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merveilles, qu'il m'avertiroit, quand il feroit ce plaifant manège. Un foir fur la fin d'Octobre après le fouper on fe mit à jouer à divers jeux, le Seigneur Agoftino joua comme les autres, fe retira enfuite, & fe coucha. Sur les onze heures le valet de chambre nous vint dire, que fon Maitre feroit Somnambule cette nuit là, & que nous vinffions le voir & l'obferver. Je le regardai long-tems le flambeau à la main. Il étoit couché. fur le dos & dormoit les yeux ouverts, mais fixes & fans aucun mouvement, ce qui étoit la marque affûrée de fon accès, à ce que l'on difoit. Je lui maniai les mains, qu'il avoit très froides, & le pouls, qui étoit fi lent, que fon fang ne fembloit pas circuler. Nous jouames au trictrac en attendant l'ouverture de cet Opéra. A minuit ou environ, le Seigneur Agoftino tira brusquement les rideaux de fon lit, fe leva, & s'habilla affez proprement. Je m'aprochai de lui le flambeau fous le nez, je le trouvai infenfible, avec les yeux toujours ouverts & immobiles. Avant que de mettre fon chapeau, il prit fon baudrier, qui étoit pendu à la quenouille du lit, & dont on avoit ôté lépée de crainte d'accident; car quelque-fois ces Meffieurs les Somnambules frapent comme des fourds à tort & à travers, En cet équipage le Seigneur Agoftino, fit plufieurs tours dans la chambre, s'aprocha du feu, fe mit dans un fauteuil, & peu après entra dans un ca binet, où étoit fa valife. Il y chercha longtems, renversa tout, & ayant remis les chofes en bon

ordre,

ordre, il ferma la valife, & mit la clé dans fa poche, d'où il tira une lettre, qu'il mit fur la che minée. Il gagna la porte de la chambre, l'ouvrit & defcendit l'efcalier. Quand il fut au bas, un de nous étant tombé rudement, le Seigneur Agostino parut s'épouvanter & doubla le pas. Son valer nous avertit de marcher doucement, & de ne point parler, parceque quand le bruit, qui fe faifoit proche de lui, fe mêloit à fes fonges, il devenoit furieux, & couroit quelque - fois de toutes fes forces, comme s'il étoit pourfuivi. Il traversa toute la cour qui étoit très grande, & alla droit à l'écurie. Il y entra, careffa fon cheval, le brida, & fe mit en devoir de le feller: mais n'ayant pas trouvé la felle à l'endroit ordinaire, il parut fort inquiéte, & comme un homme qui n'a pas fon conte. Il monta à cheval, & galopa jusqu'à la porte de la maifon, qu'il trouva fermée. Il defcendit de cheval, & ayant pris un caillou il frapa à coups rédoublés contre l'un des batans. Après plufieurs efforts inutiles, il remonta fur fon cheval, le conduifit à l'abreuvoir, qui étoit à l'autre bout de la cour, le fit boire, l'alla attacher à un poteau, & s'en revint au logis fort tranquillement. Au bruit que les valets faifoient dans la cuisine, il devint plus attentif, s'aprocha de la porte, & mit l'oreille au trou de la ferrure. Puis paffant tout d'un coup de l'autre côté, il entra dans une fale-baffe, ou il y avoit un billard. Il fit plufieurs allées & venues autour du jeu, & les poftures d'un joueur.

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De là il alla mettre les mains fur un claveffin, dont il jouoit affez bien, & y fit un peu de désordre. Enfin après deux heures d'exercice, il remonta à fa chambre, & fe jetta tout habillé fur fon lit, où nous le trouvames le lendemain à neuf heures du matin, en la même posture que nous l'avions laiffé. Car toutes les fois que fon accès le prenoit il dormoit huit ou dix heures dé fuite. Son valet nous dit qu'il n'y avoit que deux moyens de faire ceffer ces accès, l'un de le chatouiller fortement à la plante des pieds, & l'autre de fonner du cor, ou de jõuër de la trompète à fes oreilles.

LE

§. LXIX. Logogriphe.

E Logogriphe et une forte d'Enigme, qui confifte à prendre en différens fens, les différentes parties d'un mot.

Nous fommes quatre enfans d'une même famille, Et nous nous paffons de nos foeurs:

A notre tête eft la troisième fille;

Et notre ainée a les feconds honneurs.

Celle qui de nous quatre a la taille plus grande, A la troisième place a foumis la fierté;

Et

par diftination la dernière demande Un peut ornement fur fon chef ajouté. Nous compofons un tout: Mettez-vous à la quêtes Et fi vous le trouvez, demandez le d'abord,

Pour

Pour vous guérir du mal de tête,

Que vous aura caufé, peut-être, cet effort.
Les Lettres de l'Alphabet, qui font le mot de Café.

§. LXX.

Du Titre des Métaux, & de ce qu'on nomme carat, en matière d'or.

LE

E TITRE de l'or & de l'argent eft le degré de fineffe & de bonté de ces métaux. Ce titre varie, felon les degrés de la pureté du métal. L'or eft parfaitement fin, quand il ne contient que de l'or fans mélange. L'argent eft parfaitement fin, quand il n'eft mélangé d'aucun métal qui lui foit inférieur. Il ne doit pas même contenir d'or, parce qu'il y auroit de la fimplicité à laiffer paffer pour argent ce qui auroit en foi une valeur fupérieure, dont on pourroit profiter par l'extrait.

Une maffe d'or fe peut divifer par la pen fée en vingt-quatre parties, & chaque partie en quarts, en huitièmes, en feizièmes, en trente-deuxièmes. Chaque vingt quatrième partie d'une maffe d'or, de quelque poids qu'elle foit, fe nomme carat, & lors que la maffe après l'affinage & l'effai ne contient que de l'or fans alliage, on dit alors que cet or eft au titre de vingt-quatre carats; que de vingt-qua tre parties de cette maffe, il n'y en a aucune qui ne foit de bon or & qu'il est pouffé au fin.

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Il faut remarquer que les affineurs affurent qu'il s'en faut toujours quelque petite chofe que l'or ne parvienne aux vingt-quatre carats, y ayant toujours un quart, ou un feize, ou un trentedeuxième d'alliage. Quand l'or après l'affinage, ou après l'effai, fe trouve diminué, par exemple de deux vingt quatrièmes parties, on reconnoit que cette maffe d'or ne contenoit que vingtdeux parties d'or, & qu'il y en avoit deux d'alliage. On dit de cet or qu'il est au titre de vingt-deux carats.

on

L'argent de même le partage en douze parties, qu'on nomme deniers, & le denier fe divife en vingt-quatre grains. Quand on a détaché une demi-once d'un lingot d'argent, & qu'on l'a fait fondre avec une balle de plomb à la coupelle, fi après l'évaporation du plomb on retrouve encore une demi-once d'argent, dit du lingot qu'il eft au titre de douze deniers: il eft au plus fin. Si fur la demi- once il fe trouve une douzième, ou deux douzièmes parties de diminution, on dit du lingot qu'il eft au titre de onze, ou de dix deniers; c'eft à dire que ce lingot ne contient que dix ou onze parties de fa maffe qui foient de pur argent & que le refte eft de l'alliage. Ainfi le carat & le denier, quand on parle du titre des métaux, ne font point des poids fixes, mais des poids rélatifs à la mtafle dont ils font partie. Une once d'or pur eft auffi bien à vingt-quatre carats qu'un marc d'or, parce que le marc d'or a, en ce cas,

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