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Lève-toi, Jacques, lève-toi;

Voici venir l'huissier du roi.

Du vin soutiendrait ton courage,
Mais les droits l'ont bien renchéri !
Pour en boire un peu, mon chéri,
Vends mon anneau de mariage.
Lève-toi, Jacques, lève-toi;
Voici venir l'huissier du roi.

Rêverais-tu que ton bon ange
Te donne richesse et repos?
Que sont aux riches les impôts?

Quelques rats de plus dans leur grange.
Lève-toi, Jacques, lève-toi;

Voici venir l'huissier du roi.

Il entre! ô ciel! que dois-je craindre? Tu ne dis mot! quelle pâleur!

Hier tu t'es plaint de ta douleur,

Toi qui souffres tant sans te plaindre! Lève-toi, Jacques, lève-toi ;

Voici venir l'huissier du roi.

Elle appelle en vain; il rend l'âme.

Pour qui s'épuise à travailler

La mort est un doux oreiller.

Bonnes gens, priez pour sa femme.

Lève-toi, Jacques, lève-toi;

Voici venir l'huissier du roi.

LAMARTINE.

(1790.)

M. Alphonse de Lamartine est né à Mâcon. 11 fit ses études au college des jésuites, à Belley, et compléta son éducation par des voyages. En 1814, il entra dans les gardes du corps, en qualité d'officier de cavalerie. Après deux ans de service, il se remit à voyager. En 1820, il se rendit à Paris, et publia un volume de poésies intitulées Méditations poétiques. Le succès de ce livre fut immense, et rappela celui du Génie du Christianisme. L'auteur faisait, en effet, dans la poésie, la réforme que Chateaubriand avait opérée dans la prose, vingt ans auparavant. A la place de cette poésie mythologique, froide et sèche, du XVIIIe siècle, qui n'était qu'une habile torture de la langue et qu'un jeu stérile de l'esprit, on voyait renaître une poésie inspiree, chrétienne, naturelle, qui respirait l'enthousiasme religieux, l'amour de la nature, la sympathie pour les douleurs humaines, les émotions tendres et pieuses, le goût de la solitude et de la rêverie. Les esprits, fatigués de matérialisme et d'incrédulité, faisaient un retour vers les doctrines spiritualistes et désiraient d'autres joies que les joies terrestres. Lamartine exprima dans un langage grave et solennel, comme celui des chœurs d'Esther et d'Athalie, les désirs et les sentiments que tout le monde avait dans le cœur; il fut proclamé le poëte élégiaque et lyrique par excellence. Il soutint la gloire de ces brillants débuts dans les Secondes Méditations, et dans les Harmonies poétiques et religieuses, où il atteignit peut-être le plus haut point de son développement lyrique.

En 1835, M. de Lamartine a publié le poëme de Jocelyn, épisode d'une grande épopée qu'il promet d'écrire sur l'humanité. Dans cet épisode, il se propose de peindre le prêtre catholique, et il le résume dans le curé de campagne, une des plus touchantes figures de la société moderne. Ce poëme, malgré la faiblesse de la composition et de nombreuses négligences de détail, montre le talent du poëte sous un nouveau jour. Lamartine a su trouver des couleurs d'une richesse incomparable pour peindre les grandes scènes de la nature dans les

Alpes, des teintes douces et un style simple, naïf et précis, pour decrire les modestes occupations du bon curé.

Depuis Jocelyn, M. de Lamartine a donné un second épisode de sa grande épopée, intitulé la Chute d'un ange, et un volume de poésies, sous le titre de Recueillements poétiques, composé de pièces de vers adressées à diverses personnes. Ces deux ouvrages ont eu peu de succès. On y trouve en plus grand nombre encore que dans Jocelyn les défauts qu'on reproche à l'auteur. M. de Lamartine improvise toujours; il a une inspiration facile et abondante qui lui permet d'écrire en vers aussi vite qu'en prose. Les strophes les plus riches et les plus élégantes ne lui coûtent rien. Mais la forme n'est pas toujours aussi pure et aussi parfaite qu'on pourrait le désirer. On reproche à M. de Lamartine le vague de ses peintures, la surabondance de ses descriptions, une profusion d'images, une accumulation de détails là où quelques traits feraient plus d'effet, et quelques négligences de rime et de langue. Malgré ces défauts, c'est un des plus grands poëtes de notre littérature. Aucun ne peut lui être comparé pour la force des émotions, pour la gracieuse liberté des mouvements, pour la variété, la magnificence, la grandeur des images.

La poésie n'est qu'une brillante moitié de la gloire littéraire de M. de Lamartine, comme de M. Victor Hugo, de M. de Vigny et de M. Sainte-Beuve. Il a écrit un Voyage en Orient, l'Histoire des Girondins, les confidences de son enfance et de sa jeunesse dans Mes Confidences et dans Raphaël, où l'on trouve des pages qui le disputent de grâce et de fraicheur avec les Harmonies et les Médilations; le Tailleur de pierres de Saint-Point; une Histoire de la révolution de 1848, une Histoire de la restauration, une Histoire des Constituants, encore inachevée, etc., etc.

Hymne de l'Enfant à son réveil.

O Père qu'adore mon père!

Toi qu'on ne nomme qu'à genoux ;

Toi dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère;

On dit que ce brillant soleil

N'est qu'un jouet de ta puissance;

Que sous tes pieds il se balance
Comme une lampe de vermeil.

On dit que c'est toi qui fais naître
Les petits oiseaux dans les champs,
Qui donnes aux petits enfants
Une âme aussi pour te connaître.

On dit que c'est toi qui produis
Les fleurs dont le jardin se pare,
Et que sans toi, toujours avare,
Le verger n'aurait point de fruits.

Aux dons que ta bonté mesure
Tout l'univers est convié;
Nul insecte n'est oublié

A ce festin de la nature.

L'agneau broute le serpolet,
La chèvre s'attache au cytise;
La mouche au bord du vase puise
Les blanches gouttes de mon lait;

L'alouette a la graine amère
Que laisse envoler le glaneur,
Le passereau suit le vanneur,
Et l'enfant s'attache à sa mère.

Et, pour obtenir chaque don
Que chaque jour tu fais éclore,

A midi, le soir, à l'aurore,

Que faut-il? prononcer ton nom!

On dit qu'il aime à recevoir
Les vœux présentés par l'enfance,
A cause de cette innocence

Que nous avons sans le savoir.

On dit que leurs humbles louanges
A son oreille montent mieux;
Que les anges peuplent les cieux,
Et que nous ressemblons aux anges.

Ah! puisqu'il entend de si loin
Les vœux que notre bouche adresse,
Je veux lui demander sans cesse

Ce dont les autres ont besoin.

Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines,
Donne la plume aux passereaux,

Et la laine aux petits agneaux,
Et l'ombre et la rosée aux plaines.

Donne au malade la santé,

Au mendiant le pain qu'il pleure,
A l'orphelin une demeure,
Au prisonnier la liberté.

Donne une famille nombreuse
Au père qui craint le Seigneur;

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