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quelque brave homme, qui ait des enfans qui mereffemblent. Comme quelqu'un difoit pour l'étonner, que le Soleil feroit obfcurci des flèches des Perfes: Tant mieux, dit-il, nous en combattrons à l'ombre. Xerxès lui ayant mandé qu'en s'accommodant avec lui, il lui don neroit l'Empire de la Grèce: J'aime mieux mourir pour mon pays, dit-il, que d'y commander injustement. On lui demandoit, pourquoi les braves gens préféroient la mort à la vie? Parce qu'ils tiennent celle ci de la fortu ne, dit-il, & l'autre de la vertu. Cette action des Thermopiles, où Léonidas fut tué, fe fit felon Eusèbe, la prémière année de la LXXV Olympiade, 274 de Rome.

§. LIII.

Celui qui s'élève sera abaissè.

FABLE.

Du CHENE ET DU ROSEAU.

Le Chêne un jour dit au Rofeau:

Vous avez bien fujet d'accufer la Nature;
Un Roitelet pour vous eft un péfant fardeau.
Le moindre vent qui d'avanture

Fait rider la face de l'eau,

Vous oblige à baiffer la tête,

Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du foleil,

Brave l'effort de la tempête.

Tome II.

Ε

Tour

Tout vous eft Aquilon; tout me femble Zéphir.
Encor fi vous naiffiez à l'abri du feuillage,
Dont je couvre le voisinage;

Vous n'auriez pas tant à fouffrir;
Je vous défendrois de l'orage.

Mais vous naillez le plus fouvent

Sur les humides bords des royaumes du vent:
La Nature envers vous me femble bien injufte.
Votre compaffion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel; mais quittez ce fouci.

Les vents ine font moins qu'à vous redoutables. Je plic & ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables

Réfifté fans courber le dos;

Mais attendons la fin. Comme il difoit ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfans,

Que le Nord eût porté jusques-là dans fes flancs;
L'Arbre tient bon, le Rofeau plie:

Le vent redouble fes efforts,

Et fait fi bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au Ciel étoit voifine,

Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts.

§. LIV.

I

§. LIV.

Coutume barbare.

LA dans les Indes une barbare coutume, atteflée par plufieurs perfonnes dignes de foi, qui eft, que quand une femme a perdu fon mari, elle croit, ou on lui fait croire, qu'il n'y a point d'honneur à lui furvivre, mais qu'il faut qu'elle fe brûle avec lui, pour témoigner par-là qu'elle l'aimoit, & auffi pour fe purifier par la Métemfycofe. Voici ce qu'en raporte Mr. Bernier, dans fon Voyage aux Etats du Grand Mogol.

Dans le tems que je paffai d'Amed-abad à Agra, on nous donna nouvelle, qu'une femme s'en alloit à l'heure même fe brûler avec le corps de fon mari. Je me levai auffi-tôt & m'en allai tout courant fur le bord d'un grand réservoir d'eau, où fe devoit faire cette action. Je vis dans le fond de ce réfervoir, qui étoit presque à fec, une grande foffe pleine de bois, un corps mort étendu deffus; une femme qui de loin me parut affez bien-faite, affife fur ce même bucher; quatre ou cinq * Bramines qui y mettoient le feu de tous côtés; cinq femmes d'un âge médio, cre & affez bien vétues, qui fe ter.oient par la main, en chantant & en dansant autour de la foffe, & une grande multitude d'hommes & de femmes, qui la regardoient. Le bucher fut in

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Les Bramen, Brainins, ou Bramines font les Prêtres on les Eccléfiaftiques chez les Indiens.

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continent tout en feu, parce qu'on avoit jetté deffus quantité d'huile & de beurre; & je vis en ce même tems au travers des flames, que le fea fe prenoit aux habits de la femme, qui étoient frottés d'huiles de fenteur, mêlées avec du faffran. Je ne remarquai point que la femme s'inquiétât ou tourmentât en aucune façon. L'on difoit même qu'on lui avoit entendu prononcer, avec beaucoup de force ces deux mots, einq, deux, pour donner à entendre, fuivant certains fentimens touchant la Métemfycofe, que c'étoit pour la cinquième fois qu'elle fe

brûloit avec fon même mari, & qu'il n'en reftoit plus que deux pour la perfection, comme fi elle eût eu alors cette réminifcence, ou quelque efprit prophétique.

Ce ne fut pas là la fin de cette infernale Tragédie. Je croyois que ce n'étoit que par cérémonie que ces cinq femmes chantoient & danfoient autour de la foffe: mais je fus bien étonné, lorsque la flame s'étant prife aux habits d'une d'entre elles, elle fe laiffa aller la tête la prémière dans la foffe, & qu'enfuite une autre accablée de la flame & de la fumée en fit autant que la première. Mon étonnement redoubla enfuite, quand je vis que les trois qui reftoient, fe reprirent par la main, en continuant le branle fans s'éfrayer, & qu'enfin, les unes après les autres, elles fe précipitèrent dans le feu comme avoient fait leurs compagnes. Il m'ennuyoit bien de ce que je ne favois ce que cela vouloit

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dire, mais j'apris auffi-tôt que c'étoient cinq Efclaves, qui voyant que leur Maîtreffe étoit extrêmement affligée de la maladie de fon mari, à qui elle avoit promis de ne lui point furvivre, mais qu'elle fe brûleroit avec lui, fe laiffèrent auffi toucher de compaffion & de tendreffe enyers cette Maitreffe, & s'engagèrent de la fuivre dans fa réfolution & de fe brûler avec elle.

Après plufieurs recherches, j'ai reconnu que tout ce manège n'étoit qu'un effet de la prévention & de la coutume, & que les mères infatuées dès leur jeuneffe de cette fuperftition, comme d'une chofe très- vertueufe, très-louable, & inévitable à une femme d'honneur, en infatuoient de même l'efprit de leurs filles, dès leur tendre jeuneffe: quoi qu'au fond ce n'ait jamais été qu'un artifice des hommes, pour s'asfujettir d'avantage leurs femmes, & pour empê cher qu'elles ne les empoisonnaffent.

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LY A de quatre ou cinq fortes de tortues, dont les deux plus eftimées font la tortue franche & le carret. La tortue franche n'a pas caille bien belle: mais la chair & les oeufs en font excellens, & très-recherchés par les gens de mer, qui n'ont rien de meilleur pour fe rafraichir, & se guérir de leurs maladies quand la navigation eft longue. Une feule tortue peut donder

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