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Mérite bien qu'à vous je m'en rapporte : Je tiens la chose à résoudre un peu forte.

ÉPITRE

A M. DE NIERT.

SUR L'OPERA.

NIERT, qui, pour charmer le plus juste des rois,
Inventas le bel art de conduire la voix,
Et dont le goût sublime à la grande justesse
Ajouta l'agrément et la délicatesse;

Toi qui sais mieux qu'aucun le succès que jadis
Les pièces de musique eurent dedans Paris,
Que dis-tu de l'ardeur dont la cour échauffée
Frondoit en ce temps-là les grands concerts d'Orphée,
Les passages d'Atto et de Léonora,

Et du déchaînement qu'on a pour l'opéra ?
De machines d'abord le surprenant spectacle
Éblouit le bourgeois, et fit crier miracle:
Mais la seconde fois il ne s'y pressa plus;
Il aima mieux le Cid, Horace, Héraclius.
Aussi de ces objets l'ame n'est point émue,
Et même rarement ils contentent la vue.
Quand j'entends le sifflet, je ne trouve jamais
Le changement si prompt que je me le promets.
Souvent au plus beau char le contrepoids résiste :
Un dieu pend à la corde, et crie au machiniste;
Un reste de forêt demeure dans la mer,
Ou la moitié du ciel au milieu de l'enfer.
Quand le théâtre seul ne réussiroit guère,
La comédie au moins, me diras-tu, doit plaire:
Les ballets, les concerts, se peut-il rien de mieux
Pour contenter l'esprit et réveiller les yeux ?
Ces beautés néanmoins, toutes trois séparées,
Si tu veux l'avouer, seroient mieux savourées.
De
genres
ssi divers le magnifique appas
Aux règles de chaque art ne s'accommode pas.
Il ne faut pas, suivant les préceptes d'Horace,
Qu'un grand nombre d'acteurs le théâtre embarrasse,
Qu'en sa machine un dieu vienne tout ajuster.
Le bon comédien ne doit jamais chanter.
Le ballet fut toujours une action muette:
La voix veut le téorbe, et non pas la trompette;
Et la viole, propre aux plus tendres amours,
N'a jamais jusqu'ici pu se joindre aux tambours.
Mais en cas de vertus, Louis, qui par pratique,
Sait que, pour en avoir une seule héroïque,
Il faut en avoir mille, et toutes à la fois,
Veut voir si, comme il est le plus puissant des rois,
En joignant, comme il fait, mille plaisirs de même,
Il en peut avoir un dans le degré suprême.
Comme il porte au-dehors la terreur et l'amour,
Humain dans son armée autant que dans sa cour,
Il veut, sur le théâtre ainsi qu'à la campagne,
La foule qui le suit, l'éclat qui l'accompagne ;
Et son peuple, qui l'aime et suit tous ses désirs,

Se conforme à son goût, ne veut que ses plaisirs.
Ce n'est plus la saison de Raymon ni d'Hilaire :
Il faut vingt clavecins, cent violons pour plaire
On ne va plus chercher au fond de quelque bois
Des amoureux bergers la flûte et le hautbois;
Le téorbe charmant, qu'on ne vouloit entendre
Que dans une ruelle avec une voix tendre;
Pour suivre et soutenir par des accords touchants
De quelques airs choisis les mélodieux chants;
Boisset, Gautier, Hémon, Chambonnière, Labarre,
Tout cela seul déplaît, et n'a plus rien de rare.
On laisse là Dubut, et Lambert, et Camus;

On ne veut plus qu'Alceste, ou Thésée, ou Cadmus.
Que l'on n'y trouve point de machines nouvelles,
Que les vers soient mauvais, que les voix soient cruelles;
De Baptiste épuisé les compositions

Ne sont, si vous voulez, que répétitions.
Le François, pour lui seul contraignant sa nature,
N'a que pour l'opéra de passion qui dure.
Les jours de l'opera, de l'un à l'autre bout,
Saint-Honoré, rempli de carrosses partout,
Voit, malgré la misère à tous états commune,
Que l'opéra tout seul fait leur bonne fortune.
Il a l'or de l'abbé, du brave, du commis;
La coquette s'y fait mener par ses amis;
L'officier, le marchand, tout son rôti retranche
Pour y pouvoir porter tout son gain le dimanche,
On ne va plus au bal, on ne va plus au cours :
Hliver, été, printemps, bref, opéra toujours;
Et quiconque n'en chante, ou bien plutôt n'en gronde
Quelque récitatif, n'a pas l'air du beau monde.
Avec mille autres biens, le jubilé fera

Que nous serons un temps sans parler d'opéra :
Mais aussi, de retour de mainte et mainte église,
Nous irons, pour causer de tout avec franchise,
Et donner du relâche à la dévotion,

Chez l'illustre Certain faire une station:
Certain, par mille endroits également charmante,
Et dans mille beaux arts également savante,
Dont le rare génie et les brillantes mains
Surpassent Chambonnière, Hardel, les Couperains.
De cet aimable enfant le clavecin unique
Me touche plus qu'Isis et toute sa musique:
Je ne veux rien de plus, je ne veux rien de mieux
Pour contenter l'esprit, et l'oreille, et les yeux.

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Que de l'aimer toujours louable est le dessein!
Quelle place en mon cœur ne doit-il point prétendre,
Après m'avoir offert un asile en son sein?

De leur triste et sombre demeure
Les démons, esprits malheureux,
Venoient d'un poison dangereux
Menacer mes jours à toute heure.
Ils entroient jusqu'en mes sujets,
Jusqu'en mon fils, dont les projets

Me font encor frémir de leur cruelle envie :
Jusqu'en moi-même enfin, par un secret effort;
Et mon esprit, troublé des horreurs de ma vie,
M'a plus causé de maux que l'enfer ni la mort.

Les méchants, enflés de leurs ligues,
Contre moi couroient irrités,
Comme torrents précipités

Dont les eaux emportent les digues,
Lorsque Dieu, touché de mes pleurs,
De mes soupirs, de mes douleurs,
Arrêta cette troupe à me perdre obstinée.
Ma prière parvint aux temples étoilés,
Parut devant sa face, et fut entérinée

D'un mot qui fit trembler les citoyens ailés.

Tout frémit: sa voix, qui balance

Les rochers sur leurs fondements,
Alla troubler des monuments

Le profond et morne silence.
Que d'éclairs, sortant de ses yeux,
Et sur la terre et dans les cieux
Firent étinceler le feu de sa colère !

Que son front en brilloit! qu'il en fut allumé !
Et qu'avec raison l'un et l'autre hémisphère
Craignit devant le temps d'en être consumé !

N'approche pas: car notre vue
Ne peut souffrir tant de rayons:
Sans te voir, Seigneur, nous croyous
Que ta présence en est pourvue.
Quoi tu viens pour tes alliés!

Les cieux s'abaissent sous tes pieds;

Les vents, les chérubins, te portent sur leurs ailes,
Et ce nuage épais qui couvre ta grandeur
Veut rendre supportable à nos foibles prunciles
De ton trône enflammé l'éclatante splendeur.

Tel, tu trompas la gent noircie
Dont le Nil arrose les champs,
Quand la foule de ces méchants

Fut par les vagues

éclaircie;

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De l'ost aux têtes sacriléges.

On vit et furent découverts

Les fondements de l'univers,

Du liquide élément les canaux et les sources,
Le centre de la terre; et l'enfer, obligé
D'abandonner ces chars à leurs aveugles courses,
Dans ses murs de métal craignit d'être assiégé.

Ainsi les torrents de l'envie
Croyoient m'arrêter en chemin,
Quand tu m'as conduit par la main
En des lieux plus sûrs pour ma vie.
Ainsi montroient leurs cœurs félons
Les Saüls et les Absalons,

Quand tu les as soumis à celui qui t'adore,
Qui pèche quelquefois, mais se repent toujours,
Et qui, pour te louer, n'attend pas que l'aurore
Se lève par ton ordre, et commence les jours.

Oui, seigneur, ta bonté divine
Est toujours présente à mes yeux,
Soit que la nuit couvre les cieux,
Soit que le jour nous illumine:
Je ne sens d'amour que pour toi,

Je crains ton nom, je suis ta loi,

Ta loi pure et contraire aux lois des infidèles;
Je fuis des voluptés le charme décevant,
M'éloigne des méchants, prends les bons pour modeles,
Sachant qu'on devient tel que ceux qu'on voit souvent.

Non que je veuille en tirer gloire.
Par toi l'humble acquiert du renom,
Et peut des temps et de ton nom
Pénétrer l'ombre la plus noire.
A leurs erreurs par toi rendus,
Sages et forts sont confondus,

S'ils n'ont mis à tes pieds leur force et leur sagesse.
Ce que j'en puis avoir, je le sais rapporter
Au don que m'en a fait ton immense largesse,
Par qui je vois le mal et peux lui résister.

Par loi je vaincrai des obstacles
Dont d'autres rois sont arrêtés;
Plus tard offerts que surmontés,
Il me seront jeux et spectacles.
Par toi j'ai déjà des mutins,

Dont les cœurs étoient si bautains,
Évité comme un cerfles dents pleines d'envie :
Puis, retournant sur eux, frappé d'un bras d'airain
Ceux qui d'un œil cruel envisageant ma vie,
Voyoient d'un wil jaloux mon pouvoir souverain.
Qu'ils soient jaloux, il ne m'importe :
D'entre leurs piéges échappé,

J'ai des rebelles dissipé

L'union peu juste et peu forte.

Par mon bras vaincus et réduits,

Un Dieu vengeur les a conduits

Aux châtiments gardés pour les têtes impies: Leurs desseins tôt concus se sont tot avortés; Et n'ont beaucoup duré leurs sacriléges vies Après les vains projets qu'ils avoient concertés.

Cette bydre aux têtes renaissantes,
Prête à mourir de son poison,
A vers le ciel hors de saison
Poussé des clameurs impuissantes:

Ni Bélial, ni ses suppôts,

N'ont su l'assurer du repos.

Aussi n'est-il de dieu que le Dieu que j'adore,
Que le Dieu qui commande à l'une et l'autre gent,
Depuis les peuples noirs jusqu'à ceux que l'aurore
Éveille les derniers par son cours diligent.

C'est lui qui par des soins propices
Au combat enseigne mes mains,
Qui pour mes pieds fait des chemins
Sur le penchant des précipices;
C'est lui qui comble avec honneur
Mes jours de gloire et de bonheur,

Mon ame de vertus, mon esprit de lumières;
Il me dicte ses lois, me les fait observer:
Jusqu'aux derniers secrets de leurs beautés premières,
Ses oracles divins ont daigné m'élever.

Dès qu'il m'aura prêté sa foudre,
Les méchants pour lui sans respect
S'écarteront à mon aspect,
Comme au vent s'écarte la poudre :
Pour fuir ils n'auront qu'à me voir.
Déjà mon nom et mon pouvoir

Sont connus des voisins du Gange et de l'Euphrate;
Israël, redouté de cent peuples divers,

Me craint et m'obéit; et, sans que l'on me flatte,
On me peut appeler le chef de l'univers.

Rendons-en des grâces publiques
Au Dieu jaloux de son renom;
Faisons, en l'honneur de son nom,
Retentir l'air par nos cantiques :
Que ses bienfaits soient étalés.
Peuples voisins et reculés,

Jusqu'aux voûtes du ciel portez en les nouvelles ;
Dites qu'il est un Dieu qui répond à mes vœux :
Et que, m'ayant comblé de grâces immortelles,
Il en réserve encor pour nos derniers neveux.

TRADUCTION
PARAPHRASER

DE LA PROSE Dies ira.

DIEU détruira le siècle au jour de sa fureur :
Un vaste embrasement sera l'avant-coureur.
Des suites du péché long et juste salaire,
Le feu ravagera l'univers à son tour.
Terre et cieux passeront: et ce temps de colère
Pour la dernière fois fera naître le jour.
Cette dernière aurore éveillera les morts,
L'ange rassemblera les débris de nos corps;
Il les ira citer au fond de leur asile.

Au bruit de la trompette, en tous lieux dispersé.

Toute gent accourra. David et la Sibylle
Ont prévu ce grand jour, et nous l'ont annoncé.
De quel frémissement nous nous verrons saisis!
Qui se croira pour lors du nombre des choisis?
Le registre des cours, une exacte balance,
Paroîtront aux côtés d'un juge rigoureux.
Les tombeaux s'ouvriront; et leur triste silence
Aura bientôt fait place aux cris des malheureux.
La nature et la mort, pleines d'étonnement,
Verrront avec effroi sortir du monument

Ceux que dès son berceau le monde aura vus vivre.
Les morts de tous les temps demeureront surpris
En lisant leurs secrets aux annales d'un livre
Où même leurs pensers se trouveront écrits.
Tout sera révélé par ce livre fatal:
Rien d'impuni. Le juge, assis au tribunal,
Marquera sur son front sa volonté suprême.
Qui prierai-je en ce jour d'être mon défenseur ?
Sera-ce quelque juste ? Il craindra pour lui-même,
Et cherchera l'appui de quelque intercesseur.
Roi, qui fais tout trembler devant ta majesté,
Qui sauves les élus par ta seule bonté,
Source d'actes bénins et remplis de clémence,
Souviens-toi que pour moi tu descendis des cieux;
Pour moi, te dépouillant de ton pouvoir immense,
Comme un simple mortel tu parus à nos yeux.
J'eus part à ton passage: en perdras-tu le fruit?
Veux-tu me condamner à l'éternelle nuit,
Moi, pour qui ta bonté fit cet effort insigne ?
Tu ne t'es reposé que las de me chercher ;
Tu n'as souffert la croix que pour me rendre digne
D'un bonheur qui me puisse à toi-même attacher.
Tu pourrois aisément me perdre et te venger.
Ne le fais point, Seigneur; viens plutôt soulager
Le faix sous qui je sens que mon ame succombe.
Assure mon salut dès ce monde incertain;
Empêche malgré moi que mon cœur ne retombe,
Et ne te force enfin de retirer ta main.
Avant le jour du compte efface entier le mien.
L'illustre pécheresse, en présentant le sien,
Se fit remetire tout par son amour extrême;
Le larron te priant fut écouté de toi.

La prière et l'amour ont un charme suprême.
Tu m'as fait espérer même grâce pour moi.
Je rougis, il est vrai, de cet espoir flatteur;
La honte de me voir infidèle et menteur,
Ainsi que mon péché, se lit sur mon visage :
J'insiste toutefois, et n'aurai point cessé
Que ta bonté, mettant toute chose en usage,
N'éclate en ma faveur, et ne m'ait exaucé.
Fais qu'on me place à droite, au nombre des brebis ;
Sépare-moi des boues réprouvés et maudits.
Tu vois mon cœur contrit et mon humble prière ;
Fais moi persévérer dans ce juste remords:
Je te laisse le soin de mon heure dernière;
Ne m'abandonne pas quand j'irai chez les morts.

VERS

SUR LA GALE.

Ox vint m'apprendre l'autre jour

Une nouvelle assez fatale.

On dit que le printemps, dont le charmant retour
Produit en tout lieu de l'amour,
N'a produit chez toi que la gale,

Et que contre ce vilain tour

Ta colère étoit sans égale.
Il est vrai qu'aussi tout d'abord
Je sentis un peu de colère;

Mais, en révant sur cette affaire,
Je reconnus que j'avois tort:
Et si j'avois un choix à faire,
J'aimerois, mais de beaucoup mieux,
Avoir ce mal qu'être amoureux.
Car l'amour est un mal étrange;
Et devant un objet charmant

On se gratte le plus souvent

Tout autre part qu'il ne démange.

Le feu secret de ce poison

Nous cause une démangeaison

Qui fait qu'en se grattant d'autant plus on s'enflamme ;

C'est la gangrène de notre ame;

C'est le farcin de la raison.

Oui, la gale vaut mieux, et sans comparaison;

Et toi-même tu vas le croire:

Car j'espère te faire voir
Que l'on doit trouver à l'avoir
Et du plaisir et de la gloire.

Cà, commençons par le plaisir.
Quel plaisir, quelle joie égale
Celle de visiter sa gale,
Lorsque l'on a quelque loisir!

Deux mains diversement fleuries

Par cent objets divers viennent plaire à nos yeux.
Et ces objets délicieux

Valent au moins les Tuileries:

Il n'est parterre, ni prairies,

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Mais quand et galant et galeux
Trouvent trop de gens auprès d'eux,
Leur passion est à la gêne;

Ni galant, ni galeux, ne peut à rien toucher.
Chacun tâche à cacher le penchant qui l'entraîne ;
Mais souvent leur contrainte est vaine :

La gale ni l'amour ne se peuvent cacher.
Après qu'un galeux de la vue

A parcouru ses belles mains
(Car tous les soirs et les matins

Il goûte le plaisir d'en faire la revue),
Après que ses regards ont su le contenter,

S'ensuit le plaisir de gratter.

Or, pour t'en exprimer la douceur nompareille, J'ai beau rêver et gratter mon oreille,

J'ai beau ronger et ma plume et mes doigts,

Tu la sentiras mieux vingt fois

Que ne la décriroit Corneille.

Mais pendant que je suis en train

De parler d'étymologie,

Celle du mot Gratter vaut une apologie.
Gratter vient de GRATES, il n'est rien plus certain;

Et GRATUS est un mot latin,

Lequel mot en françois signifie Agréable.

Vois done si je suis véritable;

Et si la dérivation

N'est pas une conclusion

Qu'il n'est rien de plus délectable. Tu dois en concevoir toute la volupté: Passons maintenant à la gloire.

Un galeux est partout distingué, respecté,
Comme un homme de qualité.
Par exemple, veut-il manger ou boire,
Il a toujours son fait à part;
Toujours son verre est à l'écart,
Aucun ne le profane, et n'y porte la bouche;
On n'ose toucher ce qu'il touche.

C'est un titre si beau que celui de galeux,
Qu'il est craint de toute la terre.
On voit même qu'en Angleterre
Les fils aînés des rois s'en tiennent glorieux;
On les nomme princes de Galles;

Et tu peux te vanter, comme eux,
De prérogatives royales.

De plus, la gale de tout temps
Fut un symbole de sagesse.
Un proverbe de vieilles gens.
Déjà tout usé de vieillesse,
En prouve fort bien la noblesse:
Tout ainsi que trop galer cuit,
Tout de même trop parler nuit.
Tu connois bien par ce langage

Que la gale rend l'homme sage,
Et qu'avec la philosophie

Elle a très grande sympathie,

Puisque toutes les deux font la même leçon.
Mais comme trop parler peut nuire,
Je commence à m'apercevoir

Que je ne fais pas mon devoir;

Qu'on fatigue les gens quand on en veut trop dire;
Et qu'il est temps de réprimer
La démangeaison de rimer.

Il ne le prend que pour sujet de thème. J'avois promis trois points, en voilà trois. On y peut joindre encore un quatrième : Qu'il aille voir la cour tant qu'il voudra, Jamais la cour ne le décrassera.

RÉPONSE D'UNE DAME

A

UN SONGE DE SON AMANT.

TENIR entre ses bras sa belle toute nue,
De sa seule pudeur à regret défendue,

Et perdre en vains respects le précieux moment,
C'est rêver, je l'avoue, et bien profondément,
Que d'avoir tant de retenue:

Il faut être en amour un peu plus hasardeux.
Si la belle revient en pareil équipage,

Moins de respect, plus de courage :
Vous ne serez jamais heureux
Si vous êtes toujours si sage.

Il est certains moments où, maître à votre tour.
Vous pouvez sans scrupule exercer votre empire :
En ces occasions notre honneur a beau dire,
Un brave homme n'en doit croire que son amour.
Ne me vantez donc plus le pouvoir de mes charmes;
L'accueil dont vous avez régalė mes attraits,
De tout ce que j'ai cru sur la foi de vos larmes,
Me désabuse pour jamais.

Dans ce songe discret leur foiblesse se montre;
Et leur mérite, hélas! me doit être suspect,
Puisque vous m'apprenez qu'en pareille rencontre
Ils n'inspirent que du respect.

ÉPITAPHE DE LA FONTAINE,

FAITE PAR LUI-MÊME,

JEAN s'en alla comme il étoit venu,
Mangea le fonds avec le revenu
Tint les trésors chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien le sut dispenser ;
Deux parts en fit, dont il souloit passer
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.

EPIGRAMME CONTRE BOILEAU,

QUI RAILLAIT QUELQUEFOIS AMÈREMENT LA FONTAINE SUR SES DISTRACTIONS ET SES INGENUITÉS.

Il est trois points dans l'homme de collège :
Présomption, injures, mauvais sens.
De se louer il a le privilège;

Il ne connoît arguments plus puissants.
Si l'on le fàche il vomit des injures;
Il ne connoit plus brillantes figures.
Veut-il louer un roi, l'honneur des rois,

VERS

MIS AU BAS DU PORTRAIT DE MEZZETIN.

Ici de Mezzetin, rare et nouveau Protée,
La figure est représentée :
La nature l'ayant pourvu
Des dons de la métamorphose,

Qui ne le voit pas n'a rien vu;
Qui le voit a vu toute chose.

VERS

POUR DES BERGERS ET DES BERGÈRES, DANS UNE FÊTE DONNÉE A TROYES EN 1678.

TELLES étoient jadis ces illustres bergères

Que le Lignon tenoit si chères;

Tels étoient ces bergers qui, le long de ses eaux, Menoient leurs paisibles troupeaux,

Et passoient dans les jeux leurs plus belles années. Parmi ces troupes fortunées,

Les plaisirs de campagne et les plaisirs de cour

Trouvoient leur place tour-à-tour.

Comme eux, tantôt on nous voit, sur l'herbette,
Marquer nos pas au son de la musette,
Cueillir et présenter les fleurs

En y mêlant quelques douceurs :
Tantôt, aux bords de nos fontaines,

Nous chantons de l'amour les plaisirs et les peines;
Et le divin Tircis mêle aussi quelquefois

Son téorbe divin aux accents de nos voix.
Parfois à sa bergere on donne sérénade;

Avec elle on fait mascarade,

On danse même des ballets.

On fait des vers galants, on en fait des follets.
Nous lisons de Renaud les douces aventures,

Et les magiques impostures
De la belle qui l'enchanta;
Tout ce que le Tasse chanta,

Et mille autres récits que la galanterie
Semble avoir inventés pour notre bergerie.
Nous vous dirons aussi que nos brillants guerets
Et nos sombres forêts

Nous fournissent parfois de quoi faire grand'chère;
Mais cela paroîtroit vulgaire,

Et l'on diroit qu'en discours de berger
On ne parle jamais de boire et de manger.
Ainsi passe le temps, sans tracas, sans cabale;
Gens d'une humeur assez égale,

Voilà nos douces libertés :

Qu'ont de mieux vos sociétés ?

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