D'un peu de lait, de fruits, et des dons de Cérès. Baucis n'en fit pas moins : tous deux s'agenouillèrent; Qui font trembler les cieux sur leurs pôles assis. Baucis sort, à ces mots, pour réparer l'erreur. Jupiter intercède. Et déjà les vallons Voyoient l'ombre en croissant tomber du haut des monts. 1 Moins il se vidail. 2 Parut, pour apparut. Les dieux sortent enfin, et font sortir leurs hôtes. «De ce bourg, dit Jupin, je veux punir les fautes: Suivez-nous. Toi, Mercure, appelle les vapeurs. O gens durs ! vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs ! » A leurs pieds aussitôt cent nuages crevèrent, En moins de deux instans s'élèvent jusqu'aux nues ; 1 On dit changer con tre. 2 Vieux mot qui signifie enceinte, enclos. Ceux-ci furent tracés d'une main immortelle. « Vous comblez, dirent-ils, vos moindres créatures : Aurions-nous bien le cœur et les mains assez pures Pour présider ici sur les honneurs divins, Et, prêtres, vous offrir les vœux des pèlerins? » « Hélas! dit Philémon, si votre main puissante D'autres mains nous rendroient un vain et triste office: Ne troubleroient non plus de leurs larmes ces lieux. >> Jupiter à ce vœu fut encor favorable. 1 Mais oserai-je dire un fait presque incroyable? 1 On dit aujourd'hui autour d'eux. 2 Demeure. 3 Hosties, vieux mot, pour victimes. Il ne resta que nous d'un si triste débris: Vous en verrez tantôt la suite en nos lambris; Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois. Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter. 1 Inversion surannée. RACINE. (1639-1699.) JEAN RACINE, fils d'un contrôleur du grenier à sel, naquit à la FertéMilon. Après d'excellentes études à Port-Royal, il essaya le droit et la théologie, et se dégoûta bientôt de l'un et de l'autre. Il débuta dans la littérature par deux odes, qui le firent connaître de Boileau et de Molière. Boileau devint son ami intime, son guide, et lui apprit à faire difficilement des vers faciles. Ses deux premières tragédies, la Thébaïde, ou les Frères ennemis, et Alexandre le Grand, furent faites d'après la manière de Corneille. Après cet essai, il résolut de travailler sans modèle, et de devenir créateur à son tour. Corneille avait célébré l'héroïsme sous toutes ses faces. Racine entreprit d'élever l'âme en l'attendrissant, et d'introduire dans la tragédie un mélange d'héroïsme et de sensibilité: il se proposa de représenter sur la scène les désordres et les malheurs causés par les passions, afin de nous apprendre à les éviter ou à les maîtriser. Chez lui, la tragédie devint l'étude du cœur de la femme, la peinture de toutes les nuances du plus tendre de nos sentiments. Racine possédait au suprême degré toutes les qualités propres à remplir le but qu'il se proposait il avait une brillante imagination, un goût délicat, un sentiment parfait des convenances, une sensibilité exquise, une grâce ravissante, et une élégance inexprimable de langage, qui en fait le plus parfait de nos poëtes. Il est inférieur à Corneille pour le génie, la vigueur, l'élévation et le sublime; mais il a plus d'habileté dans la composition du drame, plus de vérité dans la peinture des sentiments, plus de goût et plus de talent pour orner les détails et pour exprimer poétiquement les idées les plus simples. Racine donna successivement Andromaque, Britannicus, Mithridate, Bajazet, Iphigénie, Phèdre, Esther et Athalie, considérée généralement comme la pièce la plus parfaite du théâtre français. Nous avons encore de lui la comédie des Plaideurs, qui n'aurait pas été désavouée par Molière; quelques épigrammes, qui annoncent un rare talent pour la raillerie et la satire; quelques admirables cantiques, composés pour les demoiselles de Saint-Cyr ; un excellent Abrégé de l'his |