Après avoir parcouru plufieurs villes de l'Afie, & y avoir amaffé beaucoup d'argent, en célébrant par fes vers les louanges de ceux qui étoient en état de le bien récompenfer, il s'embarqua pour l'Ile de Céos fa patrie. Le vailleau fit naufrage. Chacun en fe fauvant emporta ce qu'il put. Simonide ne fe chargea de rien, & lorsqu'on lui en demanda la raison: C'eft, répondit-il, parce que tout ce que j'ai eft avec moi. Plufieurs de fes compagnons de naufrage fe noyèrent, accablés du poids des chofes qu'ils avoient voulu fauver. Ceux qui abordèrent furent pillés par des voleurs. Chacun fe retira à Glazomène, qui n'étoit pas loin du lieu où le vaiffeau étoit péri. Un bourgeois qui aimoit les Lettres, & qui avoit lu les poëfies ́de Simonide avec beaucoup d'admiration, fe fit un plaifir & un honneur de le recevoir chez lui, & lui fournit abondamment toutes les chofes néceffaires, pendant que les autres furent obligés de mendier par la ville. Le Poëte les rencontrant, n'oublia pas de leur faire remarquer la justesse de la réponse qu'il leur avoit faite. N'avois-je pas raison de dire, que ce que favois étoit avec moi; pour vous, ce que vous aviez volé a péri. A §. VII. Du Lac de Lago di bagni, & de fes Iles flotantes. TROIS milles de Tivoli, il y a un petit lac apelé Lago de bagni, ou Salfatara, que le A 4 peuple peuple nomme auffi les feize barquettes, à caufe des Iles flotantes qui font fur ce lac. Ce n'eft que comme un petit étang, à peu près rond, & large de deux cens pas. L'eau en eft extrêmement tranfparente, & d'une couleur qui paroit fort bleue. Il en fort un affez gros ruiffeau, qui coule rapidément, & qui fe jette après cela dans l'Anieno. Le lac & le ruiffeau exhalent une odeur de foufre, qui frape vivement, & qu'on fent de fort loin. Le Cardinal d'Eft ayant effayé en vain de fonder la profondeur de ce lac, y fit entrer deux plongeurs, l'un desquels n'a jamais été vu depuis. L'autre raporta qu'il avoit trouvé l'eau fi chaude, quoi qu'elle foit fort froide fur la fuperficie, qu'il ne lui avoit pas été poffible de defcendre fort bas. La terre eft féche & creu fe par deffous tout autour des bords du lac; on peur juger de la concavité, par le bruit fourd, que font les chevaux en marchant. Vraifemblablement ce qui paroit de ce lac n'eft que la petite ouverture d'un vafte abyme, qui s'élargit, & qui s'étend fort loin par deffous à droit & à gauche. La plus grande des Iles flotantes eft d'un ovale parfait, & la longueur eft de quinze pieds ou environ. Elles font toujours toutes enfemble, du côte que le vent les pouffe; pour peu qu'on y touche, on les fait reculer comme on veut. Quand Quand on fe mer deffus on les peut éloigner du bord, en pouffant la terre, de la pointe de l'épée feulement. §. VIII. EN préfentant un bouquet de fleurs, où il LA J. e vous donne un bouquet de fleurs, Mais la plus belle eft violette, Qui vient la première au Printemps §. IX. Cruauté de Cambyfe. A CRUAUTE de ce Prince alloit fi loin qu'il ne fe paffoit point de jour qu'il ne facrifiât quelqu'un des Seigneurs de fa Cour à fon humeur féroce. Il avoit obligé Préxafpe, l'un de fes Principaux Officiers, & fon homme de confiance, de lui déclarer ce que les Perfes penfoient & difoient de lui. Ils admirent en vous, Seigneur, répondit Préxafpe, beaucoup d'excellentes qualités, mais ils font un peu bleffés de votre panchant exceffif pour le vin. J'entens, dit ,, le Roi: c'eft à dire qu'ils prétendent que le vin me fait perdre la raifon. Vous en jugerez tout à l'heure. Il fe mit à boire, & de plus AS grands grands coups, & en plus grand nombre qu'il eût jamais fait. Après quoi il ordonna au fils de Préxafpe, qui étoit fon Grand-Echanson, de fe tenir droit au bout de la falle, la main gauche fur la tête. Prenant alors fon arc, & le bandant contre lui, il déclara qu'il en vouloit à fon coeur, & le perça en effet. Puis, après lui avoir fait ouvrir le côté, montrant à Préxafpe le coeur de fon fils, percé par la flèche: Ai-je la main bien fûre, dit-il, d'un ton moqueur & triomphant? Ce malheureux père, à qui, après un tel coup, il ne devoit refter ni voix ni vie, eur la lâcheté de lui répondre: Apollon lui- même ne tireroit pas plus juste. Sénèque, qui a copié ce récit d'après Hérodote, après avoir détefté la barbare cruauté du Prince, condanne encore plus fortement la lâche & monftrueufe flaterie du père: Sceleratius telum illud laudatum eft, quam miffum. §. X. Clémence de Théodofe le Grand. HEODOSE le Grand étant en converfation avec Flavien Patriarche d'Antioche, lui dit, TH à l'occafion d'une révolte de cette ville: " fus-Chrift, tout Dieu qu'il eft, a bien voulu » pardonner aux hommes qui le crucifioent: dois ,,je faire difficulté de pardonner à mes fujets ,, qui m'ont offenfe, moi qui ne fuis qu'un homme mortel comme eux, & ferviteur du même " 22 Maître ? §. XI. §. XI. La manière d'adminiftrer la Juftice, chez les anciens Egyptiens. LE PRINCIPAL devoir des Rois, & leur fonction la plus effentielle, eft de rendre la Juftice aux Peuples. Auffi c'étoit à quoi les Rois d'Egypte donnoient le plus d'attention, perfuadés que de ce foin dépendoit non feulement le repos des Particuliers, mais le bonheur de PEtat, qui feroit moins un Royaume qu'un brigandage, fi les foibles demeuroient fans protetion, & fi les puiffans trouvoient dans leurs richeffes & dans leur crédit l'impunité de leurs crimes & de leurs violences. Trente Juges étoient tirés des principales villes, pour compofer la Compagnie qui jugeoit tout le Royaume. Le Prince, pour remplir ces places choififfoit les plus honêtes gens du pays, & mettoit à leur tête celui qui fe diftinguoit le plus par la connoiffance & l'amour des Loix, & qui étoit le plus généralement eftimé. affignoit certains revenus, afin qu'affranchis des embarras domestiques, ils puffent donner tout le temps à faire obferver les Loix. Ainfi, entrete Il leur nus honnêtement par la libéralité du Prince, ils rendoient gratuitement au Peuple une Justice qui lui eft due de droit, & qui doit être également ouverte à tous les fujets, & encore plus, en un certain fens, aux Pauvres qu'aux Riches, parce que ceux-ci par eux mêmes trouvent affez d'ap pui |