mais, dit-elle, n'ay, je pas toûjours ouy dire que les Chinois eftoient de fi grands Aftronomes? Il eft vray, repris-je, mais les Chinois y ont gagné à estre feparez de nous par un long efpace de Terre, comme les Grecs & les Romains à en eftre feparez par une longue fuite de fiecles; tout éloignement eft en droit de nous impofer. En verité, je croy toûjours de plus en plus, qu'il y a un certain Genie qui n'a point encorc efté hors de noftre Europe, ou qui du moins ne s'en eft pas beaucoup éloigné. Peutcftre qu'il ne luy eft pas permis de fe répandre dans une grande étendue de terre à la fois, & que quelque fatalité luy prefcrit des bornes affcz étroites. Joüiffons-en tandis que nous le poffedons; ce qu'il a de meilleur, c'est qu'il ne fe renferme pas dans les fciences & dans les fpeculations féches, il s'étend avec autant de fuccés, jufqu'aux chofes d'agrément, fur lesquelles je doute qu'aucun Peuple nous égale. Ce font celles-là, Madame, aufquelles il appartient de vous occuper, & qui doivent composer toute voftre Philofophic.

FIN.

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