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Le menu peuple accourut de toutes parts pour voir cet horrible fpectacle; pendant que les honnêtes gens pleuroient la mort de leur Roi en leur particulier.

Après que ce Prince eût fini fon difcours, il apperçut. deux hommes qui avoient été choifis pour exécuter cet attentat; parce que l'Exécuteur ordinaire de la Haute- Juftice n'y voulut jamais venir, quelques promeffes & quel ques menaces qu'on lui eût faites. Le Roi leur dit avec une conftance adinirable, que quand il étendroit fes mains, ils fiffent ce qui leur étoit ordonné. A ce figne, fa tête fut, d'un feul coup, féparée de fon corps. On couvrit l'un & l'autre d'un drap de velours noir, puis on les mit dans un cercueil de plomb, qui fut expofé quelque tems à la vue du peuple. Enfuite il fut mis dans la Chapelle Royale, auprès de Henri VIII, fans autre infcription que ces trois mots, Charles, Roi d'Angleterre.

Ainfi mourut CHARLES I, Roi de la Grande-Bretagne, âgé de quarante-huit ans, deux mois & vingt jours, dans la 23 année de fon règne, le Mardi 30 Janvier 1649, vieuxftyle.

Le Chriftianifme & la Conftance que le Roi Charles fit paroitre dans fa mort, lui attirèrent de la part du public une pitié, qui rendoit odieux tous les complices de fa mort. Ces difpofitions favorables furent fortifiées par la publication d'un livre intitulé le Portrait Royal, que l'on affure être l'ouvrage du Roi.

Les

Lcs Anglois, depuis long-tems, ont horreur de cette abominable action, & célèbrent tous les ans le jour du martyre de Charles I. avec des marques de trifteffe, en déteftant le procédé de ceux qui en furent les Auteurs.

§. XLVIII.

REFLEXIONS MORALES.

La Science la plus néceffaire & la plus négligée, eft la connoiffance de foi-même.

De

e ce fublime efprit dont ton orgueil se pique,
Homme, quel ufage fais-tu?

Des plantes, des métaux tu connois la vertu,
Des différens pays les moeurs, la politique,
La caufe des frimats, de la foudre, du vent,
Des aftres le pouvoir suprême;

Et fur tant de chofes favant,
Tu ne te connois pas toi-même!

§. XLIX.

NOUVELLE INVENTION.'

Extrait du Glaneur, pièce périodique, pour l'année 1732.

MONSIEUR M*** Ingénieur François, a trouvé le fécret d'imprimer fans peine, moyennant une machine d'environ deux pieds en quarré, dés feuilles, ou Livres en quelque Langue, Caractère, ou format que ce foit; mais avec une telle célérité que 20 Compofiteurs pourroient à peine faire autant d'ouvrage que lui feul: puis qu'avec fon Imprimerie ambulan: 2, il

pro

promet d'imprimer en huit jours un gros in folio, & d'en tirer un nombre confidérable d'exemplaires. Les épreuves en ont été faites à Paris, devant Meffrs. de l'Académie des Sciences, & enfuite devant le Roi, qui a fait donner une fomme confidérable à l'Auteur; mais avec défense de communiquer jamais fon fecrèt à perfonne, fans un ordre exprès de Sa Majefté.

S. L.

Patience de Socrate.

ALCIBIADE, interrogeant Socrate, comment il pouvoit fuporter l'efprit fâcheux de fa femme Xantippe: C'eft, dit-il, qu'il vivoit avec elle, par la même raifon que ceux qui vouloient aprendre à bien monter à cheval, montoient le plus fougueux; car de même que ces gens-là fe rendoient capables par-là de monter toutes fortes de chevaux, en foufrant Xantippe, il devenoit propre à foufrir toutes. fortes de gens.

La douceur de la Societé confifte, non feulement à ne point' faire foufrir les autres de nos. propres défauts, mais auffi à endurer les défauts des autres, avec douceur & avec indulgence,

DA

$. LI.

Exemple de l'induftrie des Rats.

ANS le Journal d'un voyage fait aux Indes
Orientales, par une efcadre de fix vaiffeaux

du

du Roi de France, commandés par Mr. du Quesne, on voit qu'une barique d'oeufs qu'on deftinoit pour les malades, diminuoit tous les jouts. On fir plufieurs trous, au travers des planches de la chambre, où étoient enfermés ces oeufs, que le Chirurgien du vaiffeau avoit en garde; & voici ce que ceux qui étoient aux ⚫aguets remarquèrent.

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Trois gros Rats arrivèrent en même tems, & s'aprochèrent du baril où étoient les oeufs. Le baril étoit à demi vuide. L'un de ces rats descendit dedans, un autre fe mit fur le bord, & l'autre refta en bas, en dehors. On ne voyoit point ce que faifoit celui qui écoit dans le baril, à caufe que les bords en étoient trop hauts: Mais on vit qu'un moment après, celui qui étoit en haut, parut tirer quelque chofe en se retirant de dedans, où il s'étoit abaiffe. Celui qui étoit resté en dehors, au bas du baril, monté fur lès cercles, & s'appuyant fur fes pattes de der rière, s'éleva & prit dans fa gueule, quelque chofe que tenoit celui qui étoit en haut. Celuici après lui avoir lâché prife, replongea dans le baril, & tira encore auffi quelque chofe, qui fut de même pris par celui qui etoit fur les cercles en dehors. Pour lors on reconnut que c'étoit la queue d'un Rat; & à la troisième tirade, le Rat voleur parut, tenant entre fes quatre pattes un oeuf, le dos appuyé contre le dedans du baril & la tête en bas. Ses deux camarades le remirent en équilibre fur le dos, appuyé

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fur

fur le bord du baril. Celui qui étoit en bas le prit de nouveau par la queue, & celui qui étoit en haut tenoit le voleur par une oreille; l'un & l'autre le foutenant & le conduifant par deux extrémités. Defcendant enfuite peu à peu & de cercle en cercle, ils le remirent doucement à bas, lui toujours fur le dos, & l'oeuf pofé fur fon ventre entre fes quatre pattes. Ils le trainèrent ainfi jufques fous un vuide, entre la cloifon & la doublure du vaisseau, où on les perdit de vue.

"

Un moment après les Rats revinrent, & on les vit faire ainfi deux fois la même manoeuvre. Ils emportèrent trois oeufs; chacun le fien, & ne restèrent pas un bon quartd'heure à toute cette manoeuvre.

L

§. LII.

Bravoure & fidélité de LEONIDAS.

ES Lacédémoniens avoient pour Roi Léonidas I. de ce nom, de la famille des Agides; il étoit illuftre par fa prudence & par fa valeur. Il défendit courageufement le détroit des Termopyles, contre une Armée effroyable des Perfes, conduite par Xerxés, avec trois cens hommes, & s'opofa à leur paffage. Il est vrai que Léonidas & les fiens y perdirent la vie; mais ils s'acquirent une gloire immortelle. On dit que quand il partit de Sparte, fa femme lui demanda s'il n'avoit rien à lui recommander? Rien, répondit-il, finon que tu te remaries après ma mort à

quel

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