De bons moyens j'en sais certainement : L'argent surtout est chose nécessaire. Or d'en avoir c'est la difficulté: La ville en est de long-temps dégarnie. Qu'y feroit-on ? vice n'est pauvreté ; Mais cependant, si l'on n'y remédie, Chaussée et pont s'en vont à la voirie. Depuis dix ans nous ne savons comment La Marne fait des siennes tellement Que c'est pitié de la voir en colère. Pour s'opposer à son débordement, L'argent surtout est chose nécessaire.
Si demandez combien en vérité L'œuvre en requiert, tant que soit accomplie, Dix mille écus en argent bien compté, C'est justement ce de quoi l'on vous prie. Mais que le prince en donne une partie, Le tout, s'il veut, j'ai bon consentement De l'agréer, sans craindre aucunement. S'il ne le veut, afin d'y satisfaire, Aux échevins on dira franchement : L'argent surtout est chose nécessaire.
ENVOI.
Pour ce vous plaise ordonner promptement Pour être fait du fonds suffisamment ; Car vous savez, seigueur, qu'en toute affaire, Procès, négoce, hymen, ou bâtiment, L'argent surtout est chose nécessaire.
1664.
C'EST à bon droit que l'on condamne à Rome L'évêque d'Ypre, auteur de vains débats. Ses sectateurs nous défendent en somme Tous les plaisirs que l'on goûte ici-bas. En paradis allant au petit pas, On y parvient, quoique ARNACLD nous en die : La volupté sans cause il a bannie. Veut-on monter sur les célestes tours? Chemin pierreuxsest grande rêverie: ESCOBAR sait un chemin de velours.
Il ne dit pas qu'on peut tuer un homme ' Qui, sans raison, nous tient en altercas Pour un fetu ou bien pour une pomme; Mais qu'on le peut pour quatre ou einq ducats. Même il soutient qu'on peut en certains cas Faire un serment plein de supercherie, S'abandonner aux douceurs de la vie S'il est besoin, conserver ses amours. Ne faut-il pas après cela qu'on crie: ESCOBAR sait un chemin de velours?
3
POUR MADEMOISELLE DE POUSSAY. J'AVOIS brisé les fers d'Aminte et de Sylvie: J'étois libre, et vivois content et sans amour: L'innocente beauté des jardins et du jour Alloit faire à jamais le charme de ma vie. Quand du milieu d'un cloître Amarante est sortie. Que de grâces, bons dieux! tout rit dans Luxembourg La jeune Olympe voit maintenant à sa cour Celle que tout Paphos en ces lieux a suivie. Sur ce nouvel objet chacun porte les yeux: Mais, en considérant cet ouvrage des cieux, Je ne sais quelle crainte en mon cœur se réveille.
Quoi qu'Amour toutefois veuille ordonner de moi, Il est beau de mourir des coups d'une merveille Dont un regard feroit la fortune d'un roi.
POUR MIGNON,
CHIEN DE S. A. R. MADAME LA DUCHESSE D'ORLEANS.
PETIT chien, que les destinées
T'ont filé d'heureuses années! Tu sors des mains dont les appas De tous les sceptres d'ici-bas
Out pensé porter le plus riche; Les mains de la maison d'Autriche Leur ont ravi ce doux espoir : Nous ne pouvions que bien échoir. Tu sors de mains pleines de charmes : Heureux le dieu de qui les larmes Mériteroient, par leur amour, De s'en voir essuyer un jour! De ces mains, hôtesses des grâces, Petit chien, en d'autres tu passes Qui n'ont pas eu moins de beauté, Sans mettre en compte leur bonté. Elles te font mille caresses:
Tu plais aux dames, aux princesses; Et si la reine t'avoit vu,
Mignon à la reine auroit plu. Mignon a la taille mignonne ; Toute sa petite personne Plait aux Iris des petits chiens, Ainsi qu'à celles des chrétiens. Las qu'ai je dit qui te fait plaindre ? Ce mot d'Iris est-il à craindre ? Petit chien, qu'as-tu ? dis-le moi. N'es-tu pas plus aise qu'un roi ? Trois ou quatre jeunes fillettes
Dans leurs manchons aux peaux douillettes Tout l'hiver te tiennent placé : Puis de madame de Crissé
N'as-tu pas maint dévot sourire?
D'où vient donc que ton cœur soupire?
Que te faut-il? un peu d'amour.
Dans un côté du Luxembourg
Je t'apprends qu'Amour craint le suisse ; Même on lui rend mauvais office
Auprès de la divinité
Qui fait ouvrir l'autre côté
Cela vous est facile à dire,
Vous qui courez partout, beau sire ; Mais moi.... Parle bas, petit chien ; Si l'évêque de Bethleem
Nous entendoit, Dieu sait la vie. Tu verras pourtant ton envie Satisfaite dans quelque temps. Je te promets à ce printemps
Une petite camusette, Friponne, drue et joliette, Avec qui l'on l'enfermera: Puis s'en démêle qui pourra.
A SON ALTESSE SERENISSIME
MADAME LA PRINCESSE DE BAVIÈRE.
1669.
VOTRE altesse sérénissime
A, dit-on, pour moi quelque estime, Et veut que je lui mande en vers Les affaires de l'univers ; J'entends les affaires de France: J'obéis et romps mon silence. L'intérêt et l'ambition Travaillent à l'élection
Du monarque de la Pologne. On croit ici que la besogne Est avancée et les esprits Font tantôt accorder le prix Au Lorrain, puis au Moscovite, Condé, Nieubourg; car le mérite De tous côtés fait embarras. Condé, je crois, n'en manque pas. Si votre époux vouloit, madame, Régner ailleurs que sur votre ame, On ne peut faire un meilleur choix. Heureux qui vivroit sous ses lois! Ceux qui des affaires publiques Parlent toujours en politiques, Réglant ceci, jugeant cela, (Et je suis de ce nombre-là };
Les raisonneurs, dis-je, prétendent Qu'au Lorrain plusieurs princes tendent. Quant à Moscow, nous l'excluons; Voici sur quoi nous nous fondons: Le schisme y règne; et puis son prince Mettroit la Pologne en province. Nieubourg nous acccommoderoit: Au roi de France il donneroit
Quelque fleuron pour sa couronne, Moyennant tant, comme l'on donne, Et point autrement ici-bas. Nous serions voisins des États; Ils en out l'alarme, et font brigue. Contre Louis chacun se ligue. Cela lui fait beaucoup d'honneur, Et ne lui donne point de peur. Que craindroit-il, lui dont les armes Vont aux Turcs causer des alarmes ? Nous attendons du Grand-Seigneur Un bel et bon ambassadeur: Il vient avec grande cohorte. Le nôtre est flatté par la Porte.
Tout ceci la paix nous promet Entre Saint-Marc et Mahomet, Notre prince en sera l'arbitre : Il le peut être à juste titre ;
Et feroit même, contre soi; Justice au Ture en bonne foi. Pendant que je suis sur la guerre Que Saint-Mare souffre dans sa terre, Deux de vos frères sur les flots Vont secourir les Candiots. Oh! combien de sultanes prises! Que de croissants dans nos églises ! Quel nombre de turbans fendu! Tête et turban, bien entendu. Puisqu'en parlant de ces matières Me voici tombé sur vos frères, Vous saurez que le chambellan A couru cent cerfs en un an. Courir des hommes, je le gage, Lui plairoit beaucoup davantage; Mais de long-temps il n'en courra : Son ardeur se contentera, S'il lui plaît, d'une ombre de guerre. D'Auvergne s'est dans notre terre Rompu le bras: il est guéri. Ce prince a dans Château-Thierri Passé deux mois et davantage. Rien de meilleur, rien de plus sage, Et de plus selon mes souhaits, Parmi les grands ne fut jamais. Le duc d'Albret donne à l'étude Sa principale inquiétude. Toujours il augmente en savoir. Je suis jeune assez pour le voir Au-dessus des premières tètes. Son bel esprit, ses mœurs honnêtes L'élèveront à tel degré
Qu'enfin je m'en contenterai. Veuille le ciel à tous ses frères Rendre toutes choses prospères, Et leur donner autant de nom, Autant d'éclat et de renom, Autant de lauriers et de gloire Que par les mains de la Victoire L'oncle en reçoit depuis long-temps! Si leurs désirs n'en sont contents,
Et que plus haut leur ame aspire, Je serai le premier à dire Qu'ils auront tort, et que les cœurs Ne sont jamais souls de grandeurs. Trouveront-ils en des familles, Par les garçons et par les filles, Par le père et par les aïeux, Un tel nombre de demi-dieux, Et de déesses tout entières? Car demi-déesses n'est guères En usage, à mon sentiment; Puis, quand je n'aurois seulement Qu'à præler de votre mérite;
L'expression seroit petite. Veuille le ciel, à votre tour, Vous donner un petit Amour Qui, par la suite des années, D'un grand Mars ait les destinées! Au moment que j'écris ces vers, Et minforme des bruits divers,
Je viens d'apprendre une nouvelle : C'est que, pour éviter querelle, On s'est en Pologne choisi
Un roi dont le nom est en ski.
Ces messieurs du Nord font la nique
A toute notre politique.
Notre argent, celui des États,
Est celui d'autres potentats
Bien moins en fonds, comme on peut croire,
Force santé aura fait boire;
Et puis c'est tout. Je crois qu'en paix
Dans la Pologne désormais
On pourra s'élire des princes;
Et que l'argent de nos provinces Ne sera pas une autre fois
Si friand de faire des rois.
MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE BOUILLON,
APRIS SON BREVET DE CARDINALAT.
1669.
Je n'ai pas attendu pour vous un moindre prix ; De votre dignité je ne suis point surpris: S'il m'en souvient, seigneur, je crois l'avoir prédite : Vous voilà deux fois prince; et ce rang glorieux Est en vous désormais la marque du mérite, Aussi bien qu'il l'étoit de la faveur des cieux.
A MONSEIGNEUR
LE PRINCE DE CONTI.
PRINCE chéri du ciel, qui fais voir à la France Les fruits de l'âge mûr joints au fleurs de l'enfance, CONTI, dont le mérite avant-courrier des ans, A des astres benins épuisé les présents.
A l'abri de ton nom les mànes des Malherbes Paroîtront désormais plus grands et plus superbes ; Les Racan, les Godeau, auront d'autres attraits; La scène semblera briller de nouveaux traits; Par ton nom tu rendras ces ouvrages durables: Après mille soleils ils seront agréables.
Si le pieux y regne, on n'en a point banni Du profane innocent le mélange infini. Pour moi, je n'ai de part en ces dons du Parnasse
Qu'à la faveur de ceux que je suis à la trace. Ésope me soutient par ses inventions; J'orne de traits légers ses riches fictions: Ma muse cède en tout aux muses favorites Que l'Olympe doua de différents mérites. Cependant à leurs vers je sers d'introducteur. Cette témérité n'est pas sans quelque peur. De ce nouveau recueil je t'offre l'abondance, Non point par vanité, mais par obéissance. Ceux qui par leur travail l'ont mis en cet état, Te le pouvoient offrir en termes pleins d'éclat ; Mais craignant de sortir de cette paix profonde Qu'ils goûtent en secret loin du bruit et du monde, Ils m'engagent pour eux à le produire au jour, Et me laissent le soin de t'en faire leur cour. Leur main l'eût enrichi d'un plus beau frontispice: La mienne leur a plu simple et sans artifice. CONTI, de mon respect sois du moins satisfait, Et regarde le don, non celui qui le fait.
ÉPITAPHE
DE MOLIÈRE.
1673.
Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence; Et cependant le seul Molière y git. Leurs trois talents ne formoient qu'un esprit Dont le bel art réjouissoit la France. Ils sont partis! et j'ai peu d'espérance De les revoir. Malgré tous nos efforts, Pour un long temps, selon toute apparence, Térence et Plaute et Molière sont morts.
A M. DE TURENNE.
1674.
Vous avez fait, seigneur, un opéra. Quoi le vieux duc, suivi de Caprara? Quoi! la bravoure et la matoiserie? Grande est la gloire, ainsi que la tuerie. Vous savez coudre avec encor plus d'art Peau de lion avec peau de renard. La joie en est parvenue à sa cime; Car on vous aime autant qu'on vous estime. Qui n'aimeroit un Mars plein de bonté ? Car en tels gens ce n'est pas qualité Trop ordinaire. Ils savent déconfire, Brûler, raser, exterminer, détruire; Mais qu'on m'en montre un qui sache Marot. Vous souvient-il, seigneur, que mot pour mot, Mes créanciers, qui de dizains n'ont cure; Frère Lubin, et mainte autre écriture, Me fut par vous récitée en chemin ?
Vous alliez lors rembarrer le Lorrain. Reviens au fait, muse, va plus grand'erre ; Laisse Marot, et reparle de guerre. En surmontant Charles et Caprara, Vous avez fait, seigneur, un opéra. Nous en faisons un nouveau; mais je doute Qu'il soit si bon, quelque effort qu'il m'en coûte. Le vôtre est plein de grands événements : Gens envoyés peupler les monuments, Beaucoup d'effets de fureur martiale, D'amour très peu, très peu de pastorale: Mars sans armure y fut vu, ce dit-on, Mêlé trois fois comme un simple piéton. Bien lui valut la longue expérience,
Et le bon sens, et la rare prudence. Dans le combat ces trois divinités Alloient toujours marchant à ses côtés. Ce Mars, seigneur, n'est le Mars de la Thrace, Mais pour cet an c'est le Mars de l'Alsace; Ainsi qu'il fut et sera d'autres fois
Très bien nommé le Mars d'autres endroits: Enfin c'est vous, afin qu'on ne s'y trompe. Or en sont faits feux de joie en grand' pompe : Bien est-il vrai qu'il nous en coûte un peu ; Mais gagne-t-on sans rien perdre à ce jeu ? Louis lui-même, effroi de tant de princes, Preneur de murs, subjugueur de provinces, A-t-il conquis ces États et ces murs
Sans quelque sang, non de guerriers obscurs, Mais de héros qui mettoient tout en poudre ? Les Bourguignons en éprouvant sa foudre Ont fait pleurer celui qui la lançoit. Sous les remparts que son bras renversoit Sont enterrés, et quelques chefs fidèles, Et les Titans à sa valeur rebelles.
A M. DE TURENNE.
1674.
En quoi! seigneur, toujours nouveaux combats! Toujours dangers! Vous ne croyez donc pas Pouvoir mourir? Tout meurt, tout héros passe. Cloton ne peut vous faire d'autre grâce Que de filer vos jours plus lentement: Mais Cloton va toujours étourdiment. Songez-y bien, si ce n'est pour vous-même, Pour nous, seigneur, qui sans douleur extrême Ne saurions voir un triomphe acheté
Du moindre san & qu'il vous auroit coûté. C'est un avis qu'en passant je vous donne, Et je reviens à ce que fait Bellone. A peine un bruit fait faire ici des vœux, Qu'un autre bruit y fait faire des feux, C'est un retour de victoires nouvelles. La Renommée a-t-elle encor des ailes Depuis le temps qu'elle vient annoncer,
Tout est perdu, l'bydre va s'avancer! Tout est gagné, Turenne l'a vaincue ; Et se voyant mainte tête abattue, Elle retourne en son antre à grands pas : Quelque démon que l'on ne connoît pas Lui rend en hâte un nombre d'autres têtes Qui sous vos coups sont à choir toutes prêtes. Voilà, seigneur, ce qui nous en paroît. Car, d'aller voir sur les lieux ce que c'est, Permettez-moi de laisser cette envie A nos guerriers, qui n'estiment leur vie Que comme un bien qui les doit peu toucher, Ne laissant pas de le vendre bien cher. Toute l'Europe admire leur vaillance, Toute l'Europe en craint l'expérience. Bon fait de loin regarder tels acteurs. Ceux de Strasbourg, devenus spectateurs Un peu voisins, comme tout se dispose, Pourroient bientôt devenir autre chose. Je ne suis pas un oracle; et ceci Vient de plus haut: Apollon, Dieu merci, Me l'a dicté. Souvent il ne dédaigne
De m'inspirer. Maint auteur nous enseigne Qu'Apollon sait un peu de l'avenir. L'autre jour donc j'allai l'entretenir Du grand concours des Germains tous en armes. L'Hélicon même avoit quelques alarmes. Le dieu sourit, et nous tint ce propos: Je vous enjoins de dormir en repos, Poètes picards et poètes de Champagne; Ni les Germains, ni les troupes d'Espagne, Ni le Batave, enfant de l'Océan,
Ne nous viendront éveiller de cet an, Tout aussi peu la campagne prochaine. Je vois Louis qui des bords de la Seine, La foudre en main, au printemps partira. Malheur alors à qui ne se rendra! Je vois Condé, prince à haute aventure, Plutôt démon qu'humaine créature: Il me fait peur. Je le vois plein de sang, Souillé, poudreux, qui court de rang en rang. Le plomb volant siffle autour sans l'atteindre ; Le fer, le feu, rien ne l'oblige à craindre. Quand de tels gens couvriront vos remparts, Je vous dirai: Dormez, poètes picards; Devers la Somme on est en assurance; Devers le Rhin tout va bien pour la France Turenne est là, l'on n'y doit craindre rien. Vous dormirez, ses soldats dorment bien; Non pas toujours: tel a mis mainte lieue Entre eux et lui, qui les voit à sa queue. Deux de la troupe avec peine marchoient; Les pauvres gens à tout coup trébuchoient, Et ne laissoient de tenir ce langage:
Le conducteur, car il est bon et sage, . Quand il voudra nous fera reposer. " Après cela, qui peut vous excuser De n'avoir pas une assurance entière? Morphée eut tort de quitter la frontière.
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