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Confesseur. Qu'il nous suffise de rappeler qu'après trois mois d'études la Constitution fut reçue par quarante et un évêques : neuf seulement avaient refusé de se joindre à eux '.

A la tête de ces opposants marchait le Cardinal de Noailles. Enivré des adulations du parti, il paraissait aspirer de plus en plus à la funeste gloire d'en être reconnu pour chef. Grâce à la fatale vanité, au fol entètement de ce prélat, la Bulle, qui devait être un instrument de paix et de réconciliation, devint une nouvelle cause de discorde. Les Jansénistes, fidèles à leurs schismatiques habitudes, refusèrent une fois de plus, sous les plus frivoles prétextes, de se soumettre aux solennelles décisions de l'Église universelle.

1 Voici les noms de ces opposants :

MM. de Noailles (Louis-Antoine), archevêque de Paris, cardinal; d'Hervaut, archevêque de Tours;

de Béthune, évêque de Verdun;

de Noailles (Gaston), évêque de Châlons-sur-Marne (frère de l'archevêque de Paris);

Soanen, évêque de Senez;

de Langle, évêque de Boulogne;

Desmarets, évêque de Saint-Malo;

Dreuillet, évêque de Bayonne;

de Clermont, évêque de Laon (quelques jours après se joignit aux acceptants).

CHAPITRE XIII

LONGANIMITÉ DE LOUIS XIV ET DE SES CONSEILLERS.

Soumission des catholiques. Les Jansénistes et la Bulle. Bulle et l'excommunication. La condamnation in globo. Invention des Jansénistes. L'évêque de Soissons. rigueurs du Roi. Rôle du P. Le Tellier et de ses amis. Noailles.

La

Les

La Bulle Unigenitus, reçue par l'assemblée de Paris et peu après enregistrée presque sans débat au Parlement, fut adressée par Louis XIV à tous les évêques du royaume. Comme la plupart la connaissaient de longtemps, et que dans l'espace de trois ou quatre mois il leur avait été facile de l'étudier à loisir, cent cinq se furent bientôt soumis à la décision solennelle du Siège Apostolique; quatorze ou quinze seulement abandonnèrent plus ou moins ouvertement le sentier dans lequel leurs frères marchaient à rangs pressés.

:

Cet exemple de l'Église gallicane fut heureusement suivi le monde catholique tout entier imita cette filiale obéissance et vint sans retard se mettre à la suite du Pontife romain. Aussi ceux-là mêmes qui prétendaient que le Pape n'était point infaillible devaient-ils avouer que ce jugement devenait véritablement celui de l'Église par l'acceptation tacite ou publique des évêques".

1 Huit s'y montrèrent franchement opposés; sept semblaient l'improuver par leur inaction.

Nous trouvons à la Bibliothèque nationale (ms. 17688, fonds latin) un document précieux qui prouve, d'une manière irréfu

Impossible donc de nier la rigoureuse obligation pour tout fidèle de se joindre, sous peine de schisme, à l'universalité des pasteurs. Le Pape avait parlé : ses frères, les évêques, lui faisaient écho. Devant cette unanimité du corps épiscopal, qu'était-ce que ce petit nombre de prélats français qui seuls osaient appeler aux armes et se révolter?

Les Jansénistes sentaient tout ce que cet isolement avait de désavantageux pour leur cause. Aussi ne craignaient-ils pas, pour le dissimuler, de recourir à la ruse, nous ne voulons pas dire au mensonge. C'est ainsi qu'ils publièrent avec insistance que les docteurs de Salamanque n'avaient pas reçu la Constitution, au point que cette Université se crut obligée de démentir ces bruits on nous a conservé ses lettres au Pape, au Cardinal de Rohan et à la Sorbonne elle-même 1.

:

D'autres fois ils annonçaient que le royaume entier était soulevé contre le Saint-Siège, et les rimeurs de la secte, avec plus de bonne volonté que de talent, s'écriaient tout joyeux de la fidélité de leur mémoire:

En vain contre Quesnel s'unit Rome et Versailles,
Pour lui toute la France a les yeux de Noailles;

table, cette unanimité de l'univers catholique dans l'obéissance au Souverain Pontife. Les appelants de la Bulle Unigenitus, lisons-nous dans la préface, demandent, pour s'y soumettre, la décision d'un concile œcuménique; le voici, ce concile, bien plus qu'équivalemment rassemblé dans ce recueil, où sept ou huit cents évêques reconnaissent que cette Bulle renferme la doctrine de l'Église. Toutes ces lettres d'adhésion aux décrets de Rome furent adressées au Cardinal de Bissy, sur sa demande, et sont parafées par lui. Aussi l'évêque de Chalon-sur-Saône pouvait-il écrire « La Constitution Unigenitus est une règle de foi, ou il n'y en eut jamais dans l'Eglise, puisqu'elle est un jugement doctrinal du corps des pasteurs qui ont à leur tête leur chef. Lettre à l'avocat général de Dijon. Bibl. nat., ms. 10577, p. 161. 1 Bibl. nat., Histoire ecclésiastique, no 815.

La ligue ignacienne a beau le censurer,
Le public révolté s'obstine à l'admirer 1.

Toutefois cette infériorité numérique du parti janséniste ne diminua point son audace. Après quelques hésitations, il ouvre résolument les hostilités. Ce n'était pas ce qu'on devait attendre, s'il eût fallu donner la plus légère attention aux protestations publiques d'obéissance et de dévouement sans bornes à l'Église que la secte multipliait en toutes rencontres.

« Je soumets très sincèrement, disait Quesnel, et mes réflexions sur le Nouveau Testament, et toutes les explications que j'y ai apportées, au jugement de la sainte Église catholique, apostolique et romaine, dont je serai jusqu'au dernier soupir un fils très soumis et très obéissant 2. "

malheureu

C'étaient lå de belles et nobles paroles sement elles furent bientôt méprisées, ouvertement reniées. Le fils très soumis et très obéissant osa se dresser audacieusement contre cette même Eglise catholique, apostolique et romaine, unie à son chef visible. La Bulle, s'écrie-t-il, détruit l'œuvre du Rédempteur et frappe d'un seul coup cent vérités incontestables. L'accepter, c'est réaliser évidemment la prophétie de Daniel annonçant qu'une partie des forts d'Israël doit tomber comme les étoiles du ciel.

Le cri de révolte est poussé, et l'humble soumission publiquement annoncée se change en une guerre acharnée. Les mille voix du jansénisme se joignent à celle du patriarche de la secte. Tout est méchamment attaqué, odieusement dénaturé. Des pamphlets sans nombre et

1 Recueil de poésies sur la Constitution. Bibl. nat.

9 Cf. PICOT, op. cit., t. I, p. 74.

divers écrits très scandaleux sont jetés dans tous les coins de l'Europe catholique; on sème partout avec fureur le mensonge et la calomnie. « La haine, osaient dire les Oratoriens de Nantes, a conçu cette Bulle; l'erreur l'a enfantée, une autorité respectable mais malheureusement séduite l'a surprise et arrachée au premier pasteur de l'Église '.

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D'autres avaient l'effronterie de comparer Quesnel à saint Paul.

Quesnellum et Paulum condemnat Papa. Quid ad nos?
Fallitur et fallit.

La ville centre de l'unité devient pour ces enfants rebelles, comme au temps de Luther, la grande prostituée de Babylone.

Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis,

disait Quesnel, et sectaires de répondre à l'envi: Oui, vous dites vrai, « la chaire de la vérité et la visibilité de l'Église dépendent maintenant de la Hollande et de la ville d'Amsterdam par l'asile qu'elle donne aux docteurs opprimés».

Saint-Simon, se faisant l'écho des clameurs par lesquelles ces fils révoltés essayèrent d'étouffer la voix de celui qu'ils s'obstinaient à regarder comme leur père, nous a rapporté quelques-uns des griefs qu'ils exploitaient contre la Bulle. Il en est un sur lequel il s'arrête avec une visible complaisance et dont le parti fit grand bruit. La Constitution, disait-on, tranche la fameuse question du pouvoir des Papes sur le temporel des Rois.

1 Au Cardinal de Noailles. Continuateur de MÉZERAY, p. 559. * Cf. Continuateur de MÉZERAY, p. 560.

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