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Le bois vert, plein d'humeurs, est long à s'allumer:
Quand il brûle, l'ardeur en est plus véhémente.
Ainsi ce sang chargé, repassant par le cœur,
S'embrase d'autant plus que c'est avec lenteur,
Et regagne au degré ce qu'il perd par l'attente.
Ce degré c'est la fièvre. A l'égard des retours

A certaine heure, en certains jours,
C'est un point inscrutable, à moins qu'on ne le fonde
Sur les moments prescrits à cuire ou consumer
L'aliment ou l'humeur qui s'en est pu former.
Il n'est merveille qui confonde

Notre raison aveugle en mille autres effets
Comme ces temps marqués où nosmaux sont sujets.
Vous qui cherchez dans tout une cause sensible,
Dites-nous comme il est possible

Qu'un corps dans le désordre amène réglément
L'accès, ou le redoublement.

Pour moi, je n'oserois entrer dans ce dédale;
Ainsi de ces retours je laisse l'intervalle :

Je reviens au frisson, qui du défaut d'esprits
Tient sans doute son origine.

Les muscles moins tendus, comme étant moins remplis,
Ne peuvent lors dans la machine

Tirer leurs opposés de même qu'autrefois,
Ni ceux-ci succéder à de pareils emplois.
Tout le peuple mutin, léger et téméraire,
Des vaisseaux mal fermés en tumulte sortant,
Cause chez nous dans cet instant
Un mouvement involontaire.

Le peu qui s'en produit sort du lieu non gonflé ;
Comme on voit l'air sortir d'un ballon mal enflé.
La valvule en la veine, au ballon la languette,
Geolière peu soigneuse à fermer la prison,
Laisse enfin échapper la matière inquiète :
Aussitôt les esprits agitent sans raison,
Deçà, delà, partout où le hasard les pousse,
Notre corps qui frémit à leur moindre secousse.
Le malade ressemble alors à ces vaisseaux
Que des vents opposés et de contraires eaux
Ont pour but du débris que leurs fureurs méditent;
Les ministres d'Éole et le flot les agitent;

Maint coup, maint tourbillon les pousse à tous moments,
Frêle et triste jouet de la vague et des vents.
En tel et pire état le frisson vient réduire
Ceux qu'un chaud véhément menace de détruire.
Il n'est muscle ni membre en l'assemblage entier
Qui ne semble être près du naufrage dernier.
De divers ennemis à l'envi nous traversent,
Malheureuse carrière où ces démons s'exercent.

Si le mal continue, et que d'aucun repos La fièvre n'ait borné ses funestes complots,

Dans les febricitants il n'est rien qui ne pèche:
Le palais se noircit, et la langue se sèche ;
On respire avec peine, et d'un fréquent effort:
Tout s'altère; et bientôt la raison prend l'essor.
Le médecin confus redouble les alarmes.

Une famille tout en larmes
Consulte ses regards: il a beau déguiser,
Aucun des assistants ne s'y laisse abuser.
Le malade lui-même a l'œil sur leur visage.
Tout ce qui l'environne est d'un triste présage;
Sa moitié, des enfants, l'un l'appui de ses jours,
Un autre entre les bras de ses chastes amours,
Une fille pleurante, et déjà destinée

Aux prochaines douceurs d'un heureux byménée.
Alors, alors, il faut oublier ces plaisirs.
L'ame en soi se ramène, encor que nos désirs
Renoncent à regret à des restes de vie.
Douce lumière, hélas! me seras-tu ravie ?
Ame, où t'envoles-tu sans espoir de retour?
Le malade arrivé près de son dernier jour,
Rappelle ces moments où personne ne songe
Aux remords trop tardifs où cet instant nous plonge,
Sur ce qu'il a commis il tâche à repasser:
En vain ; car le transport à ce foible penser
Fait bientôt succéder les folles rêveries,
Le délire, et souvent le poison des furies.
On tente l'émétique alors infructueux,
Puis l'art nous abandonne au remède des vœux.
Pandore, que ta boîte en maux étoit féconde!
Que tu sus tempérer les douceurs de ce monde !
A peine en sommes-nous devenus habitants,
Qu'entourés d'ennemis dès les premiers instants,
Il nous faut par des pleurs ouvrir notre carrière.
On n'a pas le loisir de goûter la lumière.
Misérables humains, combien possédez-vous

En présent si cher et si doux!

Retranchez-en le temps dont Morphée est le maître, Retranchez ces jours superflus

Où notre ame ignorant son être

Ne se sent pas encore, ou bien ne se sent plus:
Otez le temps des soins, celui des maladies,
Intermède fatal qui partage nos vies.

La fièvre quelquefois fait que dans nos maisons
Nous passons sans soleil trois retours de saisons.
Ce mal a le pouvoir d'étendre

Autant et plus encor son long et triste cours;
Un de ces trois cercles de jours

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FIN DE PREMIER CHANT.

CHANT SECOND.

ENFIN, grâce au démon qui conduit mes ouvrages,
Je vais offrir aux yeux de moins tristes images;
Par iui j'ai peint le mal, et j'ai lieu d'espérer
Qu'en parlant du remède il viendra m'inspirer.
On ne craint plus cette hydre aux têtes renaissantes,
La fièvre exerce en vain ses fureurs impuissantes:
D'autres temps sont venus, Louis règne ; et les dieux
Réservoient à son siècle un bien si précieux:
A son siècle ils gardoient l'heureuse découverte
D'un bois qui tous les jours cause au Styx quelque perte.
Nous n'avons pas toujours triomphe de nos maux:
Le ciel nous a souvent envoyé des travaux.
D'autres temps sont venus: Louis règne ; et la Parque
Sera lente à trancher nos jours sous ce monarque.
Son mérite a gagné les arbitres du sort;
Les destins avec lui semblent ètre d'accord.
Durez, bienheureux temps; et que sous ses auspices
Nous portions chez les morts plus tard nos sacrifices;
J'en conjure le dieu qui m'inspire ces vers;
Je t'en conjure aussi; père de l'univers.
Et vous, divinités aux hommes bienfaisantes,
Qui tempérez les airs, qui régnez sur les plantes,
Concourez pour lui plaire, empêchez les humains
D'avancer leur tribut au roi des peuples vains.
J'enseigne là-dessus une nouvelle route:
C'est le bien des mortels; que tout mortel m'écoute.

J'ai fait voir ce que croit l'école et ses suppôts:
On a laissé long-temps leur erieur en repos.
Le quina l'a détruite, on suit des lois nouvelles.
Arrière les humeurs: qu'elles pèchent ou non,
La fièvre est un levain qui subsiste sans elles;
Ce mal si craint n'a pour raison
Qu'un sang qui se dilate, et bout dans sa prison.

On s'est formé jadis une semblable idée
Des eaux dont tous les ans Memphis est inondée.
Plus d'un naturaliste a cru

Que les esprits nitreux d'un ferment prétendu
Faisoient croître le Nil, quand toute eau se renferme
Et n'ose outrepasser le terme

Que d'invisibles mains sur ses bords ont écrit.
Celle-ci seule échappe, et dédaigne son lit:
Les nymphes de ce fleuve errent dans les campagnes
Sous les sigues brûlants, et pendant plusieurs jours.
D'où vient, dit un auteur, qu'il enfle alors son cours.
Le climat est sans pluie ; on n'entend aux moutagnes
Bruire en ces lieux aucuns torrents:
En ces lieux nuls ruisseaux courants
N'augmentent le tribut dont s'arrosent les plaines.
Si l'on croit cet auteur, certain bouillonnement
Par le nitre causé fait ce débordement.
C'est ainsi que le sang fermente dans nos veines,
Qu'il y bout, qu'il s'y meut, dilaté par le cœur.
Les esprits alors en fureur

Tâchent par tous moyens d'ébranler la machine.

On frissonne, on a chaud. J'ai déduit ces effets
Selon leur ordre et leur progrès.

Dès qu'un certain acide en notre corps domine,
Tout fermente, tout bout, les esprits, les liqueurs,
Et la fièvre de là tire son origine

Sans autre vice des humeurs.

Que faisoient nos aïeux pour rendre plus tranquille
Ce sang ainsi bouillant? ils saignoient, mais en vain ;
L'eau qui reste en l'éolipyle

Ne se refroidit pas quand il devient moins plein.
L'airain soufflant fait voir que la liqueur enclose
Augmente de chaleur, déchue en quantité :
Le souffle alors redouble, et cet air irrité
Ne trouve du repos qu'en consumant sa cause.
Du sentiment fièvreux on tranche ainsi le cours;
Il cesse avec le sang, le sang avec nos jours.
Tout mal a son remède au sein de la nature.
Nous n'avons qu'à chercher : de là nous sont venus
L'antimoine avec le mercure,

Trésors autrefois inconnus.

Le quin règne aujourd'hui : nos habiles s'en servent Quelques-uns encore conservent,

Comme un point de religion,
L'intérêt de l'école et leur opinion.

Ceux-là même y viendront; et désormais ma veine
Ne plaindra plus les maux dont l'art fait son domaine.
Peu de gens, je l'avoue, ont part à ce discours:
C'est peu, c'est encor trop. Je reviens à l'usage
D'une écorce fameuse, et qui va tous les jours
Rappeler des mortels jusqu'au sombre rivage.
Un arbre en est couvert, plein d'esprits odorants,
Bas de lige, étendu, protecteur de l'ombrage:
Apollon a doué de cent dons différents

Son bois, son fruit, et son feuillage.
Le premier sert à maint ouvrage ;
Il est onde d'aurore; on en pourroit orner
Les maisons où le luxe a droit de dominer.
Le fruit a pour pepins une graine onctueuse,

D'ample volume, et précieuse:

Elle a l'effet du baume, et fournit aux humains,
Sans le secours du temps, sans l'adresse des mains,
Un remède à mainte blessure.

Sa feuille est semblable en figure
Aux trésors toujours verts que mettent sur leur front
Les héros de la Thrace, et ceux du double mont.

Cet arbre ainsi formé se couvre d'une écorce
Qu'au cinnamome on peut comparer en couleur.
Quant à ses qualités principes de sa force,
Cest l'apre, c'est l'amer, c'est aussi la chaleur.
Celle-ci cuit les sucs de qualité louable,
Dissipe ce qui nuit ou n'est point favorable;

Mais la principale vertu

Par qui soit ce ferment dans nos corps combattu, C'est cet amer, cet apre, ennemis de l'acide,

Double frein qui, domptant sa fureur homicide,
Apaise les esprits de colère agités.

Non qu'enfin toutes âpretés
Causent le même effet, ni toutes amertumes:
La nature, toujours diverse en ses coutumes,
Ne fait point dans l'absinthe un miracle pareil;
Il n'est dû qu'à ce bois, digne fils du Soleil.

De lui dépend tout l'effet du remède;
Seul il commande aux ferments ennemis.
Bien que souvent on lui donne pour aide
La centaurée, en qui le ciel a mis
Quelque apreté, quelque force astringente,
Non d'un tel prix, ni de l'autre approchante,
Mais quelquefois fébrifuge certain.
C'est une fleur digne aussi qu'on la chante;
J'ai dit sa force, et voici son destin.
Fille jadis, maintenant elle est plante.

Aide-moi, Muse, à rappeler

Ces fastes qu'aux humains tu daignas révéler.
On dit, et je le crois, qu'une nymphe savante
L'eut du sage Chiron, et qu'ils lui firent part
Des plus beaux secrets de leur art.

Si quelque fièvre ardente attaquoit ses compagnes,
Si courant parmi les campagnes

Un levain trop bouillant en voulait à leurs jours,
La belle à ses secrets avoit alors recours.
Il ne s'en trouva point qui pût guérir son ame
Du ferment obstiné de l'amoureuse flamme.
Elle aimoit un berger qui causa son trépas.
Il la vit expirer, et ne la plaignit pas.
Les dieux pour le punir en marbre le changèrent.
L'ingrat devint statue; elle fleur, et son sort
Fut d'être bienfaisante encore après sa mort;
Son talent et son nom toujours lui demeurerent.
Heureuse si quelque herbe eût su calmer ses feux!
Car de forcer un cœur il est bien moins possible:
Hélas! aucun secret ne peut rendre sensible,
Nul simple n'adoucit un objet rigoureux :
Il n'est bois, ni fleur, ni racine,
Qui dans les tourments amoureux
Puisse servir de médecine.

La base du remède étant ce divin bois.
Outre la centaurée on y joint le genièvre;

Foible secours, et secours toutefois.

De prescrire à chacun le mélange et le poids,
Un plus savant l'a fait : examinez la fièvre,
Regardez le tempérament ;

Doublez, s'il est besoin, l'usage de l'écorce;
Selon que
le malade a plus ou moins de force,
Il demande un quina plus ou moins véhément.
Laissez un peu de temps agir la maladie :

Cela fait, tranchez court; quelquefois un moment

Est maître de toute une vie.

Ce détail est écrit ; il en court un traité.
Je louerois l'auteur et l'ouvrage :
L'amitié le défend, et retient mon suffrage;
C'est assez à l'auteur de l'avoir mérité.

Je lui dois seulement rendre cette justice,
Qu'en nous découvrant l'art il laisse l'artifice,
Le mystère, et tous ces chemins
Que suivent aujourd'hui la plupart des humains.
Nulle liqueur au quina n'est contraire:
L'onde insipide et la cervoise amère,
Tout s'en imbibe; il nous permet d'user
D'une boisson en tisane apprêtée :
Diverses gens l'ayant su déguiser,
Leur intérêt en a fait un Protée.
Même on pourroit ne le pas infuser,
L'extrait suffit préférez l'autre voie.
C'est la plus sûre; et Bacchus vous envoie
De pleins vaisseaux d'un jus délicieux,
Autre antidote, autre bienfait des cieux.
Le moût surtout, lorsque le bon Silène,
Bouillant encor, le puise à tasse pleine,
Sait au remède ajouter quelque prix:
Soit qu'étant plein de chaleur et d'esprits,
Il le sublime, et donne à sa nature
D'autres degrés qu'une simple teinture;
Soit que le vin par ce chaud véhément
S'impreigne alors beaucoup plus aisément,
Ou que bouillant il rejette avec force
Tout l'inutile et l'impur de l'écorce:
Ce jus enfin pour plus d'une raison
Partagera les honneurs d'Apollon.

Nés l'un pour l'autre ils joindront leur puissance:
Entre Bacchus et le sacré vallon

Toujours on vit une étroite alliance.

Mais, comme il faut au quina quelque choix,

Le vin en veut aussi bien que ce bois :

Le plus léger convient mieux au remède;

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porte au sang un baume précieux, C'est le nectar que verse Ganymede

Dans les festins du monarque des dieux.

Ne nous engageons point dans un détail immense;
Les longs travaux pour moi ne sont plus de saison;
Il me suffit iei de joindre à la raison

Les succès de l'expérience.

Je ne m'arrête point à chercher dans ces vers
Qui des deux amena les arts dans l'univers ;
Nos besoins proprement en font leur apanage :
Les arts sont les enfants de la nécessité;
Elle aiguise le soin, qui, par elle excité,
Met aussitôt tout en usage.

Et qui sait si dans maint ouvrage
L'instinct des animaux, précepteurs des humains,
N'a point d'abord guidé notre esprit et nos mains?
Rendons grâce au hasard. Cent machines sur l'onde
Promenoient l'avarice en tous les coins du monde :
L'or entouré d'écueil avoit des poursuivants;
Nos mains l'alloient chercher au sein de sa patrie:
Le quina vint s'offrir à nous en même temps,
Plus digne mille fois de notre idolâtrie.
Cependant près d'un siècle on l'a vu sans honneurs.
Depuis quelques étés qu'on brigue ses faveurs,
Quel bruit n'a-t-il point fait! de quoi fument nos tem-
ples,

Que de l'encens promis au succès de ses dons?
Sans me charger ici d'une foule d'exemples,
Je me veux seulement attacher aux grands noms.
Combien a-t-il sauvé de précieuses têtes!
Nous lui devons Condé, prince dont les travaux,
L'esprit, le profond sens, la valeur, les conquêtes,
Serviroient de matière à former cent héros.
Le quin fera long-temps durer ses destinées.
Son fils, digne héritier d'un nom si glorieux,
Eût aussi sans ce bois langui maintes journées,
J'ai pour garants deux demi-dieux :
Arbitres de nos jours, prolongez les années
De ce couple vaillant et né pour les hasards,
De ces chers nourrissons de Minerve et de Mars,
Puisse mon ouvrage leur plaire!

Je toucherai du front les bords du firmament.
Et toi que le quina guérit si promptement,
Colbert, je ne dois point te taire ;

Je laisse tes travaux, ta prudence, et le choix
D'un prince que le ciel prendra pour exemplaire
Quand il voudra former de grands et sages rois.
D'autres que moi diront ton zèle et ta conduite,
Monument éternel aux ministres suivants;
Ce sujet est trop vaste, et ma muse est réduite
A dire les faveurs que tu fais aux savants.
Un jour j'entreprendrai cette digne matière;
Car pour fournir encore une telle carrière

Il faut reprendre haleine aussi bien aujourd'hui

Dans nos chants les plus courts on trouve un long ennui. J'ajouterai sans plus que le quina dispense

De ce

régime exact dont on suivoit la loi :

Sa chaleur contre nous agit faute d'emploi ;
Non qu'il faille trop loin porter cette indulgence.
Si le quina servoit à nourrir nos défauts,

Je tiendrois un tel bien pour le plus grand des maux.
Les muses m'ont appris que l'enfance du monde,
Simple, sans passion, en désirs infeconde,
Vivant de peu, sans luxe, évitoit les douleurs:
Nous n'avions pas en nous la source des malheurs
Qui nous font aujourd'hui la guerre:

Le ciel n'exigeoit lors nuls tributs de la terre ;
L'homme ignoroit les dieux, qu'il n'apprend qu'au be-

De nous les enseigner Pandore prit le soin:
Sa boîte se trouva de poisons trop remplie.
Pour dispenser les biens et les maux de la vie,
En deux tonneaux à part l'un et l'autre fut mis.
Ceux de nous que Jupin regarde comme amis
Puisent à leur naissance en ces tonnes fatales
Un mélange des deux, par portions égales :
Le reste des humains abonde dans les maux.
Au seuil de son palais Jupin mit ces tonneaux.
Ce ne fut ici-bas que plainte et que murmure;

soin;

On accusa des maux l'excessive mesure.
Fatigué de nos cris le monarque des dieux
Vint lui-même éclaircir la chose en ces bas lieux.
La Renommée en fit aussitôt le message.
Pour lui représenter nos maux et nos langueurs,
On députa deux harangueurs,

De tout le genre bumain le couple le moins sage,
Avec un discours ampoulé
Exagérant nos maladies:
Jupiter en fut ébranlé:

Ils firent un portrait si hideux de nos vies,
Qu'il inclina d'abord à réformer le tout.
Momus alors présent reprit de bout en bout
De nos deux envoyés les harangues frivoles :
N'écoutez point, dit-il, ces discurs de paroles;
Qu'ils imputent leurs maux à leur déréglement,
Et non point aux auteurs de leur tempérament,
Cette race pourroit avec quelque sagesse
Se faire de nos biens à soi-même largesse.
Jupiter cerut Momus; il fronça les sourcils:
Tout l'Olympe en trembla sur ses pôles assis.
Il dit aux orateurs: Va, malheureuse engeance,
C'est toi seule qui rends ce partage inégal:
Eu abusant du bien, tu fais qu'il devient mal,
Et ce mal est aceru par ton impatience.
Jupiter eut raison, nous nous plaignons à tort:
La faute vient de nous aussi bien que du sort.
Les dieux nous ont jadis deux vertus députées,
La constance aux douleurs, et la sobriété :
C'étoit rectifier cette inégalité.

Comment les avons-nous traitées ?

Loin de loger en nos maisons

Ces deux filles du ciel, ces sages conseillères, Nous fuyons leur commerce, eíles n'habitent guère Qu'en des lieux que nous méprisons. L'homme se porte en tout avecque violence,

A l'exemple des animaux,

Aveugle jusqu'au point de mettre entre les maux
Les conseils de la tempérance.
Corrigez-vous, humains; que te fruit de mes vers
Soit l'usage réglé des dons de la nature.

Que si l'excès vous jette en ces ferments divers,
Ne vous figurez pas que quelque flamme impure
Se doive avec le sang épuiser dans nos corps.
Le quina s'offre à vous, usez de ses trésors.
Éternisez mon nom : qu'un jour on puisse dire:
Le chantre de ce bois sut choisir ses sujets;
Phebus, ami des grands projets,
Lui préta son savoir au si bien que sa lyre
J'accepte cet augure à mes vers glorieux :
Tout concourt à flatter là-dessus mon génie ;
Je les ai mis au jour sous Louis, et les dieux
N'oseroient s'opposer au pouvoir d'Uranie.

FIN DU POÈME DU QUINQUINA.

OEUVRES DIVERSES.

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