Ma mère, ce grand cœur qui dort dans le tombeau ! (LES RAYONS ET LES OMBRES.) Mort de Charles X. Il est mort. Rien de plus. Nul groupe populaire, Et rien n'a dit au monde : Un roi vient de mourir! Sombres canons rangés devant les Invalides, Comme un lion captif qui secoûrait sa chaîne, Et n'a, se réveillant dans un subit effort, Le roi de France est mort! D'où vient qu'il s'est fermé sans vos salves funèbres, Soyez flétris! Mais non; c'est à nous, insensés, Que le mépris revient vous nous obéissez!... C'est nous qu'il faut flétrir, nous qui, déshonorés, Donnons notre âme abjecte à ces bronzes sacrés. Nous passons dans l'opprobre; hélas ! ils y demeurent! Mornes captifs! le jour où des rois proscrits meurent, Vous ne pouvez, jetant votre fumée à flots, Prolonger sur Paris vos éclatants sanglots, Et, pareils à des chiens liés à des murailles, D'un hurlement plaintif suivre leurs funérailles ! Muets, et vos longs cous baissés vers les pavés, Vous restez là pensifs, et tristes vous rêvez Aux hommes, froids esprits, cœurs bas, âmes douteuses, Qui font faire à l'airain tant de choses honteuses! Vous vous taisez. — Mais moi, moi, dont parfois le chant Se refuse à l'aurore et jamais au couchant, Moi que jadis à Reims Charle admit comme un hôte, (LES VOIX INTÉRIEURES. Sunt lacrymæ rerum.) Date lilia. Oh! si vous rencontrez quelque part sous les cieux Quand, vers Pâque ou Noël, l'église,aux nuits tombantes, 4 Comme la blanche écume aux lèvres des pressoirs ; Quand au milieu des chants d'hommes, d'enfants, defemmes, Une âme selon Dieu sort de toutes ces âmes; Si, loin des feux, des voix, des bruits et des splendeurs, Dans un repli perdu parmi les profondeurs, Sur quatre jeunes fronts groupés près du mur sombre, Oh! qui que vous soyez, bénissez-la. C'est elle, C'est elle! la vertu sur ma tête penchée ; Qui de mes propres torts me console et m'absout; D'une double nature hymen mystérieux! (LES CHANTS DU CRÉPUSCULE.) A. DE VIGNY. (1799.) Le comte Alfred de Vigny est né dans la petite ville de Loches, en Touraine, d'une famille noble et ancienne. Il entra jeune dans l'armée, servit douze ans, et se retira avec le grade de capitaine. Doué du génie poétique, M. de Vigny avait consacré aux muses ses loisirs de garnison, et publié plusieurs petits poëmes, dont les plus beaux sont Dolorida, Moïse, et surtout Éloa, peinture de l'abnégation et du dévouement de la fenime, représentée par Eloa, vierge-archange, formée d'une larme de l'Éternel. C'est un chef-d'œuvre d'élégance, de grâce et de délicatesse, auquel on ne peut reprocher qu'un peu d'effort, de recherche et d'apprêt. On dirait un épisode de la Messiade. M. de Vigny a fait depuis une traduction en vers de l'Othello de Skakspeare. Les ouvrages en prose de M. de Vigny lui assurent une place non moins éminente parmi les prosateurs de notre époque. Nous lui devons Cinq-Mars, roman historique; Stello, peinture intéressante des souffrances et de la fin tragique de Chatterton, de Gilbert et d'André Chénier; Servitude el Grandeur mililaires, récit touchant de la vie dure et de l'héroïsme ignoré du soldat; et deux drames remarquables, Challerton et la Maréchale d'Ancre. Naissance d'Eloa. Il naquit sur la terre un ange, dans le temps |