Que c'est par eux qu'Amour s'introduit dans les cœurs. Mais tous les deux sont bons; Belle-Bouche a grand tort: Il est des soupirs, au contraire, Qui fort souvent ne disent rien. Belle-Bouche n'entend pas bien Pour cette fois-là son affaire. Qu'elle se taise, au nom des dieux, Des appas qui lui sont départis par les cieux. Par l'éclat, la douceur, et cet art admirable Où Belle-Bouche est en renom, La cour, le Parnasse et la ville, Ne retentissent tout le jour Que du mot de Beaux-Yeux et de celui d'Amour. Tant est prompt l'effet de nos charmes. Sous un masque trompeur leur éclat fait si bien, Que maint objet tel quel, en plus d'une rencontre, Par ce moyen passe à la montre. On demande qui c'est, et souvent ce n'est rien: Cependant Beaux-Yeux sont la cause Qu'on prend ce rien pour quelque chose. Que ces perles, ce chant et ces autres appas Puis il dit en changeant de ton: Que des yeux de Phylis? Juge, regardez-les, prononcez votre sentence: Puis Nous gagnerons notre procès. Phylis eut quelque honte, et puis sur l'assistance Répandit des regards si remplis d'éloquence, Que les papiers tomboient des mains. Frappé de ces charmes soudains, L'auditoire inclinoit pour Beaux-Yeux dans son ame. Belle-Bouche, en faveur des regards de la dame. Voyant que les esprits s'alloient préoccupant, Prit la parole, et dit: A cete rhétorique Dont Beaux-Yeux vont ainsi les juges corrompant, Je ne veux opposer qu'un seul mot pour réplique. La nuit mon emploi dure encor : Beaux-Yeux sont lors de peu d'usage: royes! On les laisse en repos, et leur muet langage Fait un assez froid personnage. Chacun en demeura d'accord. Cette raison régla la chose; On préféra Belle-Bouche à Beaux-Yeux: En quelques chefs pourtant ils eurent gain de cause. Belle-Bouche baisa le juge de son mieux. BALLADE SUR LE REFUS QUE FIRENT LES AUGUSTINS DE PRÊTER LEUR INTERROGATOIRE DEVANT MESSIEURS, EN 1658. Aux Augustins, sans alarmer la ville, Dea (répond l'un de Messieurs fort habile, Et, n'en déplaise aux suppôts de saint Pierre, Les Augustins sont serviteurs du Roi. Lors un d'entre eux (que ce soit Pierre ou Gille ENVOI Sage héros, ainsi dit frère Pierre. La cour lui taille un beau pourpoint de pierre ; Ton serviteur, qui Jean se nomme, Dira le reste une autre fois. IMITATION D'UN LIVRE INTITULÉ LES ARRÊTS D'AMOUR. Les gens tenant le parlement d'Amours Informoient, pendant les grands jours, D'aucuns abus commis en l'île de Cythère. Par-devant eux se plaint un amant maltraité, Disant que de long-temps il s'efforce de plaire A certaine ingrate beauté: A consacré le plus beau de sa vie S'est tourmenté le corps et l'ame, Sans pouvoir obliger la dame A payer seulement d'un souris son amour. Partant, conclut que cette belle Soit condamnée à l'aimer à son tour. Que plus la dame étoit cruelle, Que quand on a le cœur en flamme Qu'il étoit à propos pour la grandeur du prince Qui sont les soupirs et les larmes ; Au renvoi de la demande. Et conclut aussi pour la belle. La cour, leurs moyens entendus, Cet arrêt fit un peu de bruit La raison de douter étoit tous les cadeaux, Qui prend se vend; mais l'intérêt du prince, ÉPITHALAME EN FORME DE CENTURIE. APRÈS festin, rapt, puis guerre intestine, Rude combat en chan clos, quoiqu'à nu, Point d'assistants, blessure clandestine, Fille damnée, et le vainqueur vaincu. ODE ANACREONTIQUE. A MADAME LA SURINTENDANTE, sur ce qu'elle eST ACCOUCHÉE, AVANT TERME, DANS LE CARROSSE, EN REVENANT DE TOULOUSE. PUIS-JE ramentevoir l'accident, plein d'ennui, Ne quittant qu'avec peine un mari, par trop cher, Et si c'est d'un Amour, ou si c'est d'une Grâce Olympe, assurément vous auriez mis au jour ÉPITRE A MADAME FOUQUET. 1650. Je vous l'avoue, et c'est la vérité, Que monseigneur n'a que trop mérité . Ne dites point que c'est menu présent. Vienne l'an neuf, ballade est destinée: Qui rit ce jour, il rit toute l'année. Or la ballade a cela, ce dit-on, Qu'elle fait rire, ou ne vaut un bouton. Pâques, jour saint, veut autre poésie : J'enverrai lors, si Dieu me prête vie, Pour achever toute la pension, Quelque sonnet plein de dévotion. Ce terme-là pourroit être le pire: On me voit peu sur tels sujets écrire; Mais tout au moins je serai diligent; Et si j'y manque envoyez un sergent; Faites saisir, sans aucune remise, Stances, rondeaux, et vers de toute guise: Ce sont nos biens: les doctes nourrissons N'amassent rien, si ce n'est des chansons. Ne pouvant donc présenter autre chose, Qu'à son plaisir le héros en dispose, Vous lui direz qu'un peu de son esprit Me viendroit bien pour polir chaque écrit. Quoi qu'il en soit, je me fais fort de quatre ; Et je prétends, sans un seul en rabattre, Qu'au bout de l'an le compte y soit entier : Deux en six mois, un par chaque quartier, Pour sûreté, j'oblige par promesse (1) M. Fouquet, surintendant des finances, ayant dit que je lui devois donner pension pour le soin qu'il prenoit de faire valoir mes vers, j'envoyai quelques temps après cette épître à madame Fouquet. Je viens de Vaux, sachant bien que sur tous Qui sont plus beaux, plus clairs, plus radieux Que celui-là qui loge dans les cieux; Partant, vous faut agir dans cette affaire, Non par acquit, mais de tout votre mieux. En puissiez-vous dans cent ans autant faire! Lune des neuf m'a dit d'un ton fort doux (Et c'est Clio, j'en ai quelque croyance): Espérez bien de ses yeux et de nous. J'ai cru la muse; et sur cette assurance J'ai fait ces vers, tout rempli d'espérance. Commandez donc en termes grâcieux Que, sans tarder, d'un soin officieux, Celui des Ris qu'avez pour secrétaire M'en expédie un acquit glorieux. En puissiez-vous dans cent ans autant faire! ENVOI Reine des cœurs, objet délicieux, Que suit l'enfant qu'on adore en des lieux Nommés Paphos, Amathonte et Cythère, Vous qui charmez les hommes et les dieux, En puissiez-vous dans ceut ans autant faire! Je n'ai pas gardé la quittance, parce que je n'ai pas cru qu'elle le valût. Mais si je m'en souviens, elle étoit à peu près telle: QUITTANCE Publique, PAR-DEVANT moi, sur Parnasse Notaire, Et des vertus le parfait exemplaire, DE LA SURINTENDANTE. De mes deux yeux, ou de mes deux soleils J'ai lu vos vers qu'on trouve sans pareils, Et qui n'ont rien qui ne me doive plaire. Je vous tiens quitte et promets vous fournir De quoi partout vous le faire tenir, Pour le passé, mais non pour l'avenir. En puissiez-vous dans cent ans autant faire! On me donna pour sujet de la ballade du second terme l'imitation du rondeau de Voiture: MA FOI, C'EST FAIT. BALLADE POUR LE SECOND TERME. 1659. A M***. TROTS fois dix vers, et puis cinq d'ajoutés, Sur ce refrain, de grâce, permettez Que je vous conte en vers une sornette. Colin, venant des universités, Sans y penser j'ai vingt vers ajustés, ENVOI. O vous, l'honneur de ce mortel séjour, Comme j'étois sur le point d'envoyer le terme de la Saint-Jean, l'on m'a mandé que M. de Mézière s'en venoit à Vaux en diligence, et que madame la maréchale d'Aumont y devoit aussi amener mademoiselle sa fille que là ils s'épouseroient aussitôt, et que ce mariage avoit été conclu si soudainement, que les parties ne se doutoient quasi pas du sujet de leur voyage. J'aurois bien voulu pouvoir témoigner, par quelque chose de poli, le zèle que j'ai pour les deux familles; mais j'ai cru que l'épithalame ne devoit pas être plus prémédité que l'hyménée, et qu'il falloit que tout se sentit de la soudaineté avec laquelle monseigneur le Surintendant entreprend et exécute la plupart des choses. Je me suis donc contenté d'ajouter au terme ce Madrigal : Belle d'AUMONT, et vous, MÉZIÈRE, Dont vous vous mariez, l'un venant de la cour, Avec le temps vous en ferez bien d'autres, |