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Toutefois, au dire du même écrivain et de ceux qui l'ont copié plus ou moins servilement, ce prince, assez heureux pour distinguer de la foule et grouper autour de son trône une pléiade d'hommes illustres, se trompa lourdement sur la personne du P. Le Tellier. Mme de Maintenon, l'évêque de Chartres, le curé de SaintSulpice, les dues de Chevreuse et de Beauvilliers ne furent ni plus clairvoyants, ni mieux inspirés.

Il s'en fallait pourtant de beaucoup que tous ceux dont le monarque avait pris l'avis en cette affaire fussent disposés à fermer les yeux à la lumière, à regarder instinctivement comme d'insignifiantes bagatelles tous les reproches qu'on prodiguait aux Jésuites, à trouver admirable tout ce que faisaient ou pensaient ces religieux. Chevreuse, par exemple, conservait pour eux un éloignement secret que ses liaisons plus qu'intimes avec Fénelon ne purent émousser1». On l'accusait également de pencher encore à cette époque vers le jansénisme; ce qui ne devait pas assurément le rapprocher d'un homme qui s'était déjà signalé par la hardiesse de ses attaques contre la secte et ses partisans, par le nombre et le retentissement des combats qu'il avait précédemment livrés.

Nous espérons prouver qu'en dépit des calomnies qu'on a déversées sur ce prêtre et que plusieurs historiens répètent aveuglément à l'envi, il fut vraiment le ministre fidèle que le prince voulait. « Le confesseur du Roi, écrivait Chevreuse, parait avoir tout ce qu'il faut, si la cour, qu'il n'a connue jusqu'à présent que par oui-dire, ne le change pas. » La cour ne le changea pas, et Che

Saint-Simon.

* A Fénelon, 9 avril 1709. Cf. Œuvres de Fén., édit. des Sulpiciens.

Le P. Le Tellier n'était donc pas un inconnu. Les diverses polémiques qu'il avait soutenues, les charges dont les siens l'avaient honoré, permettaient au Roi et à ses conseillers de l'étudier, de le connaitre. Ils durent se demander, avant de lui confier la charge si importante de confesseur du prince, ce qu'étaient la vertu, la science, le caractère de cet homme, ce qu'il fallait attendre de lui. Sa conduite passée faisait prévoir sa conduite future. Louis XIV, qui recommandait à son fils « d'examiner les hommes avant que de les mettre dans l'emploi ", de ne pas se contenter d'une étude superficielle, « parce que la plupart se déguisent aisément dans la passion de parvenir à l'autorité qu'ils se proposent », lui qui traitait les affaires religieuses avec tant de soin et disait que la distribution des bénéfices est sans comparaison plus importante que le service du prince et la tranquillité de ses sujets », lui qui voulait le savoir, la pitié, la conduite en ceux qu'il honorait d'une dignité ecclésiastique, quelles qu'aient été d'ailleurs ses inconséquences sur ce point, ne dut se décider, dans une question aussi grave, qu'après avoir murement réfléchi, longtemps étudié, fréquemment pris conseil. C'est du reste ce que les écrivains de l'époque s'accordent à reconnaitre. « La délibération de ce choix dura un mois, du 20 janvier au 21 février », remarque Saint-Simon lui-même.

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1 Mémoires de Louis XIV, t. I, année 1670, édit. Dreyss.

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Voici le texte complet de ce passage: Qui pourrait croire, mon fils, qu'il y eût quelque chose de plus important que notre service et que la tranquillité de nos sujets? Cependant la distribution des bénéfices, par la suite nécessaire qu'elle entraine après elle, l'est sans comparaison davantage et autant que le ciel est élevé audessus de la terre. • (Fragment isolé des Mémoires de 1662, t. II, p. 487.) Op. cit., année 1662. Fragment, t. II, p. 487, note. Mémoires, t. IV, ch. xxv, p. 288.

Toutefois, au dire du même écrivain et de ceux qui l'ont copié plus ou moins servilement, ce prince, assez heureux pour distinguer de la foule et grouper autour de son trône une pléiade d'hommes illustres, se trompa lourdement sur la personne du P. Le Tellier. Mme de Maintenon, l'évêque de Chartres, le curé de SaintSulpice, les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers ne furent ni plus clairvoyants, ni mieux inspirés.

Il s'en fallait pourtant de beaucoup que tous ceux dont le monarque avait pris l'avis en cette affaire fussent disposés à fermer les yeux à la lumière, à regarder instinctivement comme d'insignifiantes bagatelles tous les reproches qu'on prodiguait aux Jésuites, à trouver admirable tout ce que faisaient ou pensaient ces religieux. Chevreuse, par exemple, conservait pour eux un « éloignement secret que ses liaisons plus qu'intimes avec Fénelon ne purent émousser1». On l'accusait également de pencher encore à cette époque vers le jansénisme; ce qui ne devait pas assurément le rapprocher d'un homme qui s'était déjà signalé par la hardiesse de ses attaques contre la secte et ses partisans, par le nombre et le retentissement des combats qu'il avait précédemment livrés.

Nous espérons prouver qu'en dépit des calomnies qu'on a déversées sur ce prêtre et que plusieurs historiens répètent aveuglément à l'envi, il fut vraiment le ministre fidèle que le prince voulait. « Le confesseur du Roi, écrivait Chevreuse, parait avoir tout ce qu'il faut, si la cour, qu'il n'a connue jusqu'à présent que par oui-dire, ne le change pas. » La cour ne le changea pas, et Che

1 Saint-Simon.

* A Fénelon, 9 avril 1709. Cf. Œuvres de Fén., édit. des Sulpiciens.

vreuse ne s'était point trompé dans son premier jugement. En suivant pas à pas les Mémoires de SaintSimon, en les réfutant, nous aurons, croyons-nous, rétabli la vérité sur les points importants, et détruit les accusations les plus répandues contre le Confesseur.

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