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comble de fon bonheur, eft bien digne d'admi ration. Pendant la guerre qu'il fit aux Perfes, comme il s'étoit affis à terre fur l'herbe pour y prendre fon repas, qui n'étoit compofé que d'un plar de pois, cuits la veille, & quelques morceaux de porc falé, on vint lui annoncer l'arrivée des Ambaffadeurs de Perfe. L'Empereur fans changer ni de posture, ni d'habit, qui confiftoit en une cafaque de pourpre, mais de laine, & en un bonnet qu'il portoit, parce qu'il n'avoit pas un cheveu, commanda qu'on les fit aprocher. Il leur dit qu'il étoit l'Empereur, & qu'ils pouvoient dire à leur Maître: Que s'il ne penfoit à lui, il alloit rendre en un mois toutes fes campagnes auffi nues d'arbres & de grains, que fa tête l'étoit de cheveux; & en même tems il óra fon bonnet, pour leur mieux faire comprendre ce qu'il leur difoit. Il les invita à prendre part à fon repas, s'ils avoient befoin de manger; finon qu'ils n'avoient qu'a fe retirer à l'heure même. Les Ambaffadeurs firent leur raporr à leur Prince; qui fut tout effrayé, auffi - bien que fes Soldats, d'avoir à faire à des gens fi ennemis des délices & du luxe. Il vint lui-même trouver l'Empereur, & accorda tout ce qu'on lui demandoit.

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Sobrieté d'Alexandre.

ALEXANDRE le Grand renvoya tous les Pâtiffiers que la Reine de Carie lui avoit

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envoyés; & lui fit dire;,,Que l'habitude qu'il avoit de fe lever matin, & de fe donner beau,, coup d'exercice, valoit mieux que tous les ra»gouts du monde,

§. XXXVI.

Les trompeurs font fouvent trompés.
F A B BL E

DU RENARD ET DE LA CICOGNE.

Compère

ompère le Renard un jour fe mit en frais,

Et retint à diner commère la cicogne.
Le régal fut petit, & fans beaucoup d'aprêts:
Le galant pour toute besogne

Avoit un brouët clair; il vivoit chichement.
Ce brouët fut par lui fervi fur une affiette:
La cicogne au long bec n'en put attraper miette;
Et le drole eut lappé le tout en un moment.
Pour fe venger de cette tromperie,

"A quelque tems de-là la cicogne le prie:
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amia
Je ne fais point cérémonie,

A l'heure dite il courut au logis

De la cicogne fon hôteffe,

Loua très fort fa politeffe,

Trouva le diner cuit à point,

Bon apétit fur-tout; Renards n'en manquent point.

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Il fe réjouiffoit à l'odeur de la viande,

Mise en menus morceaux, & qu'il croyoit friande,
On fervit pour l'embaraffer

En un vafe à long col, & d'étroite embouchure.
Le bec de la cicogne y pouvoit bien paffer,
Mais le mufeau du Sire étoit d'autre mesure;
Il lui falut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une poule auroit pris,
Serrant la queue & portant bas l'oreille.
Trompeurs, e'eft pour vous que j'écris;
Attendez-vous à la pareille.

§. XXXVII.

De ZALEUQUE, Législateur des Locriens. ZALEUQUE, célèbre Législateur chez les Locriens avoit été Difciple de Pythagore. Il ne nous refte prefque qu'une espèce de préambule, qu'il avoit mis à la tête de fes Loix, qui en donne une grande idée. Il demande de fes citoyens avant tout, qu'ils croyent & foient forte- ment perfuadés qu'il y a des Dieux; & il ajoute qu'il ne faut que lever les yeux au Ciel, & en confidérer l'ordre & la beauté, pour fe convaincre qu'un ouvrage fi merveilleux ne peut point être l'effet du hazard, ni de l'induftrie humaine. Par une conféquence & une fuite naturelle de cette perfuafion, il les exhorte à honorer & refpecter les Dieux, comme auteurs de tout ce qu'il y a de bon, de jufte & d'honnête parmi les

mor

mortels; & de les honorer, non-feulement par des facrifices & par de magnifiques préfens, mais par une fage conduite; & par des mœurs pures & chaftes, qui plaifent aux Dieux infiniment plus que tous les facrifices.

Après cet exorde fi plein de réligion & de pieté, où il montre la Divinité comme la fource primitive des Loix, comme la principale autorité, qui en commande l'obfervation, comme le plus puiffant motif pour y être fidèle, & comme le parfait modèle auquel on doit fe conformer, il paffe au détail des devoirs que les hommes ont les uns à l'égard des autres, & leur donne un précepte fort propre à conferver dans le commerce de la vie la paix & l'union, en commandant de ne pas rendre éternelles les haines & les diffenfions, ce qui marqueroit un efprit féroce & indomtable; mais d'en ufer à l'égard de leurs ennemis comme devant bientôt les avoir pour amis. Il ne faut pas attendre du Paganisme une plus haute perfection.

Quant à ce qui regarde les Juges & les Magiftrats, après leur avoir représenté, qu'en prononçant les jugemens, ils ne doivent fe laiffer prévenir ni par l'amitié, ni par la haine, ni par aucune autre paffion; il fe contente de les exhorter à éviter avec foin toute hauteur & toute dureté à l'égard des parties, qui font affez à plaindre, d'avoir à effuyer les peines & les fatigues qu'entraine après elle la pourfuite

d'un

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d'un procès. Leur place, en effet, quelque laborieufe qu'elle foit, ne leur donne aucun droit de faire fentir leur mauvaise humeur aux parties. Ils leur doivent la Justice par état, & par la qualité même de Juges; & lors qu'ils la leur rendent, même avec douceur & avec humanité, ce n'est qu'une dette dont ils s'acquittent, & non une grace qu'ils leur ac cordent.

Pour écarter de fa République le luxe, qu'il regardoit comme la ruïne certaine d'un Etat, il ne fuivit pas la pratique établie parmi quelques Nations, où l'on croit qu'il fuffit, pour le réprimer, de punir les contraventions à la Loi par des amendes pécuniaires. Il s'y prit, dit l'Historien, d'une manière plus adroite & plus ingé. nieufe, & en même tems plus efficace. Il défendit aux femmes de porter des étoffes riches & précieufes, des habits brodés, des pierreries, des pendans d'oreilles, des colliers, des braffelets, des anneaux d'or, & d'autres ornemens de cetté forte, n'exceptant de cette Loi que les femmes proftituées. Il fit, à l'égard des hommes, un règlement femblable à proportion, n'en exceptant pareillement que ceux qui confentiroient à paffer pour débauchés & pour infames. Par cette voie il détourna facilement & fans vio*lence les citoyens de tout ce qui fentoit le luxe

1.

& la molleffe. Car il ne fe trouva perfonne qui → eût affez renoncé à tout fentiment d'honneur, pour vouloir porter aux yeux de toute une vil

le,

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