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qui, tranquille au milieu » d'eux n'avoit qu'a jouir des biens » qu'on lui apportoit. Qu'ils étoient con» venus que la main ne porteroit plus à » la bouche, que la bouche ne recevroit » plus les alimens, que les dents cesse»roient de les broyer; qu'ayant voulu

par ce moyen reduire l'estomac, ils » étoient tombés eux-mêmes en lan» gueur. » L'historien dans ce récit ne disparoît pas, il se montre avec l'acteur.

A cetornement du style historique, se joint celui qui naît des pensées. Il n'est pas possible qu'en maniant long-tems des faits, et en les considérant dans toutes leurs faces, il ne vienne aux auteurs quantité d'idées de toutes espèces, qui ne viennent pas au lecteur qui passe le gerement sur les objets. Il y a plus, selon le caractère et le goût dominant de chaque écrivain, ces idées sont ou morales ou politiques, pleines d'humanité melées d'aigreur, tournées vers la subor dination légitime, ou vers l'indépendan ce. Il semble que les faits passant par l'esprit de l'historien, y prennent la couleur de l'homme. On sent que ces beautes sont bien voisines du vice. Quel besoin a le lecteur de vos réflexions, si elles ne sont que de vous; si elles ne naissent point du sujet? Elles en naissent. Conten

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tez-vous de m'en avertir ; et tout au plusde me montrer le germe de ma réflexion. Si vous m'étalez trop souvent des maximes, des sentences; si vous prêchez à chaque page, comme l'ont fait quelques modernes; quelque bien écrite que soit votre Histoire, je m'ennuie de recevoir la leçon ; je prends peu-à-peu congé du maître, et je le laisse seul dans sa chaire.

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Ce défaut n'est en général que celui d'une ame vraiment vertueuse, qui avec beaucoup d'imagination a fait provision de philosophie. Il y a par-tout des ports avec les principes de morale. Ốn les saisit vivement, on ne peut se résoudre à perdre une maxime, une réflexion, qui séduit par son tour heureux.

Les images vives figurent avec plus d'éclat encore que les pensées dans l'Histoire elles reviennent plus souvent, et tiennent plus de place dans le discours.

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On peint les faits: c'est le combat des Horaces et des Curiaces: c'est la peste de Rome l'arrivée d'Agrippine avec les cendres de Germanicus, ou Germanicus lui-même au lit de la mort.

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On peint les traits du corps, le caractère de l'esprit, les mœurs : c'est Caton Catilina, Pison, etc. Les maîtres rigides en éloquence, veulent cependant qu'on peigne les hommes par leurs actions plu

tôt que par des mots. Aussi Homère et Virgile, qu'on peut regarder comme les modèles du beau en fait de récits, sontils extrêmement réservés sur ces tableaux d'attache, où l'écrivain s'amuse à crayon-. ner des idées que le lecteur doit se don ner d'après les faits, s'il est intelligent. Car c'est à lui à tirer par induction, le caractère des acteurs qu'on lui a présentés. Faut-il le tenir par la main, ou mème le porter dans toute la route? Le moyen de le tenir éveillé et de l'exercer de lui donner une tâche. Pourvu qu'elle ne soit pas trop forte, il la remplira avec un retour de satisfaction sur lui-même ; et saura gré à l'auteur de la bonne opinion qu'il a eue de lui,

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Après tout ce que nous avons dit cidevant sur l'élocution, ce qui reste de détail par rapport au style de l'Histoire se réduit à peu de choses. On sent qu'il ne doit s'y trouver aucune figure oratoire, parce que ces figures sont faites pour exprimer les passions; or un historien n'en a point il n'a ni amis. ni ennemis, ni parens, ni patrie. Il n'a rien à prouver, ni à détruire; il n'accuse ni ne défend. Tout son office est d'exposer la chose comme elle est. Nihil iratum habet, nihil invidum, nihil atrox, nihil mirabile, nihil astutum; casta, verecunda, virgo

incorrupta quodam modo. Cicéron, Tacite et Salluste semblent avoir eu cette partie plus que Tite Live. On sent en lisant celui ci qu'il étoit Romain; chez lui on estime Annibal, on l'admire; mais on a peur de lui, parce qu'on aime Rome. Après tout, ce défaut étoit une beauté pour les Romains. Qui est assez philosophe pour ne dédier son ouvrage qu'au genre humain, ou à la postérité ?

Nous ne parlons pas de Quinte-Curce qui n'a fait proprement qu'un éloge d'Alexandre; ni de Xenophon qui n'a prétendu que donner le modele du parfait Monarque. Ce dernier est le plus simple, le plus naïf de tous les historiens, si on en excepte César, qui s'est montré en ce genre; comme dans les autres, le premier homme de son siècle. Il n'est point frisé, dit Cicéron, ni paré, ni ajusté, mais il est plus beau que s'il l'étoit. Les tours recherchés, les expressions fortes, les pensées brillantes conviennent plus à un Rheteur, qui veut attirer sur lui une partie de l'attention qui n'est due qu'au sujet, qu'à un homme de bon sens. Tout cet appareil déguise l'histoire plutôt qu'il ne l'embellit.

La principale qualité du style historique, est d'être rapide : l'historien se hâte d'arriver à l'événement ; et c'est pour lui

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sur-tout qu'est vraie la maxime d'Horace

Et brevitate opus, ut currat sententia neu se
Impediat verbis lassas onerantibus aures.

Il doit étre proportionné au sujet. Une histoire générale ne s'écrit point du même ton qu'une histoire particulière ; c'est presque un discours soutenu: elle est plus périodique, et plus nombreuse.Tite-Live et Tacite ont une manière plus élevée que Cornelius Nepos. Quoique le caractère même de l'écrivain contribue souvent autant que le sujet à lui donner plus ou moins d'élévation; quelqu'effort qu'on fasse on ne peut s'oublier assez soimême, pour ne pas assaisonner les choses à son goût. Et après tout, quelle autre loi y a t il pour guider un écrivain? Il s'agit de l'avoir bon.

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CHAPITRE V I.

De l'Histoire Naturelle.

LE Chancelier Bacon dans cette ouvrage admirable, où il présente le tableau de la perfection possible des sciences, divise l'Histoire Naturelle en trois - branches, dont la première concerne les ouvrages réguliers de la nature, c'est-àdire, ceux où il nous semble que les lois

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