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S. LIX.

ENIG ME.

A la moitié du monde on me voit néceffaire,

Mais pour l'autre moitié je ne lui fers de rien,
Il n'eft ufage ici plus commun que le mien,
Et je fuis compofé de forme & de matière.
Sans titre & fans noblesse, aux Climats où hous fommés,
On me voit élevé par deffus tous les hommes,
Je m'abaille au bon jour, je m'abaiffe à l'adieu.
Je fuis utile au fou, je fuis utile au fage,
Devant les Grands Seigneurs je fufpends mon usage,
Et la Civilité me chaffe de mon lieu.

§. LX.

De la Torpille.

Le Chapeau.

LA TORPILLE eft un poiffon plat, qui reffemble beaucoup à la Raye. C'est un poiffon des plus finguliers & qui produit fur le Corps humain d'étranges effets. Pour peu qu'on le touche, ou fi par hazard on vient à marcher deffus, on fe fent faifi d'un engourdiffement par tout le corps, mais fur-tout dans la partie qui a touché immédiatement la Torpille. On remarque le même effet, quand on touche ce poiffon, avec quelque chofe qu'on tient à la main. J'ai moi-même, dit Mr. Anfon dans fon voyage, reffenti un affez grand

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engourdiffement dans le bras droit, pour ,, avoir apuyé, pendant quelque tems, ma can,,ne fur le corps de ce poiffon; & je ne doute „pas que l'effer n'en cût été plus violent, fi ,,l'animal n'avoit déja été prêt d'expirer: car il produit cet effet à mesure qu'il eft plus vigoureux, & il ceffe d'en produire dès qu'il elt mort On peut en manger fans aucun inconvénient." J'ajouterai encore que l'engourdiffement ne paffe pas auffi vîte, que certains Naturaliftes le difent; le mien diminua infenfiblement, & le lendemain j'en fentois encore quelques reftes.

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Ce poiffon ne feroit-il point électrique?

§. LXI.

Des Obélifques.

ES OBELISQUES font une espèce de pyraramide étroite & longue, faite d'une feule pierre, & élevée pour fervir de monument public. On en voit encore plufieurs à Rome, qui y ont été amenés d'Egypte, & qui doivent être comptés entre les plus rares ornemens de cette ville.

Tous ces Obélifques de Rome font qua drangulaires, & finiffent en pointe aiguë. C'étoient comme autant de rayons du foleil, cette grande Divinité que les Egyptiens adoroient auffi fous le nom d'Ofiris, & dans lequel ils faifoient habiter les Etres, les Génies, & les Ames de l'Univers. Les quatre Angles regarTome II. doient

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doient les quatre plages du monde, & fignifioient les quatre Elémens.

Quelques-uns ont fupofé que les hiéroglyphes de ces Obélifques, contenoient des éloges des Rois, ou des hiftoires de quelques faits mémorables, & que ces monumens n'étoient érigés, que dans la double vue de fervir d'ornement, & d'honorer les Héros de la Nation. Mais ceux qui ont fouillé plus avant dans ces recherches, ont prouvé que c'étoient des livres ouverts, qui expofoient aux yeux du public les mystères de la Théologie, de l'Aftrologie, de la Métaphysique, de la Magie, & de toutes les Sciences que les Egyptiens cultivoient. A la vérité, le commun peuple n'étoit pas capable de pénétrer dans les labyrintes de ces Oracles; mais alors, comme aujourd'hui encore, il fe repaiffoit d'ombres & d'obfcurités.

Ces mêmes Obélifques font tous de granite. C'est une espèce de marbre d'une dureté extrême, & d'une longue durée: on affure même qu'il réfifte long-tems au feu. Il ne faut douter pas la folidité de la matière, que ne fût une des raifons du choix qu'on en fai foit. L'Obélifque de S. Jean de Latran fubfifte depuis trois mille ans, & celui de S. Pierre eft de neuf cens ans plus vieux. On dit que ce dernier pèse 956148 livres. Le prémier eft le plus grand de tous: fa hauteur eft

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de cent huit pieds, fans compter ni le piédeftal, ni la croix.

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§. LXII.

Saignée fréquente.

N SAIT que les François font un ufage de la faignée beaucoup plus fréquent que les autres Nations. Voici un fait qui confirmera cette vérité, au de là de tout ce qu'on pourroit fe le figurer.

Mademoiselle Gignol de Saint-Sauge en Nivernois, traitée par Mr. Thevenau, Dr. en Médecine, & qui étoit detenue d'une maladie nom. mée Spasmodifoporeufe, a été faignée depuis le 6. Septembre 1726, jusqu'au dernier Février 1728. dix mille cent nonante neuf fois. C'eft à dire, qu'elle est tombée autant de fois dans des convulfions, dont on la foulageoit en lui ouvrant la veine, dont on tiroit une goute de fang fuivant le befoin,

§. LXIII.

FA BL E.

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Du Vieillard & des trois jeunes Hommes.

Un o&togénaire plantoit.

Paffe encor de bâtir; mais planter à cet âge!
Difoient trois jouvenceaux, enfans du voilinage:
Affurément il radotoit:

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Car au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir?
Autant qu'un Patriar.he il vous faudroit vieillir.
A quoi bon charger votre vie

Des foins d'un avenir qui n'eft pas fait pour
Ne fongez déformais qu'à vós erreurs paffées.
Quittez le long espoir & les vaítes pensées,

Tout cela ne convient qu'à nous.

Il ne convient pas à vous-mêmes, Répartit le Vieillard.. Tout établissement

vous?

Vient tard & dure peu. La main des Parques blêmes,
De vos jours & des miens fe joue également,

Nos termes font pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voute azurée
Doit jouir le dernier? Eft il aucun moment
Qui vous puifle affurer d'un fecond feulement?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage:

Hé bien,, défendez-vous au Sage

De fe donner des foins pour le plaifir d'autrui? Cela même est un fruit que je goute aujourd'hui: J'en puis jouir demain, & quelques jours encore; Je puis enfin compter l'aurore,

Plus d'une fois fur vos tombeaux.

Le Vieillard cut raison; l'un des trois jouvenceaux
Se noya dès le port, allant à l'Amérique.
L'autre, afin de monter aux grandes dignités,

Dans

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