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car aucun évêque dans l'Orient n'avait jamais été prince, et n'avait eu aucun des droits qu'on nomme régaliens. Ce nouvel empire romain ne reffemble en rien à celui des premiers céfars.

On verra dans ces annales ce que fut en effet cet empire; comment les pontifes romains. acquirent leur puissance temporelle qu'on leur a tant reprochée, pendant que tant d'évêques occidentaux et furtout ceux d'Allemagne fe fefaient fouverains; et comment le peuple romain voulut long-temps conserver sa liberté entre les empereurs et les papes qui fe font disputé la domination de Rome.

Tout l'Occident depuis le cinquième siècle était ou désolé ou barbare. Tant de nations, fubjuguées autrefois par les anciens Romains, avaient du moins vécu jufqu'à ce cinquième fiècle dans une fujétion heureuse. C'est un exemple unique dans tous les âges, que des vainqueurs aient bâti pour des vaincus ces vastes thermès, ces amphithéâtres; aient conftruit ces grands chemins, qu'aucune nation n'a ofé depuis tenter, même d'imiter. Il n'y avait qu'un peuple. La langue latine du temps de Théodofe fe parlait de Cadix à l'Euphrate. On commerçait de Rome à Trêves et à Alexandrie, avec plus de facilité que beaucoup de provinces ne trafiquent aujourd'hui avec leurs voifins. Les tributs mêmes, quoiqu'onéreux,

l'étaient bien moins que quand il fallut payer depuis, le luxe et la violence de tant de feigneurs particuliers. Que l'on compare feulement l'état de Paris, quand Julien le philofophe le gouvernait, à l'état où il fut cent cinquante ans après. Qu'on voie ce qu'était Trêves la plus grande ville des Gaules, appelée du temps de Théodofe une feconde Rome, et ce qu'elle devint après l'inondation des barbares. Autun fous Conftantin avait dans fa banlieue vingt-cinq mille chefs de famille. Arles était encore plus peuplée. Les barbares apportèrent avec eux la dévaftation, la pauvreté, et l'ignorance. Les Francs étaient au nombre de ces peuples affamés et féroces qui couraient au pillage de l'Empire. Ils fubfiftaient de brigandage, quoique la contrée où ils s'étaient établis fût très-belle et très-fertile. Ils ne favaient pas la cultiver. Ce pays eft marqué dans l'ancienne carte conservée à Vienne. On y voit les Francs établis depuis l'embouchure du Mein jufqu'à la Frise, et dans une partie de la Veftphalie; franci ceu chamavi. Ce n'est que par les anciens Romains mêmes, que les Français, quand ils furent lire, connurent un peu leur origine.

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Les Francs étaient donc une partie de ces peuples nommés Saxons qui habitaient la Veftphalie; et quand Charlemagne leur fit la

guerre trois cents ans après, il extermina les descendants de fes pères.

par

Ces tribus de Francs, dont les Saliens étaient les plus illuftres, s'étaient peu-à-peu établies dans les Gaules, non pas en alliés du peuple romain, comme on l'a prétendu, mais après avoir pillé les colonies romaines, Trêves, Cologne, Maïence, Tongres, Tournai, Cambrai: battus à la vérité par le célèbre Aétius un des derniers foutiens de la grandeur romaine, mais unis depuis avec lui néceffité contre Attila; profitant enfuite de l'anarchie où ces irruptions des Huns, des Goths et des Vandales, des Lombards et des Bourguignons, réduifaient l'Empire, et fe fervant contre les empereurs mêmes des droits et des titres de maîtres de la milice et de patrice, qu'ils obtenaient d'eux. Cet empire fut déchiré en lambeaux, chaque horde de ces fiers sauvages faisit sa proie. Une preuve inconteftable que ces peuples furent long-temps barbares, c'est qu'ils détruifirent beaucoup de villes, et qu'ils n'en fondèrent

aucune.

Toutes ces dominations furent peu de chofe jufqu'à la fin du huitième fiècle devant la puiffance des califes, qui menaçait toute la

terre.

Plus l'empire de Mahomet floriffait, plus Conftantinople et Rome étaient avilies. Rome

ne s'était jamais relevée du coup fatal que lui porta Conftantin, en transférant le fiége de l'Empire. La gloire, l'amour de la patrie, n'animèrent plus les Romains: il n'y eut plus de fortune à espérer pour les habitants de l'ancienne capitale. Le courage s'énerva; les arts tombèrent; on ne vit plus dans le féjour des Scipions et des Céfars que des conteftations entre les juges féculiers et l'évêque. Prise, reprise, faccagée tant de fois par les barbares, elle obéiffait encore aux empereurs ; depuis Juftinien, un vice-roi sous le nom d'exarque la gouvernait, mais ne daignait plus la regarder comme la capitale de l'Italie. Il demeurait à Ravenne, et de là il envoyait fes ordres au préfet de Rome. Il ne reftait aux empereurs en Italie que le pays qui s'étend des bornes de la Toscane jufqu'aux extrémités de la Calabre. Les Lombards poffédaient le Piémont, le Milanais, Mantoue, Gènes, Parme, Modène, la Toscane, Bologne. Ces Etats compofaient le royaume de Lombardie. Ces Lombards étaient venus, à ce qu'on dit, de la Pannonie, et ils y avaient embraffé l'espèce de chriftianisme qui avait prévalu avant Constantin, et qui fut la religion dominante fous la plupart de fes fucceffeurs; c'eft ce qu'on nomme l'arianifme. Les barbares lombards avaient pénétré en Italie par le Tirol. Leurs chefs fe firent alors catholiques

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romains pour affermir leur domination à l'aide du clergé, ainfi que Clovis en ufa dans la Gaule celtique. Rome dont les murailles étaient abattues, et qui n'était défendue que par des troupes de l'exarque, était fouvent ⚫ menacée de tomber au pouvoir des Lombards. Elle était alors fi pauvre que l'exarque n'en retirait pour toute impofition annuelle qu'un fou d'or par chaque homme domicilié ; et ce tribut paraiffait un fardeau pefant. Elle était au rang de ces terres flériles et éloignées qui font à charge à leurs maîtres.

Le diurnal romain des septième et huitième fiècles, monument précieux dont une partie eft imprimée, fait voir d'une manière authentique ce que le fouverain pontife était alors. On l'appelait le vicaire de Pierre, évêque de la ville de Rome, quoiqu'il foit démontré que Simon Barjone (Pierre) ne vint jamais dans cette capitale. Dès que l'évêque était élu par les citoyens, le clergé en corps en donnait avis à l'exarque, et la formule était : Nous vous fupplions, vous chargé du ministère impérial, d'ordonner la confecration de notre père et pasteur. Ils donnaient part auffi de la nouvelle élection au métropolitain de Ravenne, et ils lui écrivaient Saint - Père, nous fupplions votre béatitude d'obtenir du feigneur exarque l'ordination dont il s'agit. Ils devaient auffi en écrire

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