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vingt-quatre parties d'or pur, & l'once de même: mais le carat du marc pêfe huit fois autant que le carat de l'once.

§. LXXI.

Contentement paffe richeffes. SENEQUE dit qu'il n'y a point de différence entre pofféder une chofe & ne la point fouhaiter.

LE

Dans un lieu du bruit retiré,
Où, pour peu qu'on foit modéré,
On peut trouver que tout abonde,
Sans amour, fans ambition,
Exemt de toute paffion,

Je jouïs d'une paix profonde;
Et pour m'affurer le feul bien

Que l'on doit eftimer au monde,

Tout ce que je n'ai pas, je le compte pour rien.

§. LXXII.

Du Caftor.

E CASTOR paroit avoir trois à quatre pieds de long, tout au plus, fur douze ou quinze pouces de largeur. Son poil dans les pays feptentrionnaux eft communément noir. Il tire fur le fauve & s'éclaircit, à mefure qu'on avance dans les climats tempérés. lla deux fortes de poils, le poil long & le

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duvet. Le duvet eft extrêmement fin & ferré, long d'un pouce, & fert à conferver la chaleur de l'animal. Le long poil fert à préferver le duver de la boue & de l'humidité.

Le caftor, foit mâle, foit femelle, porte dans quatre poches fous fes inteftins une matière réfinueufe & liquide, qui s'épaiffic hors dela. Les Médecins l'apellent Caftoreum, & l'emploient comme un excellent reméde contre les venins, contre les vapeurs & autres maladies: mais le Caftoreum le gâte & fe noircit quand il eft vieux, & c'eft alors un dangereux poifon.

Je viens au logement du Caftor. Il a trois fortes d'inftrumens dont il fait ufage pour bâur, fes dents, fes pattes & fa queue. Avec fes dents qui font très-fortes, il coupe le bois avec lequel il conftruit fon bâtiment, & celui dont il fait fa nourriture. Il a les pieds de devant comme ceux des animaux, qui aiment à ronger, comme les finges, les rats & les Ecureuiis. Il s'en fert pour fouïr, grater, amollir & gacher la terre glaife, dont il fait grand ufage. Ses pieds de derrière font garnis de membranes ou de grandes peaux entre les doigts, comme ceux des canards & de tous les oifeaux de rivière. Sa Sa queue eft longue, un peu platte & toute couverte d'écailles, garnie de muf cles, & toujours humectée d'huile ou de graiffe, Cet animal né architecte fe fert de fa queue, au lieu d'auge ou d'oifeau, pour porter

le

le mortier ou la glaife, il s'en fert enfuite comme d'une truëlle pour l'étendre & en faire un enduit.

Les caftors pour établir leur demeure, choififfent un endroit abondant en vivres, arrofé de quelque ruiffeau, & propre pour y faire un lac ou un réfervoir d'eau, où ils puiffent aller prendre le bain. Ils commencent par y conftruire une chauffée, ou une levée, qui tienne l'eau, à niveau du prémier étage de leur logement.

Cette chauffée 'peut avoir dix ou douze pieds d'épaiffeur, à fon fondement: elle eft en talus ou en pente du côté de l'eau, qui pèse deffus fuivant la hauteur & la preffe puiffamment contre terre. Le côté oppofé eft à plomb comme nos murailles, & ce talus qui a douze pieds de large en bas, diminue vers le haut, & n'en a plus que deux. La matière de cette chauffée n'est que du bois & de la glaife. Les caftors tranchent avec une facilité merveilleufe des morceaux de bois, les uns gros comme le bras, les autres comme la cuiffe. Ils les enfoncent par un bout dans la terre, fort proches les uns des autres, les entrelaçant avec d'autres mor ceaux plus petits & plus fouples. Mais comme l'eau s'échaperoit au travers, & mettroit l'abreuvoir à fec, ils ont recours à la terre glaise, avec laquelle ils rempliffent tous les vuides par dehors & par dedans; de façon que l'eau ne va pas plus Tome II loin.

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loin. Si la force de l'eau ou quelque autre ac cident y fait par hazard quelque crévaffe, ils rebouchent bien vîte le trou, visitent tout l'édifice, réparent & entretiennent tout avec une vigilance parfaite.

La chauffée ou la digue de l'abreuvoir étant finie, ils travaillent à leurs cabanes, qui font des logemens ronds ou ovales, partagés en trois pièces, qu'ils élèvent l'une fur l'autre : l'une au deffous du rez de chauffée, & ordinairement pleine d'eau, les deux autres au-deffus. Ils fondent ces petits bâtimens, d'une manière très folide fur le bord de leur abreuvoir & toujours par étage, afin que fi l'eau monte, ils fe puiffent loger plus haut. Ils font au bas deux ouvertures pour aller à l'eau: l'une les conduit à l'endroit où ils fe baignent & qu'ils tiennent toujours propre. L'autre est le paffage à l'endroit où l'on porte tout ce qui pourroit falir les étages fupérieurs. Ils ont une troisième porte placée plus haut, depeur d'être pris lorsque les glaces leur bouchent les portes de la place baffe. Quelque-fois ils conftruifent leur maison entière à fec fur la terreferme, & font des foffés de cinq à fix pieds de profondeur, pour defcendre jusqu'à l'eau. Les Murailles des bâtimens font perpendiculaires, & ont deux pieds d'épaiffeur.

Le dedans de la cabane efst vouté en anfe de panier, & pour l'ordinaire de figure ovale. La grandeur en eft réglée fur ceux qui y loge.

ront.

ront. Douze pieds de long fur huit ou dix de large fuffifent pour huit ou dix caftors. Ils ont une arithmétique naturelle, qui leur fait proportionner la place & les provisions aux befoins de la compagnie, & comme c'eft un ufage parmi eux de demeurer chacun chez foi, fans jamais découcher, ils ne font point de dépenfe inutile pour des furvenans.

Il y a des caftors qu'on apelle terriers, qui font leur demeure dans des cavernes, pratiquées dans un terrain relevé au bord ou à quelque diftance de l'eau. Ils pratiquent fous terre des boyaux, qui vont de leur caverne jusqu'à T'eau, & qui defcendent quelque-fois depuis dix jufqu'à cent pieds. Ces boyaux gagnent des retraites inégalement élévées, où ils fe mettent à fec, à méfure que les eaux montent. Leurs lits font compofés de copeaux, qui leur fervent de matelats, & d'herbes qui leur tiennent lieu de lits de plumes.

Tous ces ouvrages, fur-tout dans les pays froids, font achevés au mois d'Août ou de Septembre, après quoi les caftors font leurs provifions. Durant l'Eté ils vivent de tous les fruits

& de toutes les plantes que la campagne leur fournit. En Hiver ils vivent de bois de frêne, de plane & autres, qu'ils font tremper dans l'eau, à méfure qu'ils en ont befoin. Ils font pourvus d'un double eftomac, pour digérer en deux reprifes un aliment fi dur. Ils coupent des brins G 2

qui

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