de rang, contre un ennemi qui le défioit: ce qu'ils lui accordérent fans peine. Alors, muni d'un pouvoir légitime, il prend fes armes, monte à cheval, & ayant apellé Badius par fon nom, nom, il lui déclare qu'il eft prêt à fe battre contre lui. Badius fe préfente fur le champ. Ils n'eurent pas plusiôt pouffé leurs chevaux l'an contre l'autre, que Crifpinus perça l'épaule gauche de Badius d'un coup de lance, qui paffa au deffus de fon bouclier. Cette bleffure ayant fait tomber le Campanien de deffus fon chal, le vainqueur fauta en bas du fien, & fe jetta fur fon ennemi pour l'achever à pied. Mais Badius lui abandonnant fon bouclier, & fon cheval, s'enfuit, & regagna le corps de fon Armée. Crifpinus retourna vers les Romains avec le cheval & les armes du vaincu; & leur ayant présenté ces dépouilles honorables, & fa lance enfanglantée, il fut conduit au milieu des cris de joie & des aplaudiffemens de tous les Soldats à la tente des Généraux, qui donnèrent à sa valeur les éloges & les récompenfes qui lui étoient dues. Y a-t-il un feul Lecteur à qui ce récit n'infpire une eftime particulière, mêlée d'une forte de tendreffe pour la fageffe & la modération de Crifpinus, qui refpecte dans un ancien ami & un ancien hôte des titres & des droits auxquels lui-même a renoncé, Qui foufre patiemment qu'on lui faffe à la tête de deux armées les reproches outrageans de timidiré & de lâcheté, auxquels les gens de guerre four pour l'ordinaire infiniment fenfibles; & qui ne croit point que même dans un tel cas il lui foit permis de faire ufage de fes armes, s'il n'eft autorifé par fes Généraux? D'une autre part, a-t-on pû ne pas détefter la féroce brutalité de Badius, à qui un défir forcené de gloire fait oublier les liaifons les plus intimes, & qui font la plus grande douceur de la vie? Mais que faut-il donc penser de nos Duellistes, qui foulant aux pieds les Ordonnances des Princes & la Loi de Dieu même, fe croient obligés par un faux point d'honneur, inconnu chez tous les Païens, de tremper leurs mains dans le fang de leur meilleur ami, pour un mot qui lui fera échapé mal à propos, peutêtre dans un repas, ou dans une compagnie d'amis familiers, avec lesquels on parle avec moins de circonfpection & de retenue. Expofer fa vie pour le bien de l'Etat & de fon Prince, c'est une action de la plus haute générosité. Mais braver la mort par une vanité ridicule, pour tomber en mourant entre les mains d'un Dieu irrité & tout-puiffant, c'est une folie, ou plustôt une phrénéfie fi prodigieufe, qu'il n'y a point de plus grande preuve de l'aveuglement des hommes, que d'avoir pû attacher de la gloire à une action fi infenfée. §. XLV. Comparaison du Papillon avec la Jeunese. Le e Papillon toujours volage, §. XLVI. Des Etoiles de Mer. L'Etoile de mer eft un poiffon qui a reçu ce nom à cause de fa figure. C'eft un animal dont le corps eft compofé de cinq grands bras, qu'il allonge en forme de cinq angles, terminés en pointes. Il y en a qui ont plus de cinq bras, d'où partent une multitude de petits rameaux. On voit ces étoiles avancer indifféremment en tout fens, tantôt en rampant, tantôt en nageant. Elles font defcendre dans la vase plufieurs petites trompes charnues, qui leur fervent à y pomper leur nourriture. Outre ce fecours elles ont, vers le centre de leurs rayons, une bouche armée de dents. N'ayant point comme les autres animaux le fecours de la vue, pour reconnoître leur proie, elles Bourbe qui fe trouve au fond de la mer & des étangs. elles ont été pourvues d'un plus grand nom bre d'inftruments, pour fentir, fucer & dévo rer ce qui leur convient; & lorsqu'elles ne trouvent pas à jouër des dents, leurs trompes vont chercher dans le limon & fur les herbes, dequoi fupléer au défaut d'une proie plus nourriffante. On n'a pas encore découvert dans l'étoile comment fe fait la digestion, & où eft la décharge, a moins qu'elle ne foit fous une espèce de petite pierre ronde, qu'on lui trouve fur le dos, & qui y femble attachée avec des ligamens. §. XLVII. Du Martyre de CHARLES I. Roi d'Angle terre. CHARLES, I. de ce nom, Roi d'Angleterre, d'Ecoffe & d'Irlande, né le 19. Novembre 1600, fuccéda à fon père JAQUES I. l'an 1625, & époufa le onzième Mai de la même année Henriette de France, fille du Roi Henri IV. 11 s'efforça d'empêcher la prife de la Rochelle, par le moyen d'une armée qu'il envoya l'an 1627, fous la conduite du Duc de Buckingham à l'Ile de Ré, pour foutenir les Proteftans de France: mais cette entreprise n'eut pas de fuccès; car les Anglois furent défaits. Une feconde fotre que Charles envoya en 1628 ne fut pas plus heureufe, & la prife de la Rochel le fut fuivie d'un traité de paix entre les deux couronnes. D 3 Quel Quelque tems après les Ecoffois fe révoltèrent. Le Roi prit les armes pour les punir; puis il leur pardonna, & congédia fes troupes. Cette bonté les rendit plus fiers, & plus opiniâtres dans leur rébellion. Charles ayant accordé au Parlement d'Angleterre le pouvoir de demeurer assemblé tant qu'il le trouveroit à propos, fut attaqué par Le Roi fut obligé de prendre les ce corps. armes en 1644, pour maintenir fon autorité contre fes fujets, qui lui firent une fi cruëlle guerre, qu'après plufieurs fièges & combats, ils le dépouillèrent de fes Etats. Les Ecoffois vers lesquels il s'étoit réfugié le livrèrent la chement aux Anglois. Ce Prince ayant été amené à Londres fut renfermé dans le Palais de S. Jaques ou S. Ja. mes, près de Whitehall, dans le Fauxbourg de Westminster; & le Samedi 20 Janvier 1649 les Parlementaires de la faction de Cromwel s'affemblèrent à Weftminster. Ils choisirent pour leur Séance le haut bout de la grande Salle, où ils avoient fait dreffer des deux côtés des fiéges couverts d'écarlate pour les Commisfaires, avec un fauteuil de velours rouge, & un pupitre, pour le Préfident Bradshaw. On portoit l'épée & la maffe devant lui, & il avoit pour fa Garde 20 Gentilshommes, armés de pertuifanes, & commandés par le Colonel Fox. Ce Légifte érigé en Magiftrat, s'étant affis, & les Commiffaires après lui, les Huiffiers ouvrirent la |