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pereur lui répondit fans fe fâcher, Que fon Galiléen ne le guériroit pas de la perte de fa vue. Je lone Dieu, repliqua Maris, d'être aveugle, pour n'avoir pas les yeux fouillés de la vue d'un Apoftat comme toi. Julien paffa outre fans rien dire. Sa Philofophie lui faifoit affecter ces actions. extérieures de clémence & de modération.

Pour chagriner les Chrétiens de toutes manières, il permit aux Juifs de rétablir le Temple de Jérufalem, ce qu'ils ne purent exécuter. Enfin dans le tems qu'il fe vit obligé de partir, pour aller faire la guerre aux Perfes, il jura de ruïner l'Eglife à fon retour: mais Dieu s'en déclara le Protecteur. Julien enleva d'abord plufieurs places aux Perfes, & s'avança jusqu'à Ctéfiphonte, fans trouver aucune réfiftance, ce qui lui enfla tellement le cœur, que fe promettant déja d'envahir toute la Perfe, il fe laiffa conduire par un homme, que les Perfes avoient apofté,dans des lieux, où trouvant une puiffante armée en tête, il ne pouvoit plus faire fubfifter fon armée, qu'avec peine. Enfin ayant donné une bataille décifive, le 26 Juin de l'an 363, la victoire paroiffoit déja se déclarer pour les Romains, lorsque Julien, qui s'étoit engagé dans le combat fans cuiraffe, fut bleffé fi dangereufement qu'il en mourut · la nuit fuivante. Se fentant bleffé il prit de fon fang dans la main, & en le jettant contre le ciel, il s'écria, Tu as vaincu, Galiléen. C'est ainsi qu'il nommoit Jésus-Chrift par mépris.

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On ne fait à qui attribuer le coup fatal, qui. lui fit perdre la vie; mais quel que puiffe être celui qui le tua, il fut, fans doute le miniftre de la vengeance divine.

Cet Empereur étoit favant & libéral, & avoit quelques bonnes qualités morales, car il étoit fobre & vigilant, & il femble qu'il ne s'eft pas livré à la paffion pour les femmes; mais d'ailleurs la haine qu'il avoit conçue contre Conftantin & fes enfans, lui à fait écrire des chofes déraifonnahles, & fouvent fauffes & calomnieufes, On remarque même qu'il a repris aigrement dans ces Princes des chofes qu'il a faites lui même; & que fa paffion aveugle pour le Paganisme l'a porté à traiter honorablement des gens, dont un Payen plus modéré auroit eu horreur. Le refus qu'il faifoit fouvent aux Chrétiens de répondre à leurs requêtes, ne lui fait pas honneur, & fon Mifipogon, qui eft une Satyre fur les habitans d'Antioche, qu'il haïffoit particulièremens, parce qu'ils avoient montré le plus d'averfion contre les innovations, eft peu digne d'un Empereur, qui affectoit une gravité égale à celle de MarcAurèle. Les ouvrages qui nous restent de lui, comme fa Satyre des Céfars, quelques Difcours, des Lettres, & deux Epigrammes, font des preu ves de fon efprit & de fon érudition.

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§. XVI.

FABLE.

De la Tortue.

Dame Tortue, à force de prière,

Engagea l'Aigle à l'élever en l'air:

Elle envioit ce vol auffi promt que l'éclair,
Et vouloit voir de près l'Aftre de la lumière,
Converfer avec Jupiter.

Quel plaifir de fournir cette belle carrière!
Rien ne l'ennuyoit tant que fa façon d'aller.
L'Aigle l'élève enfin: elle retombe à terre,
Et la propre maison fervit à l'accabler.

Je devois m'en tenir à ma marche ordinaire,
Dit-elle alors; il faut des ailes pour voler:
Elle expire à ces mots. Tel Marquis fait le Prince,
Qui doit s'attendre à ce revers fatal:

Prodigue d'un revenu mince,

Son caroffe fouvent le mène à l'Hôpital.

§. XVII.

Du Cottonnier & du Cotton.

LY A trois fortes d'arbres qui portent le cot

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ton. L'un eft rampant comme une vigne; Pautre épais comme un buiffon; le troisième haut comme un chêne: tous trois après avoir donné de très-belles fleurs, produifent un fruit gros comme une noix, dont les dehors font

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tout-à fait noirs. Ce fruit devenu mûr s'entrouvre, & laiffe voir une bourre d'une blancheur extrême; c'est ce qu'on apelle le cotton. Avec un moulinet on fait tomber la graine d'un côté, & le cotton de l'autre, puis on le file pour en faire toutes fortes de beaux ouvrages, comme bas, camifoles, couvertures, tapifferies, rideaux, & ajuftemens de toute espè ce. C'eft dequoi l'on fait la mouffeline. On mélange quelque fois le cotton avec la laine, quelque-fois avec la foie, & même avec l'or.

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§. XVIII.

Eloge d'un Barbet.

C'est un jeune Seigneur qui parle.

ON CHIEN fe nomme Moufei; c'eft le Roi des Barbets. Il a dans fa figure tout ce qu'il faut pour plaire. Beau poil, grande cæffure, amples mouftaches, palatine & engageantes toujours blanches. Rien ne lui manque. Chien bien éléve avec cela, & qui a fait fes exercices avec diftinction. Il fait chaffer, danfer, fauter, & faire cent tours d'adreffe. Entre autres il aporte à toute une compagnie toutes les cartes que chacun a nommées.

Si les chiens n'ont point de raifon, ils ont au moins une forte de mémoire. On accoutume un chien à raporter à coup fûr, puis à démêler un as d'avec un autre. On lui préfente fouvent. à manger fur une nouvelle carte qu'il ne connoit point.

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point. Après quoi on la lui envoie chercher parmi les autres. Il ne s'y méprend plus. L'habitude d'y trouver fon compte & d'être careffé, fait qu'il les démêle peu à peu & qu'il·les aporte avec un air de gayeté & fans confufion. Et dans la vérité il n'eft point plus furprenant de voir un chien diftinguer une carte d'avec trente autres, que de le voir diftinguer dans une rue la porte de fon maître de celle de fes voifins. Mais ce qui me divertit le plus dans Moufti ce font fes manières & fes petites rufes naturelles, Que je prenne mes livres pour m'en aller au collège, mon pauvre chien qui va être trois heures fans me voir, prend un air fombre & rechigné, comme fi on lui faifoit grand tort. Il fe plante vis-à-vis la porte, & attend là le moment où il me reverra. Qu'au lieu de mes livres je prenne mon épée, ou que je lâche feulement le mot de promenade, il va conter fa bonne-fortune à toute la maison: il monte, il defcend, il tourne, & fe met quelque-fois à japer d'une façon qui donne envie de rire à tout le monde. Si je tarde à fortir, il femble foupçonner fur ce que je ferai de lui. Il décampe par provision, & s'en va m'attendre à trente pas du logis au premier carrefour, plein d'espérance d'être de la partie. Lui dit-on qu'il n'en fera pas? il fait d'abord fes remontrances & effaie de faire révoquer l'ordre. Il a l'air digne de compaffion, quand on lui aprend nettement qu'il faut rentrer: mais il n'y a forte de reconnoif

fance

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