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tout à la fois comme pour accabler l'auditeur par le nombre. « Turenne » meurt, tout se confond, la fortune » chancele, la victoire se lasse, la paix s'éloigne, les bonnes intentions des » Alliés se ralentissent, le courage des » troupes est abattu par la douleur, tout » le camp demeure immobile, etc. » Fléch. Ce lieu commun se nomme Conglobata chez les Latins.

Les Antécédens et les Conséquens sont les choses qui suivent ou qui précèdent un fait, et qui aident à le reconnoitre. Vous aviez eu des démélés avec Clodius: vous l'aviez menacé: voilà des antécédens. Il est tué: vous disparoissez vous vous défiez de ses amis voilà des conséquens.

Enfin en considérant la Cause et les Effes, on loue, on blâme une action, on conseille une entreprise, on en détourne. Quoi de plus grand, de plus relevé l'action des Horaces que

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si on en

regarde le principe ? C'est un entier dévouement au salut de la patrie qui les mene au danger. L'effet qui en résulte n'est pas moins beau: c'est la gloire et la conservation de la patrie.

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Tous ces aspects sont censés intérieurs; parce qu'ils tiennent au sujet même comme cause ou comme parties,

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comme rapport, ou comme circonstances. Ils sont tirés tous de la nature même, ou, comme on dit, des entrailles de la cause, ex visceribus rei. On les appelle par cette raison; Lieux intérieurs, pour les distinguer des Lieux extérieurs qui sont au nombre de six la Loi, les Titres, la Renommée, le Serment, la Question, les Témoins tous moyens placés hors de la cause; et sans lesquels en les prenant tous séparément, cause peut subsister.

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Le Serment, les Aveux tirés par les tourmens, les Témoins, sont des moyens sans réplique; ou s'il y en a, elles sont presque les mêmes dans tous les cas. Le serment est traité de parjure, l'aveu tiré par la question, est celui de la douleur, plutôt que de la conscience; les témoins ont été subornés, corrompus,

etc.

Quant à la Loi et aux Titres, c'est une discussion qui regarde la Jurisprudence plutôt que l'Eloquence.

La Renommée est, selon les intérêts différens, le cri de la vérité ou du mensonge; c'est un vain bruit, ou un oracle de Dieu même. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette matière, dont on trouve les plus grands détails dans tous les livres de Rhétorique. Nous aver

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tirons seulement les jeunes Orateurs de ne point trop mépriser ces secours, que l'art présente au génie. Souvent c'est un fil qui guide assez surement l'esprit dans le labyrinthe. Pour quoi, quand on a un sujet à traiter, ne se demanderoit-on pas à soi-meme Quelle est l'entreprise que je me propose ? C'est de louer un homme extraordinaire: Qu'est ce qui fait un homme extraordinaire : C'est d'avoir des vices ou des vertus au-dessus de ce qu'on voit communément parmi les hommes: Celui dont je parlerai les a-t-il eues? Parcourons les détails de sa vie. Ici il a montré une modération héroïque: une ame commune auroit fait le contraire; là, une prudence, et une capacité admirable: tel moyen qu'il a choisi a produit un effet qu'on n'eût osé espérer. Ainsi du reste. Ceux mêmes qui affectent de mépriser les lieux communs sont obligés d'y aller puiser, et quelquefois, sans le savoir, ils leur doivent tout ce qu'ils ont de plus beau.

Les preuves sont des moyens de rigueur pour arriver à la conviction ; c'est un assaut; ou entre par la breche. Mais par les mœurs l'Orateur s'insinue peu-àpeu, il disposedes esprits, et les soumet avec leur propre consentement.

CHAPITRE I V.

Des Mœurs comme moyen de persuader.

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ES Mœurs se prennent en un sens différent dans la Poésie et dans l'Eloquence.

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Dans la Poésie il ne s'agit point du poëte, inais de ses acteurs. On ne demande point ordinairement qu'elles soient vertueuses, il suffit qu'elles soient vraies c'est-à-dire, ressemblantes au héros qu'on veut peindre, ou plutôt à l'idée qu'on en a communément.

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Dans l'Eloquence, lorsqu'on parle de mœurs, il s'agit de la vertu, et de la vertu de l'Orateur. On veut qu'il soit homme de bien, et que tout son discours porte le caractère de la probité: Les Payens ont défini l'Orateur, vir bo nus dicendi peritus.

Il sera modeste. Rien n'offense l'auditeur plus que l'orgueil de l'homme qui parle devant lui. Alors il prend fierement la qualité de juge et de censeur impitoyable. Il ne consent à rien de ce qui peut être contesté. Lors même qu'il se trouve sans réplique, il résiste encore, il n'est ni persuadé, ni convaincu. Ce

n'est point ici le lieu de faire l'éloge de ła modestie; mais on peut dire en général, qu'elle est le caractère du vrai savoir, aussi-bien que du vrai mérite.

A la probité et à la modestie l'Orateur doit joindre la bienveillance, ou plutôt le zèle pour le bien de ceux qui l'écoutent. Tous les hommes sont portés à croire les discours de leurs amis. Que l'Orateur paroisse avoir à cœur nos inté rêts., et chercher de bonne foi les moyens de nous être utile; il n'est pas possible alors que nous ne soyons de son avis. Il nous prend par l'endroit foible, par T'amour que nous avons pour nous

mêmes.

Une quatrième qualité, c'est la prudence, laquelle suppose nécessairement les lumières. Que nous serviroit d'être conduit par un homme de bien, par un ami véritable, si lui-même il ignoroit la route?

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L'Orateur doit donc établir son autor rité sur ces quatre vertus et les montrer dans tout son discours. Quand il a la République dans le cœur et qu'il possede bien sa matière, dès l'abord on sent le poids de son autorité. Son seul extérieur inspire la confiance. Qu'un Prédicateur rempli de la grandeur de son ministère, pénétré de zèle pour le salut

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