Tout ce qui se rattache au souvenir de Napoléon excite vivement la curiosité. La tribune politique, la tribune littėraire retentissent chaque jour de son nom; l'histoire, l'èpopée, le drame, les mémoires, le feuilleton reproduisent les circonstances de sa vie sous mille formes, sous mille nnances; et tout ce qui se dit à ce sujet est écouté avec altention, tout ce qui s'écrit, lu avec avidité.

C'est qu'il y a dans la carrière de cet homme quelque chose de si grand, de si national que le peuple français ne peut se lasser de l'admirer; c'est qu'il résume à ses yeux le plébéisme de Marius et la grandeur d'Alexandre; c'est que Napoléon est peuple par l'origine et par le cœur, roi, par l'épée et le génie.

Et puis cette grande apothéose, sanctionnée par l'infortune, a vivement frappé toutes les imaginations; les peuples de l'Europe étonnés se sont demandé, comme autrefois les Hébreux à la mort de Machabée, comment est tombé cet homme dont l'épée servait de rempart à Israël?..

Ce n'est pas seulement en Europe que le nom du héros est populaire, les peuplades barbares de l'Océanie le répètent dans leur dialecte grossier, leur féerie a réclamé son histoire, elle remplit leur tente de récits merveilleux.

Le sauvage le dit d'une voix ingénue

Sur l'île où toute langue est encore inconnue,
Où l'Océan, du sud murmure de doux sons.
Les peuples, endormis sous les ombres du pôle,
Out buriné ce nom sur l'immense coupole
Arrondie avec des glaçons.

Allez à Tomboucton, la ville fabuleuse,
Où le Niger étend son onde nébuleuse,
Prononcez de grands noms, des noms grecs et romains,
Aucun ne touchera le stupide sauvage;

Demandez Bonaparte à l'écho du rivage,

Le rivage battra des mains. (1)

Mais dans cent ans seulement Napoléon apparaîtra à nos descendans dans tout l'apogée de sa grandeur; alors la

(1) Méry.

voix des passions jalouses ou tumultueuses sera apaisée: celle de l'histoire s'élèvera sublime et majestueuse dans le silence de l'admiration et redira aux échos de l'avenir le plus reculé la gloire du héros et celle de la grande ar

mée.

L'œuvre que nous publions aujourd'hui est une œuvre nationale; c'est l'histoire de Napoléon écrite par lui-même; c'est cette grande épopée militaire qui commence à Toulon pour finir à Waterloo; c'est ce style magique qui éiectrisait nos soldats au froid sommet des Alpes et sous le ciel dévorant de l'Égypte, aux champs d'Austerlitz et sur les bords de la Bérézina. Ce sont les bulletins de ces batailles homériques tracés par la main mème de celui qui faisait et défaisait les royautés; ce sont ces pages cent fois plus sublimes, cent fois plus authentiques que tout ce qui a été écrit jusqu'à ce jour.

Les grandes et imposantes figures des chefs de ces phalanges héroïques, inconnues la plupart parce qu'elles sont trop nombreuses, apparaîtront toutes dans cette publication avec leurs gloires immortelles. Les états de scrvice de chaque officier seront mentionnés avec une scrupuleuse exactitude.

La réimpression de ces bulletins, est, nous le répétons, une œuvre éminemment nationale, d'abord parce qu'elle remplit la lacune qui existait dans la bibliotheque du peuple; ensuite parce qu'elle va populariser en France ces pages brûlantes d'éloquence et d'action, belles comme l'antique; enfin parce que c'est un nouvel hom

mage rendu à la mémoire de nos braves et à celle du héros qui avait pris pour devise: «Tout pour le peuple français ! D

Not 1. Les éditeurs accueilleront avec plaisir tous les renseignemens historiques qui leur serout adressés au sujet des états de service et des actions d'éclat des généraux de l'armée française.