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» et les explique par des Allégories morales, disant que » l'on doit éviter le commerce des hommes que ces ani» maux représentent. Le porc marque les voluptueux et ›» les ingrats, qui ne reconnaissent leurs maîtres que dans » le besoin. Les oiseaux de proie sont les voleurs, qui, » sans travailler, vivent aux dépens d'autrui. Les poissons » qui demeurent au fond de l'eau sans nager au-dessus, » sont les pécheurs impénitens. Le lièvre, l'hyène et la » belette, sont les symboles de l'impureté : car l'apôtre >> suppose ce que l'on en croyait communément, sans » approfondir la vérité de l'Histoire naturelle. Les ani>> maux qui ruminent et qu'il est permis de manger, sont » les justes, qui méditent la nourriture spirituelle que Dieu » leur donne. Le pied fourchu montre que, marchant en » ce monde, ils attendent la vie future. » (Hist. ecclés., 1 11, § LVII.)

ELEURY a eu soin d'abréger le texte de l'épître, et de passer légèrement sur bien des singularités, qu'il ne nous convient pas non plus de relever ici.

Il est à remarquer que les Anciens échangeaient les noms des animaux, des uns aux autres, comme on a vu que les Romains appelèrent les éléphans les boeufs de Lucanie. (Voyez ci-dessus, chant II, pages 44-45.)

On peut attribuer aussi le nom des bêtes à des choses inanimées. Le Belier, chez les Anciens, fut une machine de guerre. EPÉUS en fut l'inventeur, et c'est la raison pour laquelle on l'a regardé comme l'auteur du célèbre cheval de Troie.

Les chaînes portaient autrefois la figure d'un chien, d'un chat; c'est ce qui fait qu'un personnage des comédies de PLAUTE dit à un autre qu'il devrait aller se coucher avec un petit chat de fer '.

On peut aussi donner les noms des bêtes à des hommes

Cùm catello ut accubes,

Ferreo ego dico.

PLAUT., Curcul., act. v, sc. III.

qui le méritent trop souvent; ainsi un lion, un tigre, c'est un homme cruel et un caractère féroce; et c'est de cette Métaphore que sont venues les Fables d'Orphée et d'Amphion. HORACE nous l'atteste dans sa belle Épître aux Pisons, et BOILEAU, d'après lui, répète :

Qu'aux accens dont Orphée emplit les monts de Thrace,

Les tigres amollis dépouillaient leur audace ;

Qu'aux accords d'Amphion les pierres se mouvaient
Et sur les murs Thébains en ordre s'élevaient '.

HORACE a dit encore ailleurs :

Que le chant d'Amphion, par Mercure inspiré,
A Thèbes arrangeait les pierres à son gré 2.

SOLIN remarque, à ce sujet, qu'Amphion construisit les murs et la citadelle de Thèbes : « Non pas cependant que »sa lyre eût, en effet, conduit et taillé des rochers, mais » parce que ses bons discours et ses exhortations élo» quentes engagèrent les habitans du Cythéron, alors pres» que sauvages, à adoucir leurs mœurs, et à se ranger » sous les lois d'une police plus civile 3. »

Voilà des témoignages positifs et irrécusables de ce que les Anciens ont eux-mêmes pensé de toutes ces merveilles, uniquement grammaticales et fondées sur des Métaphores! Combien d'autres exemples n'en peut-on pas citer?

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Sylvestres homines sacer interpresque deorum

Gædibus et victu fœdo deterruit Orpheus;

Dictus ob hoc lenire Tigres, rabidosque Leones.
Dictus et Amphion, Thebanæ conditor arcis,
Saxa movere sono testudinis, et prece blandâ
Ducere quò vellet.

HORAT., art. poet. 391-396.

Mercuri (nam te docilis Magistro,

Movit Amphion lapides canendo), etc.

HORAT., 1. III, od. XI.

3 Non quòd lyrâ saxa duxerit, sed quòd, suaviter affatus homines rupium accolas et incultis moribus rudes, ad obsequii civilis pellexerit disciplinam. SOLIN., Polyhist., c. 13.

Protée était un roi d'Égypte, qui aimait à porter des casaques où il fesait peindre des animaux, et il en changeait tous les jours. On a dit qu'il changeait de forme à volonté. Périclimène, dans OVIDE, eut aussi le même avantage, qui n'aboutit à rien pour lui, puisqu'il ne le dispensa pas d'être atteint d'une flèche lorsqu'il s'était changé en aigle.

Ibis est le nom d'un oiseau. CALLIMAQUE donna ce nom à un disciple ingrat. A son exemple, OVIDE a fait des imprécations contre un Ibis, qu'on soupçonne être Mécène, ou un autre romain qui détournait Auguste de rappeler OVIDE, parce qu'il profitait de l'exil du poëte pour faire sa cour à sa femme.

Une femme publique était appelée une Louve; et de là vient la Fable de la Louve qui a nourri Rémus et Romulus. C'était un sobriquet de la femme de Faustulus, qui prit soin de ces deux jumeaux; mais on les peint toujours pendans à la mamelle d'une louve. La Métaphore a prévalu sur la réalité.

ARISTOPHANE a fait une comédie des Oiseaux : allusion perpétuelle aux habitans de l'air, sous l'emblème desquels il se plaît à satiriser les citoyens d'Athènes. Autrefois (dit un député qu'il introduit dans cette pièce), autrefois on voulait singer en tout Lacédémone; mais ce n'est plus cela :

L'on ne respire plus que les mœurs des oiseaux,

Et le monde entier en raffole,

C'est sur ces modèles nouveaux

Que se règlent geste et parole.

On déniche de grand matin;

On plume, autant qu'on peut, son plus proche voisin;
On va graisser la pate à quelque commissaire;

On fait le pied de grue au lieu de s'ennuyer;

On tire l'aile pour payer;

Et l'on fait le plongeon lorsqu'il est nécessaire, etc.

Trad. de P. DE SIVRY.

Les Médisans étaient des chiens; et de là vient encore

la métamorphose d'Hécube. PLAUTE en parle dans les Ménechmes.

MÉNECHME.

O femme! sais-tu bien pourquoi les Grecs sensés
Ont fait changer Hécube en chienne?

LA FEMME.

Je ne sais.

MÉNECHME.

C'est qu'Hécube fesait ce que l'on te voit faire.
Hécube, comme toi, ne sachant pas se taire,
Attaquait les passans qui ne lui disaient rien :
Aussi la fit-on chienne, et certes l'on fit bien '!

ZoïLE ayant médit d'HomÈke et de PLATON, fut appelé le chien de la Rhétorique 2. DENYS d'Halicarnasse dit pourtant du bien de ZoïLE; mais il n'a pas remis ce surnom en honneur.

Actéon, grand chasseur, fut mangé par ses chiens, et changé en cerf par Diane. OVIDE en fait un beau récit. (Métam., 1. m.) Cet Actéon était un homme adonné à la chasse, et qui se ruina pour entretenir une meute. (FULGENT, Mythol. I, 1.) Image de beaucoup de Grands qui sont dévorés par leurs chiens, c'est-à-dire, par leurs courtisans, leurs flatteurs; ce qui fait dire à THÉOCRITE : Oui prenez soin des chiens et des petits des loups :

Les ingrats finiront par se jeter sur vous

3.

Il y a eu chez les Modernes des hommes possédés de cette manie d'Actéon. On parle d'un duc de Milan qui

1 ME. Non tu scis, mulier, Hecubam quapropter canem
Graii esse prædicabant? MU. Non equidem scio.
ME. Quia idem faciebat Hecuba quod tu nunc facis :
Omnia mala ingerebat, quemquem adspexerat.
Itaque adeò jure cœpta est appellari canis.

PLAUT., Men., act. v, sc. I.

ELIAN., var. Hist., 1. II, c. 10.

3 Pasce canes qui te lanient, catulosque luporum!

nourrissait cinq mille chiens, et si jaloux du droit de chasse, qu'il fit, en un seul jour, mourir jusqu'à cent hommes qui n'avaient commis d'autre crime que de tuer ses sangliers, ou même d'en avoir mangé à la table de leurs voisins. (Paul JovE.)

Enfin, l'on peut encore transporter à des hommes, ou aux choses inanimées, non pas le nom des bêtes, mais ce qui n'appartient qu'à elles, comme les ailes des oiseaux qu'on applique aux navires :

De nos voiles, enfin, nous déployons les ailes 1.

Voler, c'est aller vite. « Quand la fortune nous échappe, tous nos amis s'envolent 2. »

« Y a-t-il rien qui vole (qui se répande promptement) » comme la médisance 3? »

mers,

Ces Métaphores nous expliquent un grand nombre de fables; et du nombre des plus célèbres, celle de Dédale et d'Icare; et celle de Persée, qui vola pour combattre un monstre marin, c'est-à-dire, un pirate qui infestait les et qui voulait forcer Céphée à lui donner sa fille; et celle de Bellerophon qui porté, non sur un cheval, mais bien sur un vaisseau léger, nommé Pégase, poursuivit un autre pirate monté sur un navire ayant à sa proue un lion, un dragon à sa poupe, et une chèvre entre les deux. Ce navire était la Chimère. C'est ce que dit PLUTARQUE, au Traité des Femmes illustres. SERVIUS l'explique autrement; selon lui, la Chimère était le nom d'une montagne que Bellerophon seul avait trouvé l'art de rendre habitable. (SERVIUS, En eid. v. )

Les animaux sont les sujets les plus fréquens des comparaisons et des fables. Toute comparaison peut se tourner en Métaphore; et presque toute Métaphore peut à son tour être tournée en une Allégorie et devenir un Apo

I

Velorum pandimus alas. VIRGIL., Æn. 111.

* Simul fortuna dilapsa est, devolant omnes. CICER., ad Herenn. 3 Nihil est tam volucre, quàm maledictum. Idem.

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